Et quelle place reste-t-il à l’amour ? L’amour des siens. L’amour fraternel. L’amour de soi, de l’autre, de nos semblables. Parlons-nous suffisamment d’amour ? Mais surtout pratiquons nous l’amour. Notre QUEENSPIRATION de la semaine s’est donné l’amour pour surnom, Fanm Lanmou. Afrocaribéenne, Wendy Bihary prône l’amour à travers ses différents projets artistiques et ses différentes plateformes digitales où elle aborde des thématiques tels que les rituels ancestraux ou encore l’identité afro indienne.

 

Crédit : Gael Rapon

 

RTM | Bonjour Wendy, nous sommes ravies de t’accueillir sur RTM. Quels sont les mots que tu choisirais pour t’introduire à nos lectrices et lecteurs ?

Wendy | Je m’appelle Wendy, je suis une femme afro caribéenne des îles qu’on a renommé “Martinique” Et “Guadeloupe”. J’ai un compte Instagram @fanmlanmou_ où j’évoque des sujets concernant la communauté caribéenne comme l’identité afro indienne, les rituels ancestraux et surtout où je partage beaucoup d’amour et d’espoir, en tout cas je l’espère, aux personnes noires qui pensent être “maudites” afin de leur faire voir leur puissance et leur beauté à travers la valorisation de notre peau, nos cheveux, notre culture et nos plantes. C’est un espace qui promeut le « prendre soin de soi » avec des aliments bruts africains et caribéens.

RTM | Je me souviens t’avoir découverte sur Instagram, à travers des photos de ta magnifique famille et toi, que tu postais réalisées par le photographe Gaël Rapon. D’où t’es venu l’idée et l’envie de partager ces photos de famille quand on sait le peu de représentation et surtout les clichés que l’on peut avoir autour des familles noires ?

Wendy | Je pense que ça m’est venu comme une pulsion créatrice due à un ras de bol. J’étais dans une période de ma vie où je voulais être entourée de personnes qui me ressemblent et qui ont les mêmes valeurs que moi. Il y avait un décalage entre mon vécu personnel et ce qui est promu comme représentant les Antilles. Selon moi, notre représentation est faussée.

Je suis assez déçue des comptes / médias qui disent créer une représentation noire et qui montrent encore et toujours un certain physique par exemple, qui ne représentent pas la majorité de la communauté. J’avais envie de partager, de transmettre. C’est ainsi que le projet « Décolonise ton esprit » est né. A travers ces clichés, je souhaitais déconstruire l’idée que l’on peut se faire des familles antillaises, mettre en lumière la diversité qui règne au sein des familles et l’importance de valoriser chaque beauté, chaque physique au delà des préjugés que les autres peuvent renvoyer.

L’une de mes photos préférées est une photo avec ma sœur avec qui j’ai pu construire une belle relation sans jalousie.

Ça me semblait logique de réaliser des projets qui intègrent mes parents, car c’est eux qui ont fait la Wendy d’aujourd’hui, en partie. Je parle souvent de mes parents parce que dans leur éducation, ils ne m’ont jamais obligée à être quelqu’un d’autre. Ils m’ont laissée l’espace nécessaire pour que je puisse avoir mes propres idées. Ils ne m’ont jamais transmis qu’en tant que femme noire, je devais travailler deux fois plus, comme on l’entend souvent. Ils ne m’ont jamais dit que j’aurais plus d’obstacles que d’autres. Je pense que ça m’a énormément aidé à faire ce que j’ai envie. Si j’ai une idée je fonce et je la réalise. Ces photos de famille en font parties.

J’aime ma famille, c’est une manière de le leur dire et de leur rendre hommage. Ma famille, c’est ma base.

La transmission permet d’être alignée sur son identité. Malheureusement beaucoup de caribéens grandissent sans que cet héritage ne leur ait été transmis.

 

Crédit : Gael Rapon

RTM | Quand on regarde ta page et tes différents réseaux, il y a un véritable travail autour de l’image, de l’esthétisme, de la représentation. A quels questionnements répond ce travail ?

Wendy | J’ai été élevé par des parents qui aiment leurs cultures, qui en sont fiers et qui ont fait leur possible pour nous transmettre ce qu’ils pouvaient tout en vivant en France hexagonale. Ils ont toujours revendiqué leurs identités africaines que ce soit de mon côté martiniquais ou guadeloupéen.

Les nombreux voyages sur nos terres m’ont fait réaliser le décalage de mode de vie que j’avais en étant aux Antilles ou en France. Le mode de vie qui m’a toujours inspirée, avec lequel je me sens alignée est celui que j’ai aux Antilles.

C’est ma vision que je souhaite partager à travers mon compte. Une vision très brute, nature. Je suis une personne instinctive, c’est un travail pour moi de réussir à mettre des mots dessus. Quand c’est instinctif, tu n’y réfléchis pas vraiment.

La plus grande raison de ce contenu est le fait de me voir nulle part. Cela m’a poussée à me dire que le contenu que je souhaite voir n’existe pas ou n’est pas assez mis en valeur. J’ai donc décidé de le créer moi même. Pour moi, la représentation est primordiale. Quand je lis représentation j’entends “tu existes” !

Crédit : Gael Rapon

 

RTM | On parle beaucoup de représentation, mais également de ses limites notamment dans un contexte colonial. Comment appréhender ces questions de représentation sans que celle-ci ne devienne un simple outil marketing ?

Wendy | Il faut prendre conscience du système colonial dans lequel nous évoluons afin de pouvoir s’en détacher et ne pas tomber dans leurs pièges marketing de la « diversité ».

Il faut se construire des bases solides. Instagram n’est qu’un support. Allons à la rencontre des artisans, des personnes dans le monde réel.

C’est pour cela que je suis attachée à mon guide “ artisanoire” où je mets en valeur à travers la photo des créations et créateurs qui ne sont pas assez connus à mon goût.

RTM | Sur ton compte Instagram on peut lire « Consommation consciente sous le prisme noir ». Qu’est-ce qu’une consommation consciente sous le prisme noir ?

Wendy | Une consommation consciente est une consommation réfléchie. Où l’on se demande « comment est fait ce produit, dans quelles conditions, par qui, POUR qui, qu’est-ce qu’il contient, est-ce que j’en ai vraiment besoin ? ». Une consommation entraine des conséquences, il faut le savoir.

Le prisme noir, c’est tout simplement prendre en compte des paramètres africains, caribéens et non occidentaux. Le nombre de produits faits à la manière des occidentaux et qui se disent “black owned”…

Par exemple, la mise en vente de shampoings qui moussent (qui assèchent par la même occasion les cheveux) ou encore les peignes lorsque l’on sait que nos cheveux incurvés ne sont pas faits pour des peignes.

C’est également vouloir des produits créés par des personnes noires qui répondent à mes valeurs. Je prône le travail artisanal, artistique, authentique et qui mérite la lumière que très peu de personne leur donne.

Nous avons notre culture, nos coutumes, nos pratiques. Nous avons encore beaucoup à apprendre.

RTM | Tu abordes également la question du cheveux afro par le prisme de l’ancestralité. Sur ta chaîne Youtube, on peut d’ailleurs te voir réaliser des rituels capillaires et cosmétiques alimentaires. Qu’est-ce que racontent nos cheveux, nos rituels ancestraux ?

Wendy | Mon but personnel est de ressembler à mes ancêtres. Réapprendre, réacquérir le savoir d’antan de nos ancêtres. Nos rituels ancestraux racontent l’histoire, le savoir, les habitudes, de nos ancêtres. De cette vie qu’on ne nous apprend pas, de cette vie qu’il y avait avant l’arrivée des colons et des pilleurs.

Nos êtres sont précieux. A travers nos rituels nous apprenons à prendre soin de nous avec nos plantes, nos aliments. Nous n’avons pas besoin d’artifice pour être belle et beau.

RTM | Comment abordes-tu le rapport au temps ? au temps que l’on prend pour soi ?

Wendy | Mon rapport au temps est particulier. Je considère que si tu as besoin de 6h, une journée entière ou plusieurs JOURS pour prendre soin de toi, fais-le. Accorde toi ce temps.

On ne s’accorde pas assez de temps pour se poser, pour écouter nos corps, nos cheveux.

Comment pouvez-vous en prendre soin si vous ne prenez pas le temps de les écouter, les caresser, les masser ? Le soin de soi devrait être tous les jours, chaque heure, chaque minute, chaque seconde de sa vie.

 

 

RTM | Tu as également participé au court-métrage « une douce révolution » qui propose à la jeunesse antillaise de se réapproprier son histoire. Peux-tu nous conter cette expérience et ce projet ?

Wendy |Douce révolution” a fleuri dans la tête de Moïsette de @millenyart. Le projet a été dirigé par @studiogriot et j’ai écrit le texte qu’on entend tout le long de la vidéo. Je pense que sur le coup je ne me rendais pas compte de la puissance de cette collaboration avec studio griot et Moïsette. Une collaboration entre jeunes, sur un thème qui me représente et qui me permets d’exprimer ma VERITE.

Je garde de très beaux souvenirs du tournage. Ce projet a été construit autour de moi, de ma famille, de mes ressentis, de mes blessures, MON HISTOIRE, ce projet est cher à mon cœur.

Mes parents sont aussi présents dans ce projet, évidemment ! Ce projet s’est passé il y a 1 an et tout ce qui est dedans est encore valable aujourd’hui. Je suis vraiment heureuse des retours car comme je le dis plus haut, je veux un contenu où les personnes de mes communautés peuvent se reconnaitre. Beaucoup ont été touchées.

RTM | De quel monde rêves-tu pour demain ?

Wendy | Je rêve d’un monde où les noirs ne se dénigrent plus, où on ne s’auto-sabote plus, où on s’aime inconditionnellement. Un amour qui nous permettra de ne plus se laisser marcher sur les pieds.

Je rêve d’un monde où peu importe où l’on se trouve, on porte fièrement notre culture.

RTM | Quelle serait ta définition du beau ?

Wendy | Le beau, c’est une personne noire authentique à sa manière (tout simplement parce qu’elle est), dans un mode de vie sain et aligné, qui ne cherche pas à être le meilleur mais tout simplement à être SOI.

RTM | Si je te dis sororité, tu me dis ?

Wendy | Amour inconditionnel pour une sœur de cœur.

RTM | Si je te dis LANMOU, tu me dis ?

Wendy | Âme cœur. Un lien avec celles et ceux que tu as l’impression de connaitre, peut-être d’une autre vie

RTM | Quelles sont les femmes noires qui ont fait la Wendy que tu es aujourd’hui ?

Wendy | Les femmes qui ont fait la Wendy d’aujourd’hui sont ma maman, Corinne, mes grand-mères. Elles m’inspirent énormément. Ce sont des femmes noires qui malgré leurs souffrances vécues ou souffrances générationnelles transmises, se remettent en question, évoluent et sont bienveillantes avec nous, enfants nés à une autre époque.

RTM | Que dirais-tu aux femmes en quête d’amour pour elles-mêmes ?

Wendy | De prendre le temps de réfléchir, de retourner sur leurs terres, qu’elles apprennent à se connaître, de prendre soin d’elles comme on le fait traditionnellement pour rétablir la connexion avec leurs ancêtres.

En étant dans leur culture, elles comprendront qu’elles sont belles, précieuses. Tu mérites l’amour que tu te donnes.

RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Wendy une Reine Des Temps Modernes ?

Wendy | Je suis consciente que je suis accompagnée par mes ancêtres. C’est ce qui fait ma puissance, ma pulsion créatrice.

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