Nous sommes ravies de vous retrouver sur RTM. Les QUEENSPIRATIONS sont de retours et cette semaine on s’envole en direction du Bénin, à la rencontre d’Ariane Nancy Agbo. Cette jeune femme entrepreneure est à l’initiative de Poulho, une marque inspirante, durable et vegan qui met en lumière les céréales ancestrales de l’ancien royaume du Dahomey.

RTM | Bonjour Ariane, nous sommes ravies de t’accueillir sur RTM. Avant de commencer peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Ariane | Hello toute l’équipe, je m’appelle Ariane Nancy AGBO j’ai 26ans, et je suis maman d’une fille de 4ans.

Je suis installée au Bénin depuis quelques années après avoir grandi et vécu en France. J’ai travaillé dans quelques institutions avant de faire une reconversion professionnelle. En 2019, j’ai crée mon entreprise Poulho et depuis je m’y consacre pleinement.

RTM | Poulho, c’est une marque de granolas, réalisés à base de céréales typiquement africaines. Peux-tu nous parler de la genèse du projet ?

Ariane | Tout commence en 2017 ! Après la naissance de ma fille, je décide de rentrer au Bénin. Suite aux traitements post-partum, j’éprouve une inflammation de l’estomac. A ce moment, ma mère m’oriente vers les céréales anciennes : le mil, le fonio, le sorgho. Gros coup de cœur. Ce fut une véritable source d’énergie qui m’a permis de me remettre de mon accouchement, de gérer le travail et bébé. J’ai ainsi décidé de les intégré dans mon alimentation : bouillie, pâte, gâteaux, coucous et granolas.

Etant une grande consommatrice de mueslis, j’ai très vite ressenti le besoin de consommer ces céréales sous cette forme (avec du laitage ou en grignotage). Au départ, c’était essentiellement pour ma consommation personnelle et celle de entourage.

Puis en 2018, je fais une pause dans le travail pour commencer mes travaux de recherche sur ces céréales, leurs différentes saveurs, les différentes recettes culinaires. J’ai pris le temps de voyager dans le Bénin à la découverte de différentes populations et de ses patrimoines anciens oubliés. J’ai appris les histoires de ces céréales, l’importance de ces cultures pour la préservation de nos terres.

J’ai essayé d’assembler certaines connaissances, de respecter les bienfaits de ces céréales (bio, vegan et sans gluten) avant de lancer Poulho en 2019, en commençant par les granolas sucrés.

J’ai commencé seule. J’ai crée les recettes puis je les ai amélioré grâce aux feed-back.

Aujourd’hui Poulho est une entreprise artisanale spécialisée dans la transformation de céréales ancestrales. Il y a des granolas sucrés, salés, des farines, et des biscuits sans gluten.

RTM | Ce projet, au delà de ses bien faits sur la santé, est également une belle mise en valeur du Bénin et de la production locale. Le sorgho, le mil et le fonio sont-elles des céréales peu connues hors du continent ?

Ariane | Je ne pense pas qu’elles soient peu connues. Elles sont plutôt mises de coté au profit des céréales entrées en Afrique sous l’ère de l’industrie coloniale. Les cultures céréalières et leur mode de consommation ont été totalement réadaptés à ces nouvelles céréales. Le fufu de maïs se faisait avec du Sorgho par exemple.

Elles ont simplement peu à peu quitté les habitudes de consommation au profit du riz et du maïs, entre autre.

RTM | Si tu devais nous présenter une recette ou un produit incontournable de ta gamme, lequel choisirais-tu ?

Ariane | Ma recette préférée est le Granola Cacao. J’ai pris du temps avant de trouver la bonne recette, adaptée aux papilles les plus fines et aux amoureux simples du cacao. Et surtout parce qu’en voulant absolument faire des produits 100% locaux, j’ai découvert des cultures de cacao au Bénin. Ça été LA DÉCOUVERTE pour moi. Le cacao au Bénin existe depuis fort longtemps, ce cacao que les Nigérians et les Libanais viennent acheter en masse à nos producteurs à des prix qui ne respectent malheureusement pas le travail de ces derniers.

RTM | Les produits Poulho sont-ils uniquement disponibles au Bénin ? Pour celles et ceux qui souhaiteraient découvrir, comment faire ?

Ariane | Les produits Poulho sont disponibles au Bénin, au Sénégal, en France et aux États Unis. Tous les points de vente sont listés sur nos profil Instagram @poulho.bj. Vous pouvez aussi commander via ce lien et être livré partout dans le monde

https://www.afrikrea.com/fr/categories?q=Poulho .

RTM | Ce projet t’a poussé à voyager à travers le Bénin et à rencontrer notamment des coopératives de femmes. Qu’est-ce qui t’a le plus marqué avec ces rencontres ?

Ariane |  L’apprentissage et la solidarité. J’ai tout appris et j’en apprends encore avec ces Coopératives, sur nos terres, nos ressources, l’exploitation et nos conditions en tant que femme. Au fil du temps, nous avons noué une relation fusionnelle avec ces femmes. Elles sont d’un support incroyable! Il m’arrive parfois de lancer des cris de détresse, qu’elles accueillent avec bienveillance. Elles m’aident également à surmonter des obstacles en m’apportant leur soutien. La rencontre avec ces coopératives est simplement incroyable.  

RTM | Si tu devais nous citer une difficulté rencontrée dans ton parcours d’entrepreneure. Quelle serait-elle ? Et comment y as tu fait face ?

Ariane | Ma première levée de fond en 2020. Au début de Poulho, l’entreprise fonctionnait sur fond propre. Pour passer à l’étape suivante, il me fallait trouver des investisseurs potentiels. Alors que certains étaient près à nous suivre, la crise du Covid est venue tout bouleversé. Des investisseurs se sont rétractés, ou ont cessé de nous répondre. Je savais qu’il ne fallait pas que je lâche. J’ai donc continué à frapper aux portes, encore et encore. Finalement, nous avons trouvé des investisseurs et Poulho a pu passer à l’étape supérieur.

RTM | Quels sont les challenges de l’entrepreneuriat au Bénin?

Ariane | Avec le recul, je dirai que le plus difficile pour moi a été le manque d’entourage, d’ami.es, de réseau sur place. Je n’ai que mes parents et quelques cousines ici. Se lancer au Bénin sans réseau, sans être soutenu, ce n’est pas une mince affaire. C’est difficile de nager dans l’inconnu. Ici tout fonctionne comme ça. Il m’a fallu prendre le temps de créer une communauté autour de Poulho.

Le second challenge, c’est la charge mentale en tant que jeune femme qui entreprend dans un secteur aussi vaste que les céréales dans une société patriarcale. La solitude également. Je suis certes soutenue et entourée par mon équipe, il n’en demeure pas moins que la solitude pèse énormément. Et il est encore plus difficile de pouvoir l’expliquer à son entourage qui fait mine de ne pas comprendre. Je me retrouve à subir des coups durs en silence sans en parler à quiconque.

Enfin il faut s’adapter au rythme d’ici. Pour une personne hyperactive comme moi, qui aime que tout aille à son rythme, ça été un véritable challenge de devoir m’adapter totalement au rythme des autres.

RTM | Si tu devais nous citer 3 raisons qui te rendent heureuse quant au fait d’entreprendre au Bénin ?

Ariane | La transmission. Le fait de pouvoir apprendre d’autres personnes et de pouvoir transmettre ce savoir à mon tour. Ma fille a pendant 1 an suivi les productions de Poulho avec moi. Mon bonheur est immense quand je la vois en parler avec ses amis, essayer de m’aider à faire les cartons, savoir différencier les produits.

Le fait de pouvoir voyager à tout moment aussi facilement.

Et enfin, ma fine petite équipe que j’ai su faire adhérer à ce projet. Il est important pour moi d’avoir cette cohésion au sein de mon équipe qui est ma 2e famille en fin de compte. Je passe plus de temps avec eux qu’avec mon conjoint et ma fille.

RTM | Entrepreneure et également féministe. Tu as fondé en 2018, Madame Iyanaago, un mouvement qui aborde les questions de santé materno infantile, de maternité et de féminisme. Qu’est-ce qui a motivé le lancement de ce mouvement ?

Ariane | J’ai lancé Madame Iyannago en 2018 parce que je trouve qu’il est nécessaire que les Femmes puissent libérer la parole, mettre des mots sur les maux, créer une communauté féminine. Vous vous imaginez que dans nos sociétés, la pensée patriarcale fait dire que les femmes sont incapables de se réunir entre elles sans que ça finisse en tension.

RTM | Selon toi d’où vient le silence des femmes sur ces violences ?

Ariane | Cette société devenue fortement patriarcale impose cette transmission de la loi du silence. Nos mères qui nous obligent à tout subir en silence, à accepter les violences en silence afin de préserver la réputation.

J’ai eu un surnom de « récalcitrante » dans mon entourage  parce que j’ai été la seule à pouvoir dire aux aînées non, à pouvoir parler des souffrances, des maux qui nous pèsent, des violences verbales et physiques qui existent.

L’éducation des enfants dans la peur des adultes, tout part de là. Accepter ce que dit l’adulte sans jamais dire non. Au point où il est difficile pour un enfant victime de violences sexuelles par exemple de pouvoir en parler à un autre adulte. Je me souviens un jour, un oncle a crié injustement sur ma fille, cette dernière l’a regarde droit dans les yeux et lui a exprimé son désaccord face à son cri injuste. Il a été choqué qu’un enfant lui réponde. J’élève ma fille  afin qu’elle puisse imposer ses limites et qu’elle n’accepte rien dans le silence sous prétexte que c’est normal.

RTM | En tant que maman, comment parviens-tu à jongler entre toutes ces activités? As-tu un petit secret à partager ?

Ariane | Grand sourire ! Je me fais aider par ma mère, la grand-mère paternelle de ma fille et mon conjoint. Tout le monde met la main à la pâte parce que je ne suis pas tout le temps disponible. Mon planning n’est jamais figé. Mais tous les soirs et tous les matins, elle et moi on se retrouve pour parler, rire, raconter nos peurs, manger et prendre nos douches. Elle comprend que c’est compliqué pour moi en ce moment d’être disponible totalement. Alors parfois j’aime ses petits rappels à l’ordre « maman je veux que tu restes avec moi aujourd’hui à la maison. ».

Mon secret n’est rien d’autre que l’improvisation. J’improvise pour mieux accepter et mieux gérer les situations telles qu’elles viennent.

RTM | Si je te dis sororité, tu me réponds?

Ariane | Le Pouvoir Féminin, la solidarité, la bienveillance, le soutien.

J’ai adoré la série « Les demoiselles du Téléphone » sur Netflix, qui m’a rappelé combien la sororite est un pouvoir incroyable. Un pouvoir divin que j’expérimente chaque jour avec mes amies pourtant séparées par des kilomètres, mes sœurs, mon équipe à majorité féminine et les belles rencontres que j’ai pu faire via Poulho qui m’ont ouvert de grandes portes.

La sororité ne s’explique pas elle se vit !

RTM | Et enfin qu’est-ce qui fait de Ariane une Reine Des Temps Modernes ?

Ariane | Je suis une Reine Des Temps Modernes car j’ai réussi via Poulho à créer une communauté de Femmes bienveillantes, autonomes dans une société où on nous fait croire qu’il est impossible pour des femmes de se réunir entre elles et d’être solidaires. 

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