Sandy Abenafrica – “Certains clichés sur l’Afrique ont la peau dure”

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Notre QUEENSPIRATION de la semaine vous donnera envie de voyager. Mais pas n’importe où ! Avec Sandy Abena, de son vrai nom Sandy Salyeres, direction l’AfroWorld. De quoi ravir la communauté d’Afrocurieux qu’elle s’est crée depuis près de deux ans. Fondatrice de la plateforme Abenafrica, cette jeune femme pétillante et inspirante nous parle de la genèse de son projet et de son amour pour les voyages en solo.

RTM | Bonjour Sandy,  peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs qui ne te connaitraient pas ?

Sandy | Je m’appelle Sandy. Je suis Acheteuse Internationale Software, sur mes pauses café et déjeuner, je gère mon activité de Social Media Manager , et sinon  je suis H24 la fondatrice de la plateforme Abenafrica.

Une plateforme dédiée à l’histoire et les cultures des communautés noires. Avec Abenafrica, je veux révéler l’Afro curieux qui est en vous !

RTM | Peux-tu nous raconter la genèse de ta plateforme ?

Sandy | Le projet est d’abord né d’une frustration que j’ai eu au cours de mon cursus scolaire. J’ai toujours été assez bonne à l’école. J’ai toujours été orientée vers des filières dites d’excellences. Je me souviens atterrir en classe préparatoire et découvrir les cours d’histoire sur l’Afrique… Il y avait de gros problèmes ! Contrairement, aux autres continents, l’Afrique n’avait pas droit à un module entier. Chronologiquement parlant, on démarrait le chapitre sur l’Afrique avec la colonisation et l’esclavage, on parlait des effets néfastes en sous entendant quand même que les africains ne sont pas très débrouillards… Bref, j’ai pris conscience qu’on était entrain d’apprendre à « la crème de la crème de la France » des âneries sur l’histoire des communautés noires.

A cette époque je n’avais pas le temps de me plonger dans des recherches. Je me suis promise de prendre ce temps un jour, et  d’apprendre mon histoire. 

Une fois mes études terminées,  j’entame la vie active, et ma vie devient plus stable. C’est à ce moment que je prends le temps de lire, de rechercher, de comprendre. Je prends la décision de créer une plateforme qui me permettra de partager mes découvertes. Je me rends aussi rapidement compte qu’il y a bien plus à partager que mon histoire, je décide de parler de mes voyages, de l’Afrique qu’on ne nous montre pas, qu’il est possible de voyager au Sénégal, au Mali, au Rwanda comme on voyage à New-York ou à Bali. C’est ainsi que la plateforme est née. Sur Abenafrica, on parle de voyage, de culture et  des meilleures sorties afros avec l’Afro Agenda !

“Les offres en termes de tourisme proposées par des afro descendants sont encore trop pauvres.”

RTM | Que signifie Abenafrica ?

Sandy | Le premier pays du continent africain que j’ai visité est le Ghana. Lors de ce premier séjour, j’étais avec un groupe de volontaires ghanéens. Pour me mettre à l’aise le premier jour, ils m’ont demandé mon jour de naissance. Je leur ai répondu « un mardi ». Ils m’ont dit « chez nous les filles qui sont nées un mardi, on les appelle Abena ». C’est une tradition héritée de l’ancien royaume Ashanti dont le Ghana est un des héritiers.

Lorsque j’ai créé Abenafrica 8 ans plus tard, j’ai voulu rendre hommage à ma première expérience africaine.

RTM | Sur ton Instagram, on peut lire  dans la description de ton profil « la plus antillaise des africaines ». Comment cet amour et cette curiosité pour l’Afrique sont-ils nés?

Sandy | On parle souvent des antillais qui renieraient leurs origines africaines mais pas assez de ce gros noyaux d’antillais, martiniquais, guadeloupéens, guyanais, toute cette afro descendance qui revendique leurs racines africaines.

Mon père en fait partie. Depuis toute petite, mon père me répétait « tu es guadeloupéenne et les guadeloupéens viennent d’Afrique, tes racines sont africaines. ». J’ai grandi avec cette fierté de pouvoir revendiquer mes racines africaines. J’ai voulu aller voir ce dont me parlait mon père depuis toute petite.

Aujourd’hui, quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds à New-York peut en parler grâce à toutes les séries, documentaires, à tout le contenu auquel on a accès. Pour l’Afrique c’est différent, beaucoup de gens sont incapables d’en parler. Très jeune, j’ai décidé que mes prochains voyages se feraient en Afrique. Je veux pouvoir parler de ce que j’ai vu. Et puis il y a quelque chose qui se construit en moi quand je voyage sur le continent.

RTM | Qu’est-ce qui t’a le plus marqué lors de ton premier voyage au Ghana ?

Sandy | Mon premier séjour au Ghana, c’était il y a 10 ans. J’avais 18 ans. Je n’étais pas aussi déconstruite que maintenant. Je me souviens découvrir Accra, l’une des capitales les plus développées en termes d’infrastructures. Je me suis dit « en fait, c’est comme ça l’Afrique ».

J’étais étonnée de voir autant de noires partout (rires). Quand tu grandis en France en tant que minorité visible, on n’est jamais en masse. C’est bête à dire mais ça m’a marqué.

Dernière chose qui m’a marqué, j’avais beau être noire, j’étais considérée comme une blanche, une occidentale. Voyager en Afrique c’est prendre conscience de la complexité et de la diversité de ce vaste continent.

RTM | Il y a 10 ans il n’y avait pas encore toute cette vague trendy autour du Black Travel en Afrique.  Les réseaux sociaux ont-ils aidé à changer la donne ? 

Sandy | On a beau dire mais la puissance des réseaux sociaux et d’Instagram notamment est hyper importante. Le pouvoir médiatique n’est plus uniquement centralisé par la télévision. Une plateforme comme Visiter l’Afrique a été précurseur dans cette image positive que l’on peut aujourd’hui avoir de l’Afrique. Donc oui clairement, les réseaux sociaux, les plateformes, les pages Instagram permettent de changer la donne.

Certains de mes abonnés changent parfois leurs plans de voyage pour visiter un pays africain suite à mes voyages. Je trouve ça génial.

Il faut cependant faire attention à une chose. Instagram reste Instagram. Quand on sort d’Instagram, quand on sort de nos mondes, certains clichés sur l’Afrique ont la peau dure.

Il y a également un travail à faire sur l’offre touristique actuelle. Je suis pour le « fait pour nous, par nous, et pour le reste du monde ». Les offres en termes de tourisme proposées par des afro descendants sont encore trop pauvres. Les agences qui existent aujourd’hui ne sont pas gérées par des afro descendants,  elles font découvrir l’Afrique selon leur vision. Il est nécessaire d’avoir des offres crées par des afrodescendant.e.s pour raconter et montrer l’Afrique autrement.  

RTM | Tu n’hésites pas à voyager seule. Il y a-t-il des spécificités lorsque l’on est une femme noire qui voyage seule ?

Sandy | Franchement oui, je ne vais pas faire semblant. Il y a deux choses selon moi : le fait d’être une femme et le fait d’être noire. D’abord le fait d’être une femme, mais ce n’est pas uniquement lié au voyage. Il faut prendre les mêmes précautions que lorsque tu marches à Chatelet à minuit. Voyager en tant que femme, c’est adopter ces réflexes que l’on a déjà dans la vie de tous les jours.

Ensuite en tant que femme noire, tout dépend de l’espace dans lequel tu voyages. Honnêtement, être une femme noire en Afrique ou dans les pays de l’Afroworld a toujours été un avantage pour moi, un atout.

Ce n’est pas du tout la même chose dans les pays hors Afroworld. Au Mexique par exemple, il n’y avait pas une journée où l’on ne me demandait pas une photo et où l’on ne m’appelait pas « Morena, Morena ».

RTM | Comment compte se développer Abenafrica ?

Sandy | J’ai deux gros projets pour cette année et un rêve plus lointain qui j’espère se transformera en objectif un jour.

Le premier projet est orienté « voyage ».  Aujourd’hui les Afro Curieux.ses qui me suivent découvrent chaque semaine sur instagram le portrait et les conseils d’un.e voyageur.se noir.e pour un pays donné. Demain, je veux aller plus loin dans cette démarche et centraliser tous les pays et conseils pratiques de l’Afro World directement sur mon site.

Mon second projet : je travaille actuellement sur une petite pépite qui fera qu’Abenafrica sera votre dose d’Afrocuriosité au quotidien, mais pas que sur instagram… Je n’en dis pas plus, rendez-vous en Juillet 2020 !

Et le rêve, mon rêve absolu, c’est de tout quitter pendant plusieurs mois et faire le Tour du Monde de l’Afro World. En mode, moi, mon sac à dos et ma caméra !

“Ce que je veux c’est que la petite Sandy soit fière de la Grande.”

RTM | Comment jongles-tu entre tous tes projets ?

Sandy | On ne dort pas (rire). Je ne vais pas faire semblant. C’est hyper compliqué. Le changement a été difficile à gérer. Passer de son job de cadre dans une grande entreprise, à la gestion d’un milliard de projets en parallèle… C’est compliqué. Je m’adapte encore tous les jours.

J’ai mis en place une organisation extrêmement drastique. J’ai une checklist quotidienne, hebdomadaire et mensuelle de choses à faire et de mes objectifs.

Ce qui m’aide beaucoup, c’est ma routine matinale, mon Miracle Morning. Quand tu entreprends, tes projets changent et évoluent constamment. Ce n’est pas évident d’avoir une journée type, alors j’ai décidé de m’imposer une routine pour avoir comme une ancre sur laquelle me reposer quotidiennement. Les routines m’aident beaucoup. Mais ça reste compliqué.

RTM | Peux-tu nous parler de ton Miracle Morning ?

Sandy | J’ai toujours eu besoin de mettre en place des routines, et ce depuis toute petite. Il y a 3 ans, j’ai découvert le livre Miracle Morning qui m’a aidé à concrétiser ma routine matinale.

Je me réveille à 4h55 du matin (j’ai toujours été du matin). Je bois un verre d’eau tiède avec du citron. Je fais 20 minutes de violon, puis 5 min de massage capillaire. C’est hyper important que je commence la journée par des choses qui me nourrissent. Ca me met dans un bon mood et me donne un sentiment d’accomplissement.

Je lis ma pensée positive du jour et je fais mes 50 mots d’espagnol. Un jour sur deux, soit je fais 30 minutes de sport, soit je bosse sur l’un de mes projets. C’est seulement après ça que je me prépare pour aller au travail.

C’est hyper important que la première action de la journée ne soit pas de prendre le RER.

RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes qui t’inspirent ? 

Sandy | La première, c’est Mavic Bright, une coach que je suis sur Instagram. Elle nous aide à atteindre la version à un milliard de dollar de nous-même. J’ai pris conscience de cette phrase il n’y a pas très longtemps. C’est une question que j’ai posée à un collègue. « Si demain tu gagnes un million d’euros, est-ce que tu continues de faire ce que tu fais aujourd’hui ». Il m’a dit « non » évidemment. J’ai compris qu’atteindre la version à un milliard de dollar de soi-même, ce n’est pas devenir milliardaire :  c’est atteindre une situation de vie ou, indépendamment de ta situation financière, tu continues à faire ce que tu fais, parce que tu aimes trop ça !

Demain, même si on me donne un milliard d’euros, je n’arrêterai pas Abenafrica. En revanche, je ne garderai  surement pas mon job en entreprise et je sélectionnerai à la loupe les clients Social Media Manager avec qui je veux travailler ! (rire)

Cette femme m’inspire parce qu’elle incarne ce qu’elle dit, contrairement à d’autres coaches de vie. C’est une femme forte, chef d’entreprise, guadeloupéenne, qui a eu 5 enfants, qui vit à l’étranger. Quand je la vois, je me dis que c’est comme ça que je veux être dans 10 ans. 

Ensuite, il y a Mme Taubira, parce que je veux sa rhétorique et sa répartie.

Si demain j’ai droit à un vœu, je veux pouvoir m’exprimer comme elle. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas ça !

Et enfin Rokahya Diallo, qui est une femme extrêmement intelligente, extrêmement talentueuse, qui parvient à évoluer dans un monde des médias sur un créneau hyper compliqué : les luttes antiracistes, le féminisme…J’admire ce qu’elle fait. Je trouve qu’elle a de vraies valeurs. C’est une femme qui n’était pas destinée à faire ce qu’elle fait aujourd’hui et qui a su saisir les opportunités. « La chance, c’est quand tu rencontres l’opportunité et que tu es prêt pour ça » (Denzel Washington).

Elle était prête. J’ai eu la chance de l’interviewer récemment, et je l’aime encore plus. C’est une femme qui est extrêmement simple et bienveillante. Elle est intéressante, authentique.

RTM | Ta prochaine destination dans l’Afroworld ?

Sandy | Mon rêve c’était Haïti, mais malheureusement au vu de la situation actuelle, c’est très compliqué. Du coup ma prochaine destination, ce sera un road trip dans la Caraïbe. On parle souvent du continent africain qui est invisibilisé, mais il y a beaucoup d’îles de la Caraïbe que l’on ne connaît pas également.

J’ai envie de les connaître et de leur donner un peu de visibilité. Je vais sûrement faire Saint-Martin, L’île de Saba, Sainte-Lucie, Trinidad et Tobago et Anguilla. Pour le prochain voyage, Abenafrica retourne dans les Caraïbes.

RTM | Qu’est-ce qui fait de Sandy une Reine Des Temps Modernes ?

Sandy | Il y a 3 ans, j’ai vécu un drame personnelle et je me suis jurée que j’allais rendre fière la petite  fille que j’étais avant. Je pense que c’est enfant que l’on détient sa vérité, de qui on est vraiment, de notre bonheur, c’est le moment où l’on est le plus aligné avec nous-même. En grandissant, la société et l’école ont tendances à nous détourner de nous-mêmes. Ce que je veux c’est que la petite Sandy soit fière de la Grande. Je n’y suis pas encore mais je m’en approche.


 

 

2 Commentaires

  1. Hello les reines !
    J’ai eu un vrai coup de coeur en lisant le portrait de Sandy. En particulier lorsqu’elle parle de la petite Sandy qu’elle veut rendre fière. Très beau portrait qui redonne de la force et du courage pour partir à la recherche de nos petits nous et réaliser nos rêves. Merci Wendie et merci Sandy.

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