« Oh, vous êtes noire ! ». Voici la réaction de la personne qui reçu Samantha Sibanda qui postulait pour devenir professeure d’anglais dans une école en Chine. C’était en 2009, un entretien qui devait se terminer sur une note positive, puisqu’elle avait l’air tellement impressionnée par son curriculum vitae. Pourtant ce jour là, Samantha Sibanda ne fut pas embauchée, et pour cause, les parents et les élèves n’auraient pas apprécié le fait qu’une femme noire enseigne à leurs enfants[i]. Quand on y pense, 2009 c’était y’a pas si longtemps. Et si encore ce n’était qu’un cas isolé, à la limite ça passerait. Mais non. Ce sont des histoires qu’on lit assez souvent dans les journaux. Recalés pour des emplois malgré des cv bien remplis, mis sur le banc de touche des grandes universités , publicité dégradante qui font passer nos hommes à la machine à laver.. Bref, la discrimination envers les noirs dans les pays asiatiques ressort dans plusieurs domaines. Mais malheureusement, ça ne s’arrête pas là , et les femmes ne sont pas épargnées. Et oui ! Pour les femmes, en plus de se voir refuser des emplois comme Samantha, où refuser l’entrée à l’université, elles peuvent aussi être considérées comme des objets sexuels monnayables, pour ne pas dire des prostituées.
Imaginez… Vous obtenez un stage à l’étranger. Ce stage de fin d’études que vous avez mis temps de temps à dénicher. Le plan parfait ! Vous partez donc en Malaisie pour 3 mois. Que demande le peuple ? Vous partez seule et confiante. Vous débarquez, commencez à travailler et petit à petit, le rêve va virer au cauchemar. Votre patron commence à vous faire des avances avec insistance. Vos collègues malaisiens vous font des réflexions déplacées sur votre physique, vos tenues. Un soir, vous rentrez tranquillement chez vous, vous vous faites suivre par un homme. Il vous siffle, vous insulte et vous balance des paroles obscènes en anglais. Vous fuyez… Et ces regards méprisants dans les rues. Ces yeux qui vous dévisagent et vous déshabillent dans la rue. Vous fuyez…Troublée, bouleversée et profondément choquée, vous mettez fin à votre stage et regagnez votre pays au bout de 2 semaines. De retour chez vous, vous racontez votre histoire à votre famille et à des amies d’origine africaine, comme vous. Et là surprise ! Vous réalisez que vous n’êtes pas un cas isolé, loin de là. On vous parle d’Aïssatou, partie faire un stage tout comme vous , qui se faisait traitée de « slut » tous les jours par son patron. De Laetitia qui s’est fait tabassée parce qu’elle a refusée de répondre aux avances d’un homme dans un bar. Vous faites des recherches, et là, vous trouvez des histoires similaires, encore plus choquante les unes que les autres. C’est chaud n’est-ce pas ? J’aimerai vous dire que c’est de la pure invention, mais cette petite histoire est inspirée d’événements qu’a vécu une de mes amies. C’est horrible.
Au delà du profond sentiment de dégout et de révolte que cette histoire m’a inspiré, je me suis vraiment demandé « Pourquoi ? ». Oui, pourquoi dans ces pays, les femmes noires sont associées à la prostitution ou à des femmes « faciles ». En fait, là-bas, une grande partie des femmes noires sont en fait des prostitués. En 2016, il y a de grands réseaux de proxénétisme qui « s’approvisionnent » (le terme est choisi exprès, on parle bien de marchandage du corps malheureusement) dans des pays d’Afrique noire, entre autres. Résultat des courses, les femmes noires sont perçues et associées à la prostitution. Vous vous rendez compte ? On a vu ça par le passé. Vous savez, ce mythe de la femme noire, sensuelle et pulpeuse. Cet animal exotique bourré d’hormones qui ne demande qu’à satisfaire les pulsions. Que nous le voulions ou pas, c’est une image qui persiste dans certains esprits et cultures. Elle est alimentée par des discours tel que « Ah ouais les « blacks » dansent bien ! » .La danse , par essence même l’art du mouvement du corps n’est-ce pas ? Rien de surprenant qu’on l’associe si facilement à la sexualité. Si la danse est un outil culturel, c’est aussi un outil sexuel, dont les femmes noires sont bien malgré elles les ambassadrices. J’ai pris la danse comme exemple, mais j’aurai pu choisir autre chose. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Si j’ai écrit cet article, c’est que je pense que ce « mythe » est à l’origine de la sexualisation de la femme noire dans certains pays, et pas seulement en Malaisie. La prostitution n’arrange rien et je me demande même si elle n’est pas une conséquence du « mythe » dans ce genre de cas. Je crois que c’est important de discuter de ces situations, parce que soyons francs, je ne pense pas que ce soit un problème « asiatique ». Il faut simplement pouvoir en parler pour s’attaquer au FONDEMENT du problème. Tant qu’on ne dénoncera pas davantage, pour combattre ce fléau, les choses ne bougeront pas. Pour finir sur une touche musicale et retrouver un peu espoir, laissez moi vous proposer Black woman de Judy Mowatt, une magnifique ode à la femme noire.
Pour mes mères, pour mes grandes et petites sœurs
C.B.C
Auteur: PoetikProzaik
[i] Témoignage. L’effroyable racisme des Chinois envers les Noirs http://www.courrierinternational.com/article/temoignage-leffroyable-racisme-des-chinois-envers-les-noirs