Rachel Lollia (Biologiste) – “Il est URGENT de se reconnecter à notre essence”

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Notre série BANDE DE FEMMES continue. Cette semaine nous recevons Rachel Lollia, la fondatrice de PAWOKA, un concept de promotion, valorisation et protection des plantes médicinales caribéennes. Elle nous parle de son parcours, de son projet PAWOKA et des “Rimed Razyé” encore méconnus ou sous estimés.

Rachel Lollia

RTM | Bonjour Rachel, ravie de t’accueillir sur RTM. Pour commencer peux-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs ?

R. Lollia | Bonjour, merci ! C’est avec plaisir. Je suis Rachel LOLLIA, jeune femme de 32 ans, entrepreneur, mère de 2 enfants (6 ans et 1 an), biologiste en biosanté, alimentation/nutrition en milieu tropical et ingénieur en communication scientifique de formations. Formatrice et Auteur, de part ma dernière expérience. 

RTM | Tu es la fondatrice du projet PAWOKA, au départ « une application mobile qui vous dit tout sur les rimèd razyè ». Peux-tu nous présenter ce beau projet et nous expliquer ce qu’est un « Rimèd Razyè ?

R. Lollia | Pawoka est un concept de promotion, valorisation et protection des plantes médicinales caribéennes et par extension tropicales. Il a en effet été initié par l’application mobile, – encore disponible gratuitement sur les stores, une trentaine de plantes médicinales locales présentées ainsi que leur mode d’emploi, leurs usages traditionnels et  les recommandations-. Il a ensuite rapidement évolué comme concept pour amener la démarche plus loin. Nos « rimed razyé » sont une véritable richesse et à tous les niveaux. C’est un travail d’information, de formation, de sensibilisation et de cohésion, de longue haleine mais qui en vaut la peine ne serait qu’en reconnaissance de l’héritage que nous a laissé nos ancêtres.

RTM | Comment est né ton intérêt pour les plantes médicinales traditionnelles?

R. Lollia | Aujourd’hui je dirais très tôt, mais je n’en avais pas conscience. A l’âge de 10 ans, j’ai réalisé un herbier géant à l’issus d’une petite enquête que j’avais réalisée auprès des anciens de ma famille et de mon quartier. J’ai dû ensuite présenter mon exposé, en introduction d’une conférence du Dr Henry Joseph. A l’époque, c’était encore des conférences de quartier. Ensuite, inconsciemment, comme beaucoup de personnes je pense, les plantes ont toujours fait partie de mon environnement. Je voyais faire, sans trop me poser de questions. Et sans m’y intéresser, jusqu’au jour où j’ai été confronté à ne pas savoir/pouvoir porter une solution à ma fille ainée, en pleine crise de démangeaison, alors quelle était sujette d’eczéma atomiques. Je savais que les plantes lui donneraient un vrai soulagement. Mais lesquelles ? Où les trouver ? Quels dosages ? Je n’en savais rien et mamie n’était pas là. Alors j’ai décidé de m’y intéresser sérieusement et de rendre cette information accessible de manière pratique et immédiate. Une application était l’outil parfait.

Aujourd’hui, je vois beaucoup plus loin : des enjeux, des filières, une bio-économie et surtout des carences à combler avec le bon état d’esprit.

“la nature se débrouille très bien sans nous”

RTM | Quel a été ta formation et ton parcours ? Et à quel moment décides-tu de rentrer en Guadeloupe pour exercer ?

R. Lollia | J’ai un cursus atypico-classique (rires). Je le qualifie comme ça parce que c’est au final un cursus classique universitaire qui a été complété par des spécialisation, de la complémentarité et beaucoup d’autodidacte.

J’ai un BAC S option Sciences de la vie et de la Terre.

J’ai une licence de biologie cellulaire et physiologie. Un master de Biologie Santé, Alimentation et Nutrition en milieu Tropical. Un master en Information et Communication. Et Un master en Education, Enseignement et Formation en Pédagogie didactique contextuelle. Ce sont les « titres », en gros je me suis spécialisée pour vulgariser les choses qui tiennent aux sciences et qui sont spécifiques de chez nous. Et mon secteur de prédilection c’est notre biodiversité.

De manière autodidacte (et donc sans titres, ce qui me rend encore plus fière), j’ai touché à l’infographie, au web, au marketing, à la E-Santé, à la gestion de projet, au Community management, à l’écriture et à la rédaction.

J’aime beaucoup le concept de formation tout au long de sa vie, donc j’ai encore de nouveaux challenges à relever.

RTM | Le nom PAWOKA a t-il une signification particulière?

R. Lollia | Bien sur. Je l’ai beaucoup réfléchi.

Pawoka:

1- C’est le nom commun (vernaculaire, permis d’autres) d’une plante médicinale Momordica Charantia. Elle est sauvage, mystérieuse, tout aussi bénéfique (elle soigne de nombreuses affections) que dangereuse (très toxique). En listant les plantes les plus utilisées, quand j’ai lu son nom, cela m’a rappelé comment, plus jeune j’étais intriguée par cette plante. Ma grand-mère m’avait dit d’elle que c’était un poison et pourtant mon arrière grande mère buvait sa tisane (feuilles) tous les soirs. Du coup j’avais peur qu’elle meure. Je la voyais aussi forte à braver cet interdit. En faisant des recherches, je me suis rendu compte qu’elle était très populaire, un peu partout dans le monde et que le nom variait d’une lettre tout au plus.

2- la syllabe « KA » était aussi un hommage à tout l’aspect culturel que représente les plantes médicinales. En Language égyptien ancien, c’est aussi le symbole de l’équilibre, du double spirituel. L’équilibre du corps, de l’esprit et du social. C’est tout simplement la définition de la Santé (OMS).

Donc au final PAWOKA signifie ceci: les plantes médicinales sont indispensables pour notre équilibre. Autant notre santé, que notre connexion à la vie. Pour autant, il est nécessaire de les comprendre et savoir les utiliser car le naturel n’est pas sans danger.

RTM | Lancé depuis 2016, PAWOKA ne cesse d’évoluer et de se diversifier. Quels sont les différents axes développés par PAWOKA ? 

R. Lollia | Le temps passe ! Mais les jours ne se ressemblent pas. Pawoka est une aventure. En tous cas, je tiens à le vivre ainsi. Je dis bien le vivre, parce que au-delà d’une entreprise, d’un concept, c’est avant-tout de l’expérience. Comme dit Einstein « la connaissance passe par l’expérience, le reste c’est de l’information ».

Comme tu dis Pawoka ne cesse d’évoluer et de se réinventer. Ce n’est pas toujours évident, mais la routine me fait encore plus peur. Je suis assez fière de pouvoir me laisser porter par ce projet, et cela m’a demandé des choix parfois contraignants. Par exemple, dans le modèle classique « business », nous sommes complètement hors standard, absolument pas crédibles pour certains « spécialistes » (qui n’ont paradoxalement pas cette expérience), et pourtant voila bientôt 4 ans que nous existons, avec nos moyens. D’ailleurs, je ne Pitch plus Pawoka, car c’est toujours très intéressant, mais en réalité très peu de personnes, ont à ce jour compris l’ADN de Pawoka. C’était d’ailleurs très frustrant au début.  Mais après avoir rencontré des interlocuteurs en phase, je me suis réconciliée avec tout cela. C’est un fait et je l’accepte.

Nous avons fait d’innombrables pivots (changement d’orientation, de modèle économique), parfois l’innovation tue l’innovation (rires) surtout quand il n’y a pas de modèles à copier-coller. A ce jour, les axes qui nous vont bien sont l’information et la formation. Nous développons tout cela tranquillement, à notre rythme. Notre engagement n’est clairement pas vis à vis des modèles mais bien de l’expérience et de l’énergie. Nous avons notre ligne directive, mais elle n’est pas susceptible de changer d’ici la fin de l’année, même si l’objectif principal est très clair. Nous savons pourquoi nous le faisons, mais le comment vient de nos inspirations et expériences.

RTM | En cette période de crise sanitaire, tu as lancé un e-book sur les rimèd razyé qui permettent de renforcer le système immunitaire. Peux-tu nous présenter ce projet ?

R. Lollia | Je suis contente et en même temps je regrette cet Ebook.

Heureuse pour l’information qui s’y trouve et j’espère qu’il servira au plus grand nombre. Et Déçue parce que j’aurais aimé que ce soit un support fédérateur. Que les acteurs de la thématique parlent d’une même voix, et fournissent à la population un support qualitatif. Au contraire, j’ai plutôt ressenti une course aux meilleurs « support Covid19 ». Mon interprétation est peut-être fausse, mais si c’est bien cela, c’est bien là la preuve qu’il y a encore un sacré travail de cohésion, d’union, de mutualisation pour le bien commun. C’est mon côté utopiste et altruiste (rires).

Initialement, j’ai voulu faire passer le message suivant: il n’y a pas de recette miracle, de plante.s « anti-covid ». En vrai elles le sont toutes, et aucune en particulier. Tout se joue sur le comportement individuel: rester chez soi, renforcer son système immunitaire etc.

RTM | Qu’est-ce que cette crise dit selon toi de notre rapport au monde, de notre rapport à la nature ? 

R. Lollia | Il est URGENT de se reconnecter, à notre essence et celle de la vie. Nous sommes AUSSI cette nature. Et donc intrinsèquement nous sommes liés à son avenir. Nous avons tous notre part de responsabilité, à notre échelle. Ta décision n’est pas juste TA décision, elle aura un impact sur minimum 3 personnes (comme le Covid19) parmi tes parents, tes enfants, tes amis, tes connaissances ainsi de suite pour au final arriver à la population mondiale.

RTM | Vois-tu depuis le lancement du projet en 2016, une prise de conscience quant à la nécessité de valoriser les savoirs-faires locaux et ancestraux de nos territoires? 

R. Lollia | Je reste perplexe et dubitative très franchement.

Non pas que l’intérêt ne soit pas marqué, mais  une véritable imprégnation ? Je demande encore à observer.

Par exemple, je me pose la question du vrai intérêt à vouloir utiliser les plantes médicinales. Est ce parce que les médicaments et autres produits chimiques n’agissent plus ? Ou de peur qu’ils nous tuent plus vite, aux vues des différents scandales révélés? On veut trouver des plantes facilement, mais qui plante ? On veut que les plantes guérissent après s’être soi même empoisonné par notre manière de consommer.

En quoi les plantes seraient plus responsables que nous de notre propre santé. ET surtout, une fois valorisées, les pauvres sont sujettes à la schizophrénie humaine, au risque de disparaitre, alors que pendant des années voire des siècles elles étaient là tranquillement sans prédateur.

C’est la raison pour laquelle, j’ai revu ma stratégie de vulgarisation, y mettre plus de conscience pour bien faire comprendre qu’elles ne nous doivent rien, la nature se débrouille très bien sans nous. Alors avant d’utiliser une plante, il faut revoir son rapport et faire preuve d’humilité.

Ce sont des choses, que j’ai moi même appris, et mis en pratique. Je n’ai pas la science infuse, je m’interroge et continue d’apprendre. Comment ? En observant.

“J’ai hâte et en même temps mystiquement peur de l’après.”

RTM | Si tu devais nous partager une plante à absolument avoir chez soi, laquelle serait-elle?

R. Lollia | Le gros thym. Sans hésitation. C’est une plante coup de coeur ! Elle est pratique (en terre ou en pot, abondante, ne demande pas beaucoup d’entretien, productive), bonne pour beaucoup de choses (affections, alimentaires, bien être, bien vivre…) et ma petite dernière la consomme crue tous les matins. Je pense que les enfants ont un sens inné de survie. Donc je lui fait confiance (avec quelques recherches scientifiques à l’appui). Sa fiche est disponible dans l’application Pawoka.

RTM | Dernièrement dans une interview, Christiane Taubira disait, que ce sont les femmes qui tiennent la société. Que penses-tu de cette phrase ?

R. Lollia | Ah ah ! Mais bien sur !

Je suis une féministe. Je pense clairement que la différence sera marquée quand une femme gouvernera. On le voit au quotidien. Les femmes gèrent. La sensibilité est autre, les visions, les perceptions, l’intuitions … tant de paramètre qui rendent plus humains. Ensuite, si on observe les lois de la nature, ce n’est pas pour rien que la femme enfante. Elle est abondante. Quand l’homme nourrit, la femme fructifie. Donc oui totalement d’accord avec elle.

RTM | Comment vis-tu cette période de confinement et comment gardes-tu le moral?

R. Lollia | De manière inédite. Une montagne russe émotionnelle, éreintante mais cruciale. J’ai été en profondeur dans beaucoup de choses. J’ai pu tester mes capacités de résilience, découvrir de nouveaux centres d’intérêt, de nouveaux challenges et surtout j’ai pu identifier l’essentiel (pourtant je pensais l’avoir déjà fait, mais visiblement la vie réserve toujours des surprises). Au final, il n’y a pas de hasard. Aujourd’hui, j’accepte et vis en pleine conscience cette période. J’ai hâte et en même temps mystiquement peur de l’après. J’espère profondément qu’il y aura un changement, qu’un nouveau monde sera clairement amorcé. Nous le méritons tant, la Planète aussi. 

RTM | Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui n’y connaissent absolument rien aux plantes médicinales mais qui souhaiteraient prendre le temps de se former ?

R. Lollia | Venez faire la dernière formation Pawoka Remèdes Naturels (bit.ly/formationrnt)

Au delà de la fabrication des remèdes, c’est comprendre l’esprit et le pouvoir des plantes. Etablir cette connexion, qui fera qu’elles seront d’autant plus efficaces. Fabriquer en conscience ses remèdes naturels est un pas vers l’autonomie et c’est clairement un acte personnel et commun.

RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes qui t’ont inspiré tout au long de ta vie ?

R. Lollia| Ma mère. Mes grands-mères.

Mes filles (elles ne sont pas encore femmes, mais elles m’inspirent beaucoup et je m’émerveille de les voir évoluer car les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain)

RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Rachel une Reine Des Temps Modernes ?

R. Lollia | Sympa ! Mais je me vois mieux comme « colibri des Temps Modernes »; je n’ai rien de royal, je fais simplement ma part selon mes croyances, mes convictions et mes moyens. Je relais le sens de la vie selon ma perception, comme l’ont fait mes ancêtres et comme le feront mes enfants.

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