La parole à mon voile !

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La parole à mon voile !

Une fois n’est pas coutume, sans surprise mais toujours avec le même désarroi, j’ai découvert cet article de Marianne « Quelle vie après le niqab ? Rencontre avec celles qui ont retiré le voile » donnant la parole à des femmes « libérées » d’avoir retiré leur voile. Un article qui, comme bon nombre d’autres articles sur le voile ou plus largement l’islam, alimente la thèse de la soumission, de la terreur, joue sur l’ambiguïté voile-niqab auprès de leurs lecteurs et j’en passe et des meilleurs (du pire !)

Mais, aucun de ces articles ne propose d’antithèse. Or, d’aucuns sauront que tout n’est jamais tout blanc ou tout noir, et que, dans la vie comme en matière d’argumentation, il existe plusieurs angles de vue pour aborder les choses. Force est de constater qu’en matière d’islam, ce que diffuse les médias, qu’ils soient mainstreams ou soit disant indépendants, est ce qui va ternir l’image de cette religion, MA religion, dont on parle beaucoup mais avec méconnaissance, dans le but de n’en montrer que ce qui fait vendre des journaux ou, pour les médias en ligne, amener des visiteurs.

C’est pourquoi, moi, Asiya Bathily, 27 ans, musulmane et voilée, je me dévoile aujourd’hui sur les raisons qui m’ont conduite à porter le voile. Ces raisons sont spirituelles et personnelles mais, puisque malheureusement, des témoignages comme le mien intéressent peu les médias (bah oui, ça irait à l’encontre de leur thèse et les obligerait à chercher une antithèse ! ), je vous raconte mon vécu qui ne saurait avoir d’auditoires chez les médias qui se battent becs et ongles depuis des années pour prouver que le voile est soumission.

J’ai décidé de porter le voile dans la deuxième quinzaine du mois d’août 2014. Si tôt ma décision prise, j’ai couvert mes cheveux et mon corps alors que, quelques semaines auparavant, je me baladais en robes allant jusqu’au genoux, shorts, mini jupes et plus rarement en pantalon.

Mais que s’est-il donc passé entre ces semaines pour opérer à un changement radical ?

Vous serez déçus. N’ayant ni été embrigadée par Daech, ni forcée par mon mari, frère ou père. Si, si, j’ai pris cette décision de mon libre arbitre après un évènement de vie qui allait me rapprocher définitivement de Dieu.

Le lundi 11 août 2014, autour de 5 h du matin, j’ai voulu réveiller ma mère afin qu’elle aille travailler (et non ! Mon père ne le lui a pas interdit, c’est fou ! ) Incapable de se lever, à ce moment-là, j’ignorais encore qu’elle ne le pourrait plus pour les 4 années à venir. Elle était victime d’un AVC. Dieu merci, étant titulaire d’un diplôme d’État Infirmier depuis un an (oui, bien que musulmane, j’ai étudié, cela n’est pas incompatible. C’est dingue ces clichés que je vais déconstruire progressivement), j’ai su repérer les signes de l’AVC, prévenir le SAMU qui l’a prise en charge et transportée aux urgences dans les 30 minutes (les plus longues de ma vie) qui ont suivies. Une fois à l’hôpital, une hémolyse a été pratiquée et a permis aux médecins de nous informer que les symptômes de l’AVC devraient se dissiper rapidement. Quel soulagement !

Vingt quatre heures plus tard, dans la nuit du mardi 12 août 2014, en me levant pour manger car je souhaitais jeûner la journée, je vois un appel manqué autour de 1 h du matin. Ce qui n’annonce rien de bon au regard de l’heure. Et pour cause…
Ma mère ayant fait une hémorragie cérébrale a été transférée d’urgences dans un autre hôpital où elle a été opérée en catastrophe car son pronostic vital était engagé. J’ai alors réveillé toute la maison pour leur annoncer ce drame et affronter tout ça avec eux.
Elle sortira du bloc au bout de quelques heures. Son pronostic vital est critique. Deux jours après, ayant refait une hémorragie sous dural, le réanimateur nous expose la situation et les solutions s’offrant à nous : la réopération de ma mère avec un risque considérable pour sa vie ou le maintien dans un coma artificiel pour résorber l’hématome et atténuer la compression du cerveau due à l’hémorragie.
Face à ces événements catastrophiques qui se sont enchaînés en si peu de temps, comme beaucoup de monde en pareille situation, j’ai prié. Abondamment. Énormément. De bout en bout du jour et de la nuit, je suppliais « mon Dieu, par pitié, laisse maman en vie. Je ne veux pas qu’elle meure. Je serais perdue sans elle. Pitié. Pitié. Pitié. S’il le faut même, je mettrais le voile, mais ne me prive pas de maman. »

Prise de conscience

Quelques jours et de nombreuses prières plus tard, je suis revenue sur mes invocations. Je me suis sentie hypocrite d’implorer Dieu autant, de mettre plus de conviction dans mes prières dans cette situation de crise alors que ce degré de foi devrait m’accompagner tout le temps, par temps de bonheur ou de malheur. Qui plus est, moi petite créature insignifiante dans ce macrocosme qui est l’univers, de quel droit et au nom de quoi, je pouvais négocier avec Dieu sur le mode du « donnant-donnant », sachant qu’Il me donne énormément chaque jour et que je le remercie trop peu ?! C’est alors que je me suis dit « Asiya, dimanche ta mère avait la santé. Hier, tu ne savais pas si elle finirait la journée. Tu n’es que peu avancée aujourd’hui même si chaque jour de vie qu’elle gagne nourrit ton espoir. Tout comme ça a failli être le cas pour elle, ta vie pourrait s’arrêter aujourd’hui. Que répondras-tu à Dieu lorsqu’Il te questionnera au sujet du port du voile que tu n’as pas honoré alors qu’il s’agissait d’une prescription venant de Lui ? »
En vérité, mon idée et ma volonté au fond de moi était de le porter « plus tard ». Bercée dans l’illusion des progrès scientifiques et de la vie qui s’allonge, j’ai pensé pouvoir le faire « après », « quand je serai prête », en oubliant que le seul temps qui m’appartient est le présent, que l’avenir ne me donnera peut-être pas la possibilité d’accomplir ce dessein. Dès lors, un samedi du mois d’août, je suis allée à l’hôpital rendre visite à ma mère en nouant un foulard sur ma tête. Je le fais depuis ce jour. Et je me sens de plus en plus heureuse chaque jour.

Un rappel vers l’essentiel

Il m’a donc fallu revoir ma garde-robe, trier mes vêtements, de sorte à être habillée d’une façon qui corresponde mieux à ma nouvelle condition. D’aucuns penseront à tort que la culpabilité m’a poussé agir. À ces personnes, je leur dirai qu’il s’agissait là d’un rappel vers l’essentiel. Cet essentiel je le puise dans ma foi, loin de la superficialité du monde. Le voile est un objet de pudeur pour les femmes – pudeur qui s’impose aussi aux hommes – tant dans la tenue que dans le comportement. C’est cette signification qu’il revêt pour moi. Le fait de cacher mon corps et mes cheveux ne concerne que moi. Qui cela importe et qu’est ce que ça apporte de savoir si je fais du 38 ou du 40 ? De savoir si mes cheveux sont défrisés ou non ? Courts ou longs ? Qu’est ce que ces informations relatives à mon physique disent de moi ? De mon parcours ? De mes combats ? De mon intellect ? Rien. C’est superficiel. Autrement superficiel même.
Déjà alors que je ne portais pas le voile, je ne supportais pas qu’on ne me connaisse ou ne m’apprécie que par mon physique. Ayant été sujette au harcèlement scolaire au collège, j’ai déjà payé le prix d’être détestée à cause de mon physique et donc d’une méconnaissance de moi. Je veux qu’on connaisse Asiya et ses idées, ses valeurs, ses combats et ses blessures. Savoir quel est mon tour de hanche, en plus d’être futile, ne dit rien de moi.

Alors, comme ça ne dit rien, pourquoi le montrer et en parler puisque ça ne dit rien ? Est-ce qu’on parle du silence ? Pour dire quoi ? Parle-t-on de ce qui ne dit rien ? C’est absurde, vous ne trouvez pas ?

Je me suis retrouvée en portant le voile

Je me suis retrouvée en portant le voile, car, une fois mes attraits physiques dissimulés, les gens n’ont plus d’autres choix que de s’intéresser véritablement à moi s’ils le souhaitent réellement. Dans un monde et une société superficiels et orientés sur l’apparence, mon choix parait bizarre, je le conçois.

Mon voile, ma beauté, mon élégance

Étonnement et contre tous les clichés qu’on a sur les femmes voilées, on ne m’a jamais autant dit que j’étais belle et élégante que depuis que je porte le voile. C’est un joli mot « l’élégance », ça renvoie à une forme de beauté qui a de l’allure et de la classe, loin de toute vulgarité, juste dans ce qu’il faut. C’est joli, je trouve.
Je porte maintenant des robes longues, toutes colorées comme toujours, car je veux que mon style soit le reflet de mon caractère pétillant. Je m’habille comme je suis. Je mets de la couleur et de la vie dans ce que je suis. Mon voile et mon style sont devenus ma marque de fabrique car c’est à cela qu’on m’identifie aujourd’hui. Sans connaître mon nom, on me reconnait souvent à mon élégance et aux couleurs que je porte. J’entends les gens parler positivement de mon voile et ça fait du bien.

Ces compliments changent des clichés archi-connus, lus, entendus et dont on ne sait plus s’ils intéressent grand monde tant ils sont pauvres en information et nouveauté.

Ma parole est un cri d’amour envers moi, mes sœurs, voilées et non voilées et pour Celui qui nous a créées. Un cri pour que jamais plus on nous prive de notre parole ou qu’on nous fasse dire ce qu’on ne dit pas et ne pense pas.

Ma plume est mon arme pour faire taire ceux qui me réduisent au silence en volant mes mots par leurs a priori.

Que la paix soit sur vous.

Avec amour et fraternité,

Asiya

7 Commentaires

  1. MashAllah Asiya que tu écris bien et vrai ! Je suis très fière de toi tu portes haut et fort les valeurs de l’islam ! BarakAllahou fiki. # fièredemonvoile

  2. Salam aliekom chère sœur Asiya
    Un très bon témoignage arguments à l’appui, c’est vraiment touchant et émouvant. Je suis très ému, je réalise le bienfait d’ALLAH dans cette épreuve que tu as traversée qui t’as conduit vers le bon chemin.
    BarakH viki 🙂

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