Cette semaine, on s’envole en direction de la Côte-d’Ivoire, à la rencontre de Laurenne Mathieu. Enseignante, auteure et illustratrice, notre QUEENSPIRATION nous parle de son premier ouvrage jeunesse, de son rapport aux livres, à la littérature, et de la scène artistique ivoirienne en pleine ébullition.
RTM | Bonjour Laurenne, nous sommes ravies de t’accueillir sur RTM. Avant de commencer, quels sont les mots que tu choisirais pour t’introduire ?
Laurenne | Salut RTM, je m’appelle Laurenne, j’ai 29 ans. J’habite à Abidjan en Côte d’ivoire depuis maintenant deux ans et demi, où je suis enseignante en grande section de maternelle. Depuis peu, je suis également auteure jeunesse et illustratrice !
RTM | De quoi rêvais-tu plus jeune ?
Laurenne |Plus jeune, je savais que je voulais trouver un boulot en lien avec le papier, les couleurs, et la création. J’ai toujours voulu avoir une papeterie par exemple! Mais il me fallait aussi rêver un taff raisonnable.
J’ai également voulu être pharmacienne !
RTM | Il y a quelques mois paraissait ton premier ouvrage jeunesse. T’imaginais-tu auteure plus jeune ?
Laurenne |J’ai toujours rêvé d’écrire des bouquins. Toujours !
Petite, je fabriquais moi-même mes livres ! En grandissant je n’ai jamais arrêté d’écrire, mais je n’ai jamais rien montré à personne. Je m’imaginais auteure, mais plutôt de romans.
RTM | Quel fut le déclic ? A quel moment t’es-tu dis : «Je me lance » ?
Laurenne |Pendant le confinement. Pour combler les journées parfois interminables, j’écrivais et dessinais. Peu de temps avant cette période, j’ai rencontré celle qui est aujourd’hui mon éditrice, Sarah, qui connaissais mes illustrations sur Instagram. C’est elle qui m’a finalement convaincue. Elle faisait partie des premières personnes à lire mes écrits.
RTM | « Drôle de sieste pour Moka », c’est le nom de ce premier ouvrage. Qui est-ce jeune Moka ?
Laurenne | Contre toute attente, Moka n’est autre qu’un petit chat d’une famille qui habite dans un quartier résidentiel et plutôt chic d’Abidjan. Il en a marre du bruit que font les enfants, alors il sort de chez lui et découvre que le monde ne s’arrête pas au bout de la rue.
Beaucoup de gens me demandent pourquoi un chat? Eh bien, pourquoi pas? Plus sérieusement, je t’avoue que pour moi, et ça ne tient qu’à moi, les albums jeunesse qui prônent le cheveux crépus et la peau noire favorisent la stigmatisation. Attention, je ne dis pas qu’ils sont inutiles, loin de là, et ils pourraient même se montrer indispensables notamment en cas de harcèlement!
Mais je me dis que pour normaliser les personnages noirs dans les livres pour enfants, il faut tout simplement raconter des histoires normales qui ne veulent rien justifier.
Des histoires où tout est déjà très assumé et où il s’agit juste de parcourir le monde pour trouver je ne sais quel trésor perdu etc. De l’aventure quoi!
Parce que ces livres-là, doivent aussi se retrouver dans les bibliothèques des personnes non noires. On doit s’imposer, pour que ça devienne normal de nous voir représentés dans les livres.
RTM | Tu vis en Côte-d’ivoire. Un pays qui ne fait pas face aux mêmes enjeux de représentations qu’en France par exemple. Tu travailles également avec les enfants en tant qu’institutrice. Ressens-tu l’importance d’avoir une offre d’ouvrages, de personnages auxquels les petits peuvent s’identifier ?
Laurenne |Alors, la réponse est clairement oui! Les ouvrages avec des personnages principaux noirs sont rares. Ce qui m’a vraiment fait tilté ce sont mes élèves, l’année dernière. Filles comme garçons, ils se représentaient eux-mêmes avec de la couleur beige pour la peau en dessinant. C’est quelque chose qui m’avait vraiment choqué!
Je prenais le temps à chaque fois de leur expliquer que je voulais les voir eux et pas quelqu’un d’autre sur le dessin. Je me suis rendue compte que tout, même les coloriages pour enfants, incitent à croire que les personnages sont blancs et à les colorier en beige. Les traits de visage, les cheveux, les vêtements (manteaux, bonnets etc. ).
Cette année encore, j’ai eu ce problème, que je tente de résoudre petit à petit.
De plus, la littérature jeunesse ivoirienne est très pauvre, que ce soit en termes de sujets ou d’illustrations.
RTM | L’écriture était-ce une évidence ?
Laurenne |Oui, écrire est une évidence, c’est mon exutoire. Et écrire pour les enfants devient de plus en plus une affaire personnelle. Ils sont mon quotidien depuis plus de deux ans et ils me fascinent! Ils ont une imagination incroyable.
RTM | L’écriture mais également le dessin. Sur ta page Little green thing, on retrouve des magnifiques illustrations qui invitent à la rêverie. Comment alimentes-tu le rêve, l’inspiration au quotidien ?
Laurenne |Merci pour le “magnifiques”! J’aime beaucoup les univers d’enfants colorés! En général, je m’inspire de situations qui m’arrivent, d’émotions, parfois j’essaie de traduire même des ambiances. Et la petite chose verte justement qui accompagne la petite fille partout, peut être ce que vous voulez, un alter-ego, la conscience, un ange gardien, tout!
Et dire que j’ai commencé par du dessin érotique !
RTM | Qu’est-ce qui t’a donné envie de dessiner l’érotisme ?
Laurenne |Je ne l’avais pas véritablement décidé. J’apprécie la morphologie féminine dans toute sa diversité. J’ai toujours trouvé que les femmes avaient quelque chose de divin. À force de dessiner des femmes nues, j’ai commencer à y mêler sexualité entre femmes au départ, puis par la suite entre homme et femme.
J’aime beaucoup l’art des estampes japonaises Shunga. Je m’en inspirais pour sélectionner les couleurs de mes peintures.
J’explorais la sexualité sur papier et j’adorais ça ! Je devrais m’y remettre…
RTM | Où puises-tu l’inspiration pour écrire ou dessiner ?
Laurenne |Tout d’abord de mon travail en tant qu’institutrice en maternelle, mais aussi de ma nouvelle vie ici, et de mon ancienne en France, et surtout de ce que je considère comme des échecs!
RTM | Ca fait déjà quelques années que la scène créative ivoirienne rayonne au delà de ses frontières.Qu’est-ce qu’être une artiste en Côte-d’ivoire aujourd’hui ?
Laurenne |C’est ouf ce qu’il se passe ici. Tous mes potes sont artistes et tous font des choses incroyables! Il faut dire qu’ici tout est à explorer! On ne va pas se mentir, beaucoup sont partis faire leurs études à l’étranger et ont eu l’occasion de s’inspirer ailleurs que sur le territoire. Mais on sent vraiment une envie de sortir des vieux modèles, que ce soit avec des artistes plasticiens, avec les designers, les musiciens, et même dans l’architecture!
RTM | Peux-tu nous citer 3 femmes créatives ivoiriennes qui t’inspirent ?
Laurenne | Je dirais :
- Ngadi Smart (ivoirienne dans le coeur) illustratrice et photographe.
- Asna, elle est djette et pas que! (designer de Kaalag fabric)
- Mélissa Kacoutié, architecte (Jeannette studio)
Mais il y en a plein d’autres, beaucoup trop!
RTM | Un lieu en côte d’ivoire où tu puises ton inspiration ?
Laurenne | N’importe où, où il y a la mer, un lac, une rivière, la lagune. Un point d’eau naturel!
RTM | La chanson que tu kiffes en ce moment ?
Laurenne |Donne-moi l’accord -Dadju feat Burna (je plaide coupable! lol)
RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Laurenne une Reine Des Temps Modernes ?
Laurenne | Il faut avoir le Beau livre “Reines des temps Modernes pour le savoir! 😉
J’aime la femme que je deviens, qui commence à savoir ce qu’elle veut vraiment, et qui sait exactement ce qu’elle ne veut pas!
[…] que les banques ne sont pas encore adaptées au fonctionnement des entrepreneurs surtout en Côte d’Ivoire. Il n’y a pas que les banques, c’est tout le système qui n’est pas […]