#RTM | L’art se doit-il d’être social ?

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Il y a quelques jours, je suis tombée sur une interview de Nina Simone qui parlait du rôle des artistes et de leur utilité sociale. La légende du jazz, comme à son habitude, ne mâche pas ses mots   « Un artiste doit refléter son époque ! ».

Cela fait plusieurs jours que la question me taraude: Un artiste se doit-il d’être engagé ? Un artiste doit-il refléter son époque à travers son art ?

Sans trop d’hésitations, je réponds OUI. Un grand OUI.  Je pense qu’un artiste se doit de refléter son époque et d’être engagé. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’art, la culture sont des outils incroyables qui ont la capacité de transcender les différences mais surtout de rassembler. Nous vivons dans une ère où les politiciens ne rassemblent plus et où la politique n’intéresse plus. En revanche, savez-vous ce qui ne désemplit pas ? Les stades ou salles de concert. Les artistes mobilisent, les artistes influencent.

Certains artistes vous diront qu’ils n’ont pas l’obligation de prendre position sur des sujets polémiques, sur des débats politiques ou des crises géopolitiques. Non, en effet ils n’ont pas d’obligations.  Personne n’est obligé de quoique soit : « Les hommes naissent libres et égaux en droit… ». Enfin, tout dépend du pays, de votre sexe, de vos origines, de votre orientation sexuelle ou de votre couleur de peau…Mais il s’agit là d’un autre débat.

Tout cela pour dire qu’évidement, il n’existe pas (encore) de « police de l’art » qui viendrait vous verbaliser si vous ne prenez pas positions sur tel ou tel problème de société.  Mais, comment peut-on se dire artistes, se dire si sensible à ce monde au point de pouvoir s’en inspirer pour créer, pour photographier, pour représenter, pour sculpter, pour filmer, pour animer sans jamais vouloir dénoncer, inspirer ou mobiliser pour une cause en particulier ?

Ce qui est géniale, c’est que nous vivons dans un monde de crises ! Il y en a donc pour tous les goûts. Réchauffement climatique, fonte des glaces, racisme, homophobie, misogynie, islamophobie, antisémitisme, crise des migrants, protection des animaux, lutte contre le terrorisme, les crises sont aussi diverses que variées. Tant de possibilités de prendre position et de mettre son art à disposition d’une ou plusieurs causes. N’est-ce pas merveilleux ?

Quelques uns de mes prédécesseurs avaient d’ailleurs un avis bien tranché sur cette question de « l’art pour l’art ».  Chinua Achebe disait « L’art pour l’art est juste un quelconque morceau de merde de chien désodorisé ». Léopold Sédar Senghor  ajoutait : « C’est dire qu’en Afrique noire, « l’art pour l’art » n’existe pas. Tout art est social en Afrique noire ». Je pense aussi que l’art est « social », qu’on l’assume ou pas, qu’on le revendique ou pas, l’art est utile au social. « L’art pour l’art », c’est  limiter l’art au beau, à l’agréable, au divertissant mais au-delà d’un visuel, d’une esthétique, l’art c’est un contenu, c’est une expression, un regard personnel sur le monde et la société dans lesquelles l’artiste évolue.

Il est d’ailleurs intéressant de s’intéresser aux artistes africains ou issus de la diaspora pour comprendre la puissance de l’art. Je pense évidement au roi de l’Afrobeat, Fela Kuti qui a su faire de sa musique son arme pour lutter contre la junte Nigériane. Véritable militant, Fela Kuti a su utilisé sa carrière et son aura pour mettre à mal la politique colonialiste en place. Je pense aussi bien sûr à la belle Nina Simone, au grand James Baldwin, à l’inimitable James Brown ou encore à l’incroyable Maya Angelou qui ont tous su donné de la voix au mouvement des Black Panthers.   Plus récemment, je pense au mouvement « Y’en a marre » initié par un groupe de hip-hop sénégalais et des journalistes, qui a su mobiliser toute une jeunesse afin de renverser le gouvernement Wade et ainsi maintenir la démocratie au Sénégal. Un mouvement qui fera d’ailleurs écho dans le monde entier, France, Etats-Unis, Canada…

Aux Etats-Unis, des artistes tels que Beyoncé, Alicia Keys ou encoreKendrick Lamar prennent aussi des positions fortes face aux bavures policières que subissent les noirs américains. Ces soutiens sont plus que nécessaires au mouvement #BlackLiveMatter.

L’artiste se doit de savoir l’arme redoutable qu’il a entre les mains. Il se doit de savoir que son art est bien plus puissant que ce qu’il n’imagine. « L’art pour faire savoir » ne signifie en rien mettre le beau et l’esthétique de côté, bien au contraire. Lorsque le beau est au service d’un message, la force et le pouvoir de l’œuvre n’en sont que décuplés. Comme disait James Balwin : « Alors, le rôle précis de l’artiste, est d’éclairer les ténèbres, de tracer le chemin à travers cette vaste forêt afin de ne pas perdre de vue notre objectif, qui est, après tout, de rendre ce monde plus humain ».

W.Z

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