“Don’t agonize, organize!”. Ce sont certainement les mots que nous retenons de cet entretien avec la militante, écrivaine, podcasteuse et essayiste afroféministe, Fania Noël. Elle est de celles qui pensent, qui décortiquent, mais qui surtout s’organisent, en collectif, pour faire de ce monde un espace de justice et de bien-être pour les femmes et les hommes noir.es. Elle est notre QUEENSPIRATION de la semaine.
RTM | Bonjour Fania, vous êtes afroféministe, penseuse, écrivaine, essayiste, podcasteuse… comment commencez-vous à penser le monde et surtout à penser votre place dans ce monde en tant que femme noire ?
Fania | C’est une réflexion que j’ai entamé il y a un certain temps déjà. En tant que militante, militante afro-féministe, le but du militantisme et de la politique est de mettre du sens politique, en tant que sujet, à nos conditions matérielles d’existence vis à vis des communautés dans lesquelles nous évoluons, mais également dans nos rapports aux autres communautés.
Je suis Haïtienne, je suis une femme noire en France. Etre haïtienne, c’est ce que je suis culturellement, c’est ce qui fait mon identité culturelle, mon rattachement à une communauté, au delà d’être noire, car être noire, c’est une condition qui nous est apposée. Et être une femme noire, c’est ce que je suis, dans un rapport antagoniste à d’autres groupes, que ce soit du point de vu de la blanchité ou du genre.
Je pense ma place dans le monde collectivement. Je le pense comme militante. Je m’interroge sur comment changer les choses, comment s’organiser pour le changer et surtout comment on y parvient. Mais je ne fais pas qu’y penser. J’organise !
RTM | Dans un article qui s’intitule « Comment la soup joumou a fait de moi une afroféministe », vous apportez un autre regard sur ces espaces réservés/imposés aux femmes, telle que la cuisine, et du poids politique que ces espaces peuvent jouer et ont joué dans la construction de votre identité afroféministe. Pouvez-vous nous en parler ?
Fania | A travers cet article, je voulais parler de ces espaces qui nous sont imposés en tant que femmes, des places qui nous sont imposés. Ces impositions étant des résultantes du patriarcat.
Pour transformer ces impositions en luttes féministes, il faut faire avec le monde tel qu’il est et non avec le monde tel qu’on aimerait qu’il soit. Donc faire avec ces espaces imposés.
Je voulais donc exprimer qu’au sein de ces espaces, il y a toujours des marges de manœuvres possibles, aussi fines soient-elles, aussi contraignantes soient-elles, car la domination n’est jamais totalement asymétrique. Même dans les pires situations, il n’y a jamais de domination totalement asymétrique.
Il est donc important de se questionner : « Qu’est-ce qui se passe dans ces espaces ? Que peut-on en retirer ? Que pouvons nous apprendre ? »
Evidemment que plus jeune j’aurais aimé faire autre chose qu’être en cuisine, mais une fois qu’on y est, autant essayé d’y apprendre quelque chose. A cette époque, j’étais adolescente, il n’y avait pas de réflexivité. Mais après coup, lorsque je suis devenue militante et que j’ai commencé à réfléchir au sens politique, je me suis rendue compte que ces espaces étaient également riches d’enseignement, notamment en tant que femme noire.
Bien que dans ces espaces, le discours des femmes noires soit émaillé de la légitimation du patriarcat : « il faut apprendre à faire la cuisine et le ménage pour trouver un mari », ces discours contiennent également beaucoup de mises en gardes.
Les femmes haïtiennes disent souvent qu’il ne faut jamais tout dire aux hommes, qu’il ne faut jamais confier tout son argent, qu’il faut toujours avoir de l’argent de côté, toujours avoir un plan B. Ces mises en garde sont transmises malgré le cadre du patriarcat.
Ces espaces apprennent à faire le tri, à mobiliser des savoirs qui ne sont pas théoriques, que l’on ne retrouve pas dans les livres mais qui sont transmis. En tant que militante, ça nous permet également de construire des ponts intergénérationnels, et de ne pas dire que rien n’a été fait avant. Ces ponts sont importants dans nos luttes afroféministes.
« Je pense que ce que l’on devrait retenir de la révolution haïtienne au niveau de la Caraïbe, c’est la pensée révolutionnaire, le fait de penser le noir comme un sujet politique révolutionnaire et la libération noire comme un projet politique. »
RTM | Vous qualifiez votre afroféminisme de révolutionnaire, radical et radieux. Comment votre afroféminisme est-il devenu révolutionnaire ?
Fania | Il est devenu révolutionnaire avec la pratique. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, et bien c’est en militant que l’on devient révolutionnaire.
C’est en se disant qu’il faut prendre les problèmes à la racine. C’est ce que signifie le terme radical : prendre les problèmes à la racine et ne pas se limiter uniquement aux symptômes.
C’est donc se rendre compte que la politique de représentation, le manque de diversité etc… sont justes des symptômes et que ça ne sert à rien de les résoudre car ils vont dans le sens du néolibéralisme. Le changement doit s’opérer au niveau du système tout entier et là je parle du racisme, de la négrophobie, du capitalisme et du patriarcat. Tant que ces systèmes seront établis, il n’y aura pas de liberté. Et le but, c’est la liberté, l’accès au bien être et aux ressources.
RTM | Comment définissez-vous la révolution, l’afro-révolution ?
Fania | Le terme n’est pas afro-révolution mais plutôt la libération noire. C’est un concept très important qui a été pensé par des générations de militants, de groupes noirs dans la diaspora mais aussi en Afrique. On parle de libération noire. C’est un concept tout entier d’autonomie politique, économique, sociale, mais aussi culturelle, intellectuelle et spirituelle.
Des Noirs comme nation, c’est à dire que l’on ne parle pas d’un Etat, mais d’une nation qui partage des conditions qui peuvent se ressembler, même si elles ne sont pas semblables.
Être noirs aux Etats-Unis, ce n’est pas la même chose qu’être Noir à Haïti, ou qu’être noir dans un pays majoritairement blanc ou majoritairement arabe comme par exemple en Afrique du Nord.
La libération noire, c’est un changement radical de système pour sortir de la suprématie blanche, du capitalisme, du néocolonialisme et de l’hétéropatriarcat, si on pense cette libération noire comme aussi un projet afroféministe.
RTM | Haiti, dont vous êtes originaire, fait figure de proue en termes de révolution des peuples noirs. Evoluant aujourd’hui en Guadeloupe, je ressens aussi une certaine désillusion face à la révolution haïtienne et surtout à l’importance d’obtenir de nouvelles victoires si l’on souhaite voir changer le statut de certains départements. Que devons-nous retenir de la révolution haïtienne au niveau de la Caraïbe ?
Fania | Je n’ai pas de désillusion face à la révolution haïtienne. Cette révolution avait trois objectifs qu’elle a rempli, à savoir : la fin de l’esclavage, la récupération du territoire et le fait que les colons s’en aillent.
La création d’un état ne faisait pas partie de ses objectifs. Cependant il a fallu en créer un pour se protéger, et cet état est en soit foncièrement révolutionnaire.
La révolution haïtienne est la seule révolution de l’histoire de l’humanité menée par des esclaves ayant aboutit à un état indépendant et non à une cohabitation. La création de l’état haïtien qui dit dans sa constitution que tous les haïtiens sont noirs, met au centre de l’universel des sujets politiques noirs qui à l’époque, ne sont pas pensés comme étant des êtres humains. Haïti est le seul pays de noirs dans un monde esclavagiste, colonialiste et extrêmement raciste.
Ce pays a fait ce qu’il a pu et même plus, en envoyant des troupes au Vénézuela pour la révolution bolivarienne. La révolution haïtienne a permis de créer du trouble, permettant que dans les pays autour, les personnes qui étaient mises en esclavages se disent que c’est possible. La révolution haïtienne a été à l’origine d’énormément de révoltes dans le bassin caribéen, que ce soit en Guadeloupe, en Martinique ou encore dans les Amériques. Cet au vu de cet exemple haïtien, et du nombre de révoltes grandissant que l’esclavage n’est plus devenu assez rentable pour perdurer. Et comme dit Casey dans l’un de ses titres : « Les anciens tortionnaires sont devenus les nouveaux employeurs ».
Je pense que ce que l’on devrait retenir de la révolution haïtienne au niveau de la Caraïbe, c’est la pensée révolutionnaire, le fait de penser le noir comme un sujet politique révolutionnaire et la libération noire comme un projet politique.
Penser une nation noire, un état noir, c’est par définition extrêmement révolutionnaire. On est en 1804 et non en 2020.
On peut également retenir qu’un petit territoire comme Haïti est allé au delà de lui même pour changer les choses. Les penseurs haïtiens comme Bénito Sylvain sont les pères fondateurs du panafricanisme, ils ont pensé au delà d’eux même, ils ont pensé les liens avec l’Afrique. Et surtout on peut retenir que la révolution haïtienne s’est faite sur son système culturel : cérémonie vodou. Il y a tant de choses à retenir de cette révolution…
RTM | En quoi ces îles de la Caraïbe peuvent-elles être des espaces de création d’un nouveau monde ?
Fania | Octavia Butler disait que si on n’a pas accès au soleil, il faut créer d’autres soleils. Je ne sais pas s’il faut créer un nouveau monde ou essayer de changer celui-ci. Créer un nouveau monde voudrait dire qu’on peut partir de zéro, partir d’une blanche alors que ce n’est pas possible.
Les révolutions nous montrent que l’histoire est une accumulation du savoir, de la constitution socio-historique, géographique, de la mémoire de l’humanité que l’on réinvente, que l’on essaye de changer bien que ces possibilités soient déterminées.
Ce qu’on essaye de faire avec la politique et la politique révolutionnaire, c’est ouvrir des espaces de possibilités différents et d’avoir toujours plus de possibilités pour savoir quel chemin on peut prendre. Changer le monde que l’on a ce serait déjà une bonne chose.
« Il faut penser contre les parties les plus réactionnaires de soi, les parties qui veulent du confort, qui sont attachées au passeport français bordeaux, les parties qui veulent être intégrées, assimilées, qui ne veulent pas regarder ce que la France fait, les discriminations. »
RTM | Vous êtes l’auteure du manifeste Afro-communautaire qui offre une autre perspective de la notion de communauté et de communautarisme en France. Selon vous, qu’est-ce la communauté peut apporter aux luttes afroféministes et panafricanistes ?
Fania | Je pense que la communauté c’est la base pour sortir de l’individualisme. Le néocolonialisme veut nous laisser ancrer dans l’individualisme. Le néocolonialisme promet l’individu comme l’entrepreneur de son propre bonheur, comme étant responsable.
Quand on se met en communauté on passe au niveau de la généralité. Ce qui m’arrive à moi, arrive également à d’autres. Ce n’est plus uniquement mon problème. Il s’agit d’un problème qui touchent les personnes qui sont dans les mêmes conditions et qui partagent la même identité politique que moi.
La communauté permet une mise en commun de la colère. La colère permet de démarrer mais ça ne permet pas de continuer sur la durée. Il faut passer de la colère à l’organisation. Ca permet également de s’appuyer sur des systèmes qui sont beaucoup plus grands que nous, afin d’éviter la confrontation individuelle.
Ca permet également d’éviter de dire aux individus qu’ils doivent être des super héros. Elle est là l’utilité de la communauté. Vous n’êtes pas obligé d’être superman pour affronter votre employeur, la discrimination, le racisme, l’oppression. Vous pouvez être quelqu’un de tout à fait normal au milieu de plein de gens tout à fait normaux. Le nombre permet de se protéger.
Mon ami Amzat Boukari le dit : « Tous les pauvres désorganisés face aux dominants organisés. ». L’organisation est extrêmement importante parce que les catégories dominantes comme la bourgeoisie sont organisés et ont bien conscience de leur classe.
La communauté sert à avoir conscience de sa classe, de nos intérêts objectifs et ainsi de s’organiser pour défendre nos intérêts parce que ceux en face le sont et ont bien conscience de leurs intérêts.
RTM | Vous êtes très critiques sur les concepts de représentation. Quelles sont pour vous les limites de la représentation ?
Fania | Elles sont extrêmement claires. Le concept de réprésentation permet aux franges les mieux intégrées, les plus proches de l’assimilation d’avoir des places, des positions et ça ne résout pas le problème de la majorité. De plus, cela donne bonne conscience et bonne image au système qui peut dire « ah ben vous voyez, il y a un tel un tel un tel, ca veut dire que l’on n’est pas vraiment raciste, classiste, homophobe etc, et que si vous travaillez vous pourrez aussi y parvenir ». C’est un leurre. Ca mobilise beaucoup d’énergies pour donner des places à quelques uns.
RTM | Vous animez également un podcast sur AyiboPost qui s’intitule « Medam yo ranse » sur les questions liées aux femmes et au féminisme en Haïti. Comment le féminisme haïtien nourrit-il votre afroféminisme ?
Fania | Mon afroféminisme s’est construit basé sur le fait que je suis francilienne, j’ai grandit en banlieue parisienne, en île de France. Le féminisme haïtien ne nourrit pas mon afroféminisme mais il est plutôt en conversation avec celui-ci. Il me permet d’appréhender différemment les questions de néocolonialisme, d’impérialisme, du rapport nord/sud et également de la configuration du patriarcat dans d’autres contextes, que ce soit en Haiti, au Sénégal, ou encore au Cameroun.
Il me permet de faire dialoguer ces deux féminismes et d’établir des liens, de faire des ponts entre la condition des femmes noires dans des pays de noirs et la condition des femmes noires dans des pays où les noirs sont minoritaires.
RTM | Sur votre Patreon, on peut également lire que vous vous qualifiez comme une « dérangeuse ». Qui souhaitez-vous déranger ? Qui faut-il déranger ?
Fania | Je suis une dérangeuse parce que la situation actuelle ne peut pas être normalisée. C’est important de déranger. Ce que je veux déranger c’est moi même, c’est nous même par extension. Il faut qu’on se sente dérangé.e. Il faut penser contre les parties les plus réactionnaires de soi, les parties qui veulent du confort, qui sont attachées au passeport français bordeaux, les parties qui veulent être intégrées, assimilées, qui ne veulent pas regarder ce que la France fait, les discriminations.
Il faut se déranger soi même pour ne pas juste dire « on veut être des français comme les autres ». Il faut voir plus loin, vouloir être des êtres humains avec d’autres humains avec qui on peut partager cet espace qu’on appelle la terre, l’humanité, et ça c’est important.
Se déranger soi même c’est important !
« On fait de la politique pour changer le monde et en faisant, on se change soit même. Il faut ainsi se changer soi même pour pouvoir changer le monde. »
RTM | Lorsqu’on suit vos travaux et votre parcours, que ce soit par votre implication dans le collectif MWASI, ou vos travaux avec la revue AssiégiéEs, l’organisation collective est centrale dans votre militantisme. Comment passe-t-on d’une logique individuelle à une logique de groupe ?
Fania | Il faut essayer. Il faut créer des groupes, rejoindre des groupes, se casser la gueule, quitter les groupes, s’embrouiller, revenir. On passe de la logique individuelle à la logique collective en essayant. Il n’y a pas 10 000 façons. Il faut essayer.
RTM | Dans un épisode de la Poudre, vous abordez la question de la colère. Vous dites qu’il s’agit d’un bon moteur, mais qu’il faut réussir à en sortir pour ne plus placer le système oppressif au centre de la réflexion. Comment sort-on de la colère ?
Fania | L’organisation permet de sortir de la colère parce que l’organisation demande de la stratégie. Il faut donc penser. La colère stratégiquement ne peut pas être bénéfique. L’organisation nous permet d’être en réflexion avec d’autres personnes et nous permet ainsi de sortir de notre cerveau. Au niveau politique, l’organisation permet de sortir de la colère.
Au niveau individuel, il y a quelque chose de plus difficile mais qui est essentiel, c’est la santé mentale. Bien sûr que l’organisation politique peut permettre de faire en sorte que les psys soient abordables, mais le fait d’être militant ne règle pas les problèmes de santé mentale. Le militantisme ne peut pas tout apporter. Il ne peut pas aborder toutes les questions à ce sujet.
Il faut faire ce travail individuellement. Il faut avoir accès à un psy, pratiquer la méditation, c’est extrêmement important.
On fait de la politique pour changer le monde et en faisant, on se change soit même. Il faut ainsi se changer soi même pour pouvoir changer le monde.
Il faut donc les deux. S’organiser mais aussi travailler sur soi, pour essayer de régler les problèmes que l’on peut avoir avec son parcours biographiques, avec tous les éléments traumatiques que l’on a pu vivre et transformer ces éléments traumatiques pour s’indigner, être en colère, et se mobiliser.
RTM | Quelle place occupe la création, qu’elle soit intellectuelle ou artistique dans votre militantisme ?
Fania | Je ne suis pas une grande artiste (rire). Je sais ce que j’aime. Je sais ce que j’apprécie mais je n’ai pas vraiment de fibre artistique.
La création intellectuelle, ça me parle. J’aime imaginer des espaces, que ce soit avec Assiégés, que ce soit le Camp d’été décolonial que j’ai co-crée avec Sihame Assebages, que ce soit des évènements, des week-ends que j’organise, j’ai un esprit qui imagine beaucoup d’espaces de rencontres, de mobilisations. A travers mon militantisme, j’imagine des lieux physiques, virtuels, des revues, où l’on peut se rencontrer.
RTM | Vous vous apprêtez à vivre aux Etats-Unis, à New-York plus précisément où vous suivrez un PHD. Quand on le peut, est-ce que partir de France est un passage obligé pour se développer professionnellement ?
Fania | J’ai quitté la France en 2017 après le Camp d’été décolonial. Avec toute la polémique qu’il y a eu autour du Camp et surtout au vu de ma profession (je fais de la stratégie politique et de l’évaluation pour les organisations), il m’était impossible de rester en France. Je suis donc partie m’installer au Canada où j’ai travaillé pour un groupement féministe en tant que coordinatrice générale. J’y suis restée un peu moins d’un an. Il faisait vraiment trop froid ! Puis je me suis rendue compte que je n’aimais pas être salariée (rire). Je préférais agir en tant que consultante. J’ai donc déménagé pour Haïti en 2018.
Quand les frontières réouvriront vers les Etats-Unis, je dois m’installer à New-York où je commence mon Phd à The New School.
Je ne sais donc pas si c’est un passage obligé pour se développer professionnellement mais dans ma situation c’était nécessaire. Je ne pouvais pas trouver de travail et je n’avais pas envie de changer de voie professionnelle uniquement à cause du shitstorm autour du Camp d’été.
Je suis partie en voulant voir si l’herbe était plus verte ailleurs et elle l’était pour moi. Ca ne veut pas pour autant dire que ces pays ne sont pas emplit de racisme. Ils le sont !
En ce qui concerne mon Phd, il y avait effectivement très peu de chance que je puisse le faire en France, que je trouve des directeurs et directrices de thèse qui puissent suivre ce type de travail, qui le comprennent. Ce n’était pas possible de travailler sur les sujets liés à la condition noire et à l’afroféminisme en France. Il y a des batailles que je ne voulais pas mener. Je n’envisageais pas non plus de faire mon doctorat sans financement.
RTM | Si vous deviez nous citer 3 ouvrages qui ont été essentielle à votre construction politique ?
Fania | « La proclamation d’indépendance d’Haïti », ce n’est pas un ouvrage, mais c’est essentiel. C’est de la poésie. C’est magnifique !
La biographie d’Assata Shakur. C’est un chef d’œuvre. Et enfin le roman « Adieu mon frère » d’Edwige d’Antica, une auteure haïtienne qui parle de la migration. Ce ne sont pas des ouvrages politico-politiques mais on y apprend beaucoup de choses.
J’apprends beaucoup plus de choses dans les romans que dans les livres de sociologies.
Pour des ouvrages plus techniques je dirai le livre de Patricia Hills Colin « La pensée féministe noire », « Black Marxism » qui est un ouvrage très intéressant et Amilcar Cabral.
RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Fania Noel, une Reine Des Temps Modernes ?
Fania | Temps Modernes oui, Reine non. Tous les trucs de royauté ce n’est pas vraiment ma politique. Je ne pense pas que je sois une Reine Des temps Modernes mais je suis ok avec ça. Si je devais être une Reine de quelque chose, ce serait de moi même. Le fait d’avoir le pouvoir sur la personne que je suis.
Le fait d’avoir des certitudes et des convictions de qui je suis en tant que personne, de mon éthique sans que mes convictions et cette certitude ne deviennent dogmatiques. J’ai aussi la conviction et la certitude que je suis amenée à évoluer, à ne pas penser exactement les mêmes choses, à apprendre de nouvelles choses, à remettre en cause ce que j’ai appris, tout en gardant mon éthique. Si j’étais une Reine, je serai la Reine des propres possibilités de mon existence et des choix que je fais.