Aujourd’hui, dans notre série BANDE DE FEMMES, nous rencontrons Za Insta, une jeune infirmière qui exerce depuis 2014 en Guadeloupe, au service réanimation. Elle nous parle de son parcours, de son métier, et de son quotidien depuis le début de cette crise sanitaire.
RTM | Bonjour za_insta , ravie de t’accueillir sur RTM. Pour commencer, peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?
Za Insta | Bonjour, RTM tout d’abord merci de me permettre de m’exprimer, c’est un honneur pour moi.
Je m’appelle za_insta, j’ai 30 ans et je suis originaire de la Guadeloupe, île où je réside actuellement.
RTM | Peux-tu revenir sur ton parcours ? Quelles étaient tes motivations pour devenir infirmière ?
Za Insta | Mon parcours est à la fois simple et compliqué. J’ai obtenu un baccalauréat scientifique option SVT. J’ai fait par la suite deux années de fac à Fouiolle en Guadeloupe avant de décrocher mon concours d’entrée en formation infirmier dans deux écoles sur Paris. J’ai choisi l’hôpital Bichat, où j’ai suivi 3 ans de formation avant d’être diplômée d’État.
J’ai d’abord exercé 2 ans, en psychiatrie adultes secteur fermé à Neuilly sur Marne. Il s’agissait d’une vraie découverte, l’univers de la psychiatrie est méconnu de tous. J’arrivais surtout avec mes appréhensions culturelles (« lè ou fou sé pass yo fèw socié » traduire par : lorsque vous êtes fou, c’est parce que vous êtes victime de sorcellerie).
J’ai évolué dans ce milieu pendant plusieurs années. J’ai été sensibilisé aux différentes pathologies psychiatriques. J’ai travaillé également avec les adultes et enfants atteints d’autismes.
De retour en Guadeloupe en 2014, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver un poste. Je ne suis d’ailleurs toujours pas en CDI. C’est la réalité de ce métier en Guadeloupe; beaucoup de cdd, pour des infirmiers parfois très qualifiés, avec de bons CVs. J’ai donc enchainé, les HAD (Hospitalisation à Domicile), les SSIAD (Service De Soins Infirmiers A Domicile), les services de Chirurgie, de Médecine, puis le Libéral.
J’ai toujours voulu faire des soins d’urgences. J’ai eu l’opportunité d’arriver en réanimation polyvalente adultes Grands-Brulés en 2017, service où j’exerce encore.
RTM | Tu as choisi de pratiquer en Guadeloupe. Etait-ce un choix de ta part de pratiquer depuis ton île natale ?
Za Insta | C’était bien plus qu’un choix, c’était un objectif. Vivre à Paris a été pour moi une expérience très enrichissante. Mais ça m’a également permis de réaliser que j’avais quitté mon île sans avoir pris le temps de la connaître. Je me souviens, à l’époque, échangé avec des vacanciers venu de l’hexagone qui connaissaient la Guadeloupe bien mieux que moi. C’était à la fois triste et frustrant.
Je suis donc rentrée dans mon île, servir ma population.
RTM | Quel était ton quotidien avant le COVID-19. A quoi ressemblait une de tes journées type ?
Za Insta | Avant le COVID 19, les journées en Réanimation étaient changeantes. Vous savez la réanimation est un service en mouvement 24/24. Nous ne sommes pas plus de 80 professionnels disponibles nuits et jours pour accueillir toutes sortes de blessés.
Nous sommes habitués à travailler dur et sans relâche afin de maintenir et restaurer la vie.
Le Corona n’a donc eu que très peu d’incidence, si ce n’est la peur du virus. Nous avons réorganisé le service afin de pouvoir accueillir les patients COVID +.
Une journée type consistait en l’accueil de toutes sortes de pathologies survenues de manière brutale.
RTM | Qu’est-ce qui a changé depuis le début de cette crise sanitaire ?
Za Insta | En premier lieu, la situation de confinement. Il faut pouvoir y faire face (nourritures, stabilité des revenus, stabilité familiale, prise en charge des personnes âgées). Pour le personnel hospitalier, le confinement est d’autant plus à respecter car nous sommes en première ligne. Nous savons à quoi nous sommes exposés. Il faut donc faire passer le mot à son entourage, afin que ceux-ci restent chez eux et fassent attention.
RTM | Bien avant cette crise sanitaire, le corps médical alertaient sur les difficultés rencontrées par les services hospitaliers. Quelles étaient ces difficultés ?
Za Insta | Manque de moyens (humains et matériels), non remplacement des personnes en congés de maternité, manque de lits, manque de formations…
RTM | Penses-tu qu’avec cette crise les choses seront amenées à changer ? As-tu l’impression que l’on assiste à une prise de conscience des politiques mais aussi du reste de la population ?
Za Insta | Non. Non.
RTM | Qu’est-ce qui te plait le plus dans ton métier au quotidien ?
Za Insta | Réussir à sauver quelqu’un dont le pronostic vital est fortement engagé.
RTM | Comment parviens-tu à garder le moral au quotidien pour venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin ?
Za Insta | Le moral, je ne l’ai pas depuis le début de cette crise. Simplement, le métier d’infirmière est une passion. C’est dans cette passion que je puise les ressources nécessaires pour faire face au quotidien.
RTM | Quelle est la première chose que tu feras une fois sortie de ce confinement ?
Za Insta | Prendre l’avion et aller rejoindre mon mari. Profiter pour évacuer toutes les formes de stress que j’ai accumulées au travail depuis le début de cette crise. Si je pouvais, je prendrais 6 mois de vacances (rire) mais une infirmière en réanimation reste une infirmière en réanimation, et est donc indispensable à son service.
RTM | Dernièrement dans une interview, Christiane Taubira disait, que ce sont les femmes, les femmes présentent en majorité dans la santé, qui tiennent la société. Que penses-tu de cette phrase ?
Za Insta | Je pense que cette phrase est forte, et qu’elle devrait être notre mantra au quotidien. Nous, les femmes régulièrement bafouées, violentées, violées, séquestrées et bien souvent amères l’une envers l’autre, nous devons prendre la mesure de notre force. Nous devons apprendre à briller toutes ensembles. J’ai découvert récemment le profil Instagram d’une femme que j’apprécie tout particulièrement : @MavicBright. J’étais déjà dans un processus de remise en question, de confiance en soi et de soutien sans faille pour autrui. Grâce à elle, je le suis d’autant plus. La vie n’est pas forcément rose au quotidien pour tout le monde, mais nous nous devons de cultiver notre jardin si nous voulons qu’un jour qu’il soit prolifique.
RTM | Quels conseils donnerais-tu aux femmes qui souhaitent devenir infirmières mais qui n’osent pas ?
Za Insta | Le métier d’infirmière n’est pas fait pour n’importe qui. Il y a des traits de caractère et une personnalité à avoir, si on veut le rester. Tout le monde peut réussir un concours, une partie ira au bout des trois ans de formation, certains seront diplômés, mais seuls les plus forts psychologiquement resteront infirmier toute leur vie. L’essentiel est de s’armer de patience et de ne jamais renoncer. NEVER STOP !
J’ai déjà donné des cours pour réussir le concours infirmier par le passé, et je me propose à aider les élèves en formation infirmier qui ont des difficultés pour certaines unités d’enseignement. Je suis disponible et joignable par DM sur le profil @za_insta.
RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes piliers dans ta vie, quelles seraient-elles ?
Za Insta | Ma grand-mère, ma mère, et moi-même.
RTM | Qu’est-ce qui fait de za_insta une Reine Des Temps Modernes ?
Za Insta | @za_insta est une Reine Des Temps Modernes car elle transmet son savoir, elle est toujours en quête de connaissances, et elle nourrit et gouverne son royaume sans relâche.
Plis fòs au personnel soignant surtout en Guadeloupe… !!! Vous faites un travail formidable et indispensable. Nous sommes reconnaissants.