Ka(ra)mi – “Créer des beats, c’est un moment de bien être, de self care et de connection avec mes ancêtres”

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Crédit photo: Djena, @djena_boo | Make up: Gingerpine, @gingerpinemakeup

Cette semaine, nous rencontrons une artiste plurielle, une astronaute qui nous ouvre les portes de son univers. Elle s’appelle Ka(ra)mi, elle d’origine haïtienne et hongroise, et elle s’apprête à sortir son tout premier album en solo. Elle nous parle de son parcours, sa carrière, ses inspirations et ses ambitions. Elle est notre QUEENSPIRATION.

Crédit photo: Djena, @djena_boo | Make up: Gingerpine, @gingerpinemakeup

RTM | Bonjour KA(RA)MI, si tu devais t’introduire en une phrase tu dirais ?

Ka(ra)mi | Hello Wendie, je suis Juline aka Ka(ra)mi. Je suis pianiste, beatmakeuse, DJ et je mixe les musiques noires.

RTM | Tu as grandit dans une famille où la musique était la norme. Te lancer dans une carrière professionnelle était-ce une évidence en grandissant ?

Ka(ra)mi | Le fait de grandir dans une famille où la musique était très importante m’a influencée énormément. Lorsque j’étais petite, chez mes parents, il y avait toujours de la musique qui jouait au salon. Grâce à ma grande soeur, j’ai commencé à écouter du Hip Hop et du R&B dès mon plus jeune âge. On regardait également les clips ensemble sur MTV. Grandir en écoutant de la musique était très naturel, dans notre cocon familial, c’était vraiment très important. Etre musicienne est certainement la continuité de cet héritage familial.

RTM | Tu es suisse d’origine haïtienne et hongroise, comment tes origines multiples nourrissent-elles ta musique ?

Ka(ra)mi | J’ai écouté beaucoup de Konpa quand j’étais petite à la maison avec mes parents et aussi quand j’allais voir ma famille du côté de mon père à Brooklyn. Dans toutes les fêtes, anniversaires, mariages, c’était le konpa qui leadait l’ambiance. J’aime tellement cette musique, ne serait-ce que par le côté majestueux des arrangements que je retrouve aussi dans les musiques de Martinique et de Guadeloupe. J’en suis fortement influencée dans mes compositions et dans mes mix. Côté hongrois, je joue au piano depuis l’âge de six ans et chaque été j’allais en Hongrie et je jouais les morceaux que j’avais appris pendant l’année à ma grand-mère pianiste, c’était de super moments.

RTM | Parlons un peu de ton parcours, quel fut ton chemin de vie avant de te professionnaliser dans la musique ?

Ka(ra)mi | Mon parcours est très varié. Je suis née et j’ai grandi en Suisse à Genève, j’ai commencé le piano à l’âge de six ans et j’ai pratiqué l’athlétisme de mes 8 à 18 ans à un rythme assez élevé. A 19 ans, je suis partie une année à Cuba apprendre l’espagnol et la musique cubaine. J’ai ensuite étudié la psychologie et l’espagnol à l’Université de Lausanne, où j’ai obtenu une double licence. Entre temps, avec mon duo KAMI AWORI (qui s’appelait encore CaramelBrown), on a sorti notre 1er EP « Esquisses ».

Après ma licence, nous avons été engagées comme musiciennes sur la tournée de la chanteuse berlinoise DENA qui nous avait repérées par hasard sur Youtube car on avait publié un cover d’un de ses morceau. Cette tournée internationale a marqué le point de départ d’une forme de professionnalisation et l’idée que la musique pourrait éventuellement être mon métier à plein temps dans le futur.

RTM | Comment décrirais-tu tes productions musicales ? Il y a t-il un style KA(RA)MI ?

Ka(ra)mi | Mes productions musicales évoluent et se transforment avec le temps. En ce moment, je dirais que je suis dans une mouvance house et caribéenne. J’aime les grosses basses façon « boomer » et les sonorités douces telles que le rhodes. J’adore chercher des lignes de basse. Je suis fascinée par cet instrument qui au premier abord n’est pas celui qu’on remarque mais sur lequel tout repose.

Crédit photo: Djena, @djena_boo | Make up: Gingerpine, @gingerpinemakeup

RTM | Tu es multifacette : beatmaker, Dj, pianiste, musicienne… Comment parviens-tu à faire cohabiter tes différentes casquettes artistiques ?

Ka(ra)mi |J’arrive à faire cohabiter mes différentes casquettes car elles sont liées. Chaque fois que je travaille sur un aspect, les autres progressent car ils sont liés. Etre DJ m’inspire pour composer mes beats et être musicienne nourrit ma manière de mixer. Tout ceci est un cercle doré et pailletté qui me fait du bien et me rend heureuse.

RTM | Je me souviens t’avoir découverte à l’époque où tu formais le duo « KAMI AWORI » avec la chanteuse AWORI pendant près de 11 ans. Ce n’est pas commun de voir deux femmes afrodescendantes formés un groupe. Qu’est-ce que ce duo t’a enseigné sur l’artiste que tu incarnes aujourd’hui ?

Ka(ra)mi | Mon expérience au sein de KAMI AWORI est très importante. On a vite vu que notre musique était difficile à catégoriser et aussi qu’on subissait des discriminations au sein de l’industrie musicale en tant que femmes afrodescendantes. Ceci ne nous a pas découragé, à chaque fois qu’on avait une idée, on allait jusqu’au bout, peu importe comment. On a reçu énormément d’amour et de soutien au sein de divers espaces.

Venir vivre à Paris était naturel pour nous, car on se faisait programmer à beaucoup d’évènements, la plupart de la diaspora noire. A l’heure d’aujourd’hui, je me sens fière d’avoir pu participer à ces évènements et aussi d’avoir pu voyager pour jouer, d’être bookées dans divers festivals tout en restant fidèle à notre style musical et à notre message.

RTM | Dans une interview en 2018, tu parlais de l’importance à donner aux femmes productrices. Vois- tu une évolution de la situation ?

Ka(ra)mi | A l’heure d’aujourd’hui , je suis contente de voir des initiatives proposées par les diverses organisations et plateformes qui mettent en avant les minorités, comme par exemple, le BASTET festival à Paris, qui est un festival interdisciplinaire qui donne l’espace aux femmes * artistes. Je suis également affiliée à la Maison Populaire de Montreuil ainsi qu’à Helvetia Rock en Suisse où je donne des stages de beatmaking et djing en non mixité.

Je pense que le changement est dans les petites actions et dans l’amplification de la relève; je suis contente d’y contribuer.

RTM | Tu t’apprêtes à sortir ton 1er album. Comment ce projet a t-il été façonné ? Qu’est-ce qui l’a nourrit ?

Ka(ra)mi | Mon 1er album solo a été créé dans la Joie, l’Amour, la rencontre de moi-même, l’hommage aux diasporas noires et sur la route vers la guérison des blessures du passé, qu’elles soient individuelles, collectives ou encore intergénérationnelles. Je chante pour la première fois en lead sur cet album, donc mes mots viennent se poser sur la musique, musique qui a été conceptualisée durant mes 4 ans de soirées permanentes et de DJing. Cet album, c’est le mouvement de toutes les personnes que j’ai vu danser en soirée, ce sont les émotions que je ressens quand j’écoute du konpa, du zouk, du hip hop, ou encore de la house.

RTM | Tu as sorti le titre « Astronaute », morceau que l’on retrouvera sur l’album. KA(RA)MI est-elle une astronaute ?

Ka(ra)mi | Astronaute, je me sens quand je suis en train de créer de la musique ou de mixer. Je me sens connectée à un ailleurs qui me dicte quoi faire et en dialogue cosmique avec l’Univers. Cette sensation, je la retrouve uniquement quand je suis dans l’eau, mon élément naturel préféré. Créer des beats, c’est un moment de bien être, de self care et de connection avec mes ancêtres.

RTM | Après avoir évoluer à Genève, Paris et Bruxelles, après avoir voyager dans quelques jolies destinations du globe, il y a-t-il une destination propice à l’expression de ta créativité ?

Ka(ra)mi | La destination qui m’a le plus marquée récemment était la Guadeloupe. Je me suis sentie enveloppée par la nature et accueillie par une douceur dans l’air que je n’avais jamais ressenti en dehors de mon année à Cuba et de mes souvenirs lointains en Haïti. Je me suis reposée comme jamais. En plus, j’ai eu la chance de performer au Mabouica Festival et au Neokaribbean. Le public était tellement réceptif et merveilleux, c’est l’un de mes plus beaux souvenirs de scène.

RTM | Plutôt solitude ou collectif ?

Ka(ra)mi | Les deux! J’aime alimenter mon jardin intérieur seule et j’aime la collectivité quand elle est harmonieuse et que chacun.e a de l’espace pour s’exprimer et être qui elle-il est. La collectivité est importante pour moi aussi car j’ai toujours vu mes parents ouvrir leur porte et accueillir, j’essaie donc de leur faire honneur en continuant à cultiver ces valeurs autant dans mon art que dans ma vie en général.

RTM |Si je te dis « indépendance », tu me réponds ?

Ka(ra)mi | Liberté.

RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes qui t’ont inspiré en grandissant ?

Ka(ra)mi | Ma maman; Je suis inspirée par sa douceur, sa force et sa générosité. Ma soeur; grâce à elle, j’ai appris à cultiver l’authenticité et à être alignée avec qui je suis. On a récemment commencé à collaborer ensemble sur des projets de podcast et c’est vraiment génial de travailler en famille.

Mes cousines basées en Europe: Melissa, Delphine, Adeline (côté papa), Kinga et Nori (Repose en paix notre ange Nori) (côté maman). Je suis la plus jeune et avoir cette forme de sororité avec mes cousines est une grande source d’ancrage, de confiance et d’inspiration.

RTM | Et enfin qu’est-ce qui fait de KA(RA)MI une Reine Des Temps Modernes ?

Ka(ra)mi | Ce qui fait de moi une Reine des Temps modernes, c’est l’amour radical avec lequel je cultive mes passions. Merci <3

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