Barbara – “Le créole nous permet de rentrer dans tous les foyers “

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Notre QUEENSPIRATION de la semaine est de celle qui tend les micros, qui tend l’oreille pour accueillir les récits et qui déposent sur papier, qui met en image à l’écran les histoires, nos histoires. Elle s’appelle Barbara Olivier-Zandronis, elle est guadeloupéenne, journaliste et réalisatrice. Elle est notre portrait de la semaine.

Portrait Barbara Olivier-Zandronis

RTM | Bonjour Barbara, nous sommes ravies de t’accueillir sur RTM. Pour commencer pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Barbara | Bonjour Wendie. Je m’appelle Barbara Olivier-Zandronis, je suis journaliste, co-fondatrice du média digital « Keragency » et réalisatrice depuis peu. Depuis une dizaine d’années, je vais à la rencontre des gens pour raconter leurs histoires, leurs peines et difficultés mais aussi leurs réussites et sujets de joie.

RTM |Aujourd’hui journaliste et réalisatrice, te souviens-tu du premier sujet mis en lumière ?

Barbara | Parfaitement ! Il  s’agissait de l’interview de Jacques Martial pour le quotidien France-Antilles. A l’époque, il présidait la Grande Halle et le parc de la Villette, et était de passage en Guadeloupe pour interpréter « Cahier  d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire. Il était très impressionnant…Sa voix, son allure, son assurance. Je me souviens du dialogue intérieur que j’ai tenue avec moi-même pour garder le cap.

Il était assis juste en face de moi, le dos bien droit, me regardant dans les yeux. Il y avait un rapport de force complètement déséquilibré, au départ. Je pouvais clairement le ressentir, comme une énergie très forte qui tente de te dominer…jusqu’à ce que survienne la question qui pique et qui rétablit un certain équilibre. C’était court mais palpitant. J’ai su à ce moment-là que j’adorerai l’exercice de l’interview. Ce ne sont pas toujours des combats de coqs, souvent de très belles rencontres qui t’enrichissent. Mais je dois admettre que j’adore ça!

Crédit : Barbara Olivier-Zandronis, sur le tournage de Bwa Galba

RTM | Etait-ce un rêve d’enfant de d’un devenir journaliste ? qu’est-ce qui t’a donné envie de t’orienter vers ce métier ?

Barbara | Oui c’était un rêve d’enfant que j’avais enfoui pendant des années. Une ancienne camarade de classe me l’a rappelée il y quelques temps. Elle se souvenait qu’en classe de 5ème j’avais déclaré : « je serai journaliste plus tard ». Je ne m’en souvenais pas du tout. Je sais que j’aimais les mots, la poésie.

L’envie m’a en quelque sorte poursuivie, d’abord en Licence Histoire à la Sorbonne. Autour de moi, tous mes camarades de Fac parlaient de Sciences Po Paris avant de s’inscrire au concours d’entrée d’une école de journalisme. J’ai manqué de confiance en moi, estimant que je n’étais pas à la hauteur. Je n’ai rien tenté et j’ai choisi la comm’. Pendant ces années, j’ai vécu de très belles choses, découvert des endroits merveilleux. Des coulisses des grands défilés Jean-Paul Gaultier, Maison Dior etc et puis j’ai gardé des amis, de vrais.

Cette aspiration est revenue en regardant un documentaire de la réalisatrice Euzhan Palcy. Je ne saurai l’expliquer. Son engagement, sa détermination et sa liberté surtout réveillaient quelque chose en moi. A cette période, je travaillais déjà dans une collectivité comme chargée de communication, j’avais 25 ans et  le sentiment (de façon assez intense) de passer à côté de ma vie. Ca m’a pris un an avant de quitter mon emploi, quitter logement, situation stable pour revenir sur les bancs de l’école, galérer un peu comme beaucoup d’étudiants mais je me sentais vivre ! Et ça, ça n’avait pas de prix.

RTM | Nos îles ayant un marché réduit, les places pour devenir journaliste en Guadeloupe ou Martinique semblent difficiles à prendre et à garder. Comment se faire sa place et surtout la maintenir ?

Barbara | Avoir confiance en soi et en son destin. Combien de fois, j’ai entendu des paroles décourageantes. Au début, on m’a même dit que je n’étais pas faite pour la télévision, que je n’avais pas la bonne voix. J’étais JRI, journaliste-reporter d’information, celui qui sait tout faire : tourner, monter son sujet. Quelques années plus tard, je présentais mon premier JT à la demande du journaliste qui m’avait déconseillé la TV. En fait, je crois qu’il y a de la place pour chacun, quelque soit le contexte contraint dans lequel on se trouve. Si tu es fais pour être journaliste, tu trouveras ta place, tôt ou tard. A plusieurs conditions, celle d’y croire, de travailler, persévérer et enfin laisser l’Amour être ton guide et ton carburant

RTM | Sur Guadeloupe la 1ère, tu animes une émission informative et culturelle en créole. Quand on sait les combats de certains militant.es du créole aux Antilles, qu’est-ce que ça représente de pouvoir raconter les histoires de l’île en guadeloupéen ?

Barbara | C’est d’abord un challenge. Je ne suis pas une créoliste et j’ai réalisé que beaucoup d’entre nous ne le sont pas en fait. Nous avons l’habitude d’échanger quelques mots en créole mais construire un discours est une autre paire de manches. Aujourd’hui, nous avons dépassé la question de la reconnaissance du créole en tant que langue, maintenant nous devons nous l’approprier. C’est intéressant que tu évoques le créole Guadeloupéen, je crois qu’il se cherche encore…Entre celui que parlait ma grand-mère et celui des nouvelles générations. Beaucoup s’arcboutent sur un créole académique, les puristes. Je n’y suis pas du tout opposée, mais je crois à l’évolution d’une langue, avec l’introduction de nouveaux mots qui racontent aussi en quelque sorte notre histoire.

Ce sont tous ces éléments qui pourront enrichir notre langue, pour en faire une langue à part et qui compte comme toutes les autres, avec des typologies de langages, du créole littéraire au créole familier. Plus nous aurons ce genre d’émissions sur nos écrans, et plus la question s’imposera dans le débat public. Bwa Galba répond à deux impératifs, parler de nous et dans notre langue. L’authenticité est au cœur de cette émission. Je prends tant de plaisir à présenter et préparer cette émission. Nous avons une équipe formidable et j’ai la chance d’avoir Dimitry, mon époux, à la réalisation de cette émission. Nous sommes tous animés pat le même désir: parler des sujets de société délicats mais avec bienveillance. Le créole nous permet de rentrer dans tous les foyers pour évoquer des sujets qui fâchent, qui interpellent mais avec une perspective positive. Il y a toujours un chemin, encore faut-il savoir qu’il existe et comment l’emprunter. Nous tentons d’apporter en tout cas des éléments de réponses.

RTM | Tendre le micro, raconter des histoires, mais également les produire. Tu as co-fondé le média Keragency. Comment est né ce projet ?

Barbara | Il est né à la fin du projet « ATV Guadeloupe ». Avant la fermeture de la chaîne, j’avais déjà ce désir de proposer du contenu différent de l’offre existante. Un format original avec une intention forte d’éclairer, de faire du bien aux gens… A liquidation d’ATV, je reviens vers mon ancien collègue, (directeur technique d’ATV), il est emballé. Quelques semaines après, notre première vidéo est publiée, et enregistre près de 100 000 vues, l’aventure commence… Nous ne nous attendions pas à un tel succès. Pour nous Keragency  existe pour nourrir (et non le reflet de nos territoires), nous voulons mettre en avant des personnalités inspirantes de nos territoires. Rapprocher aussi l’Afrique des Antilles sans être communautariste. Nous considérons simplement que nous avons besoin plus que les autres, au regard de notre Histoire, d’avoir des modèles qui nous montrent le champ des possibles et qui apportent aussi des réponses à nos maux. D’où la pluralité de nos contenus, de l’info news aux capsules qui peuvent parler du célibat.

RTM | En 2020, avec Vianney Sotès et Dimitri Zandronis, tu réalises le film « La Martinique, l’île aux aînés » qui aborde les difficultés et la précarité vécus par les aînés en Martinique. Qu’est-ce qui a motivé ce documentaire saisissant ?

Barbara | Il s’agit d’un film de commande de France Télévisions produit par Bérénice Médias Corp. Si l’idée n’est pas venue des tréfonds de mon âme, je me suis vite accaparée le sujet. Il m’a touché. Car nous sommes tous concernés par cette problématique. Chez nous, aux Antilles elle revêt un aspect particulier car nous avons, comme en Afrique, un attachement pour les anciens, un profond respect, une forme de dévotion à leur égard. Ces valeurs tombent en désuétude. Elles sont malmenées par les défis modernes  auxquels nous sommes confrontés. Comme le dit l’un des personnages du film, c’est difficile de conjuguer vie de famille, travail et s’occuper aussi de sa maman malade…Nos sociétés ont des choix à faire ou doivent peut-être (re) trouver l’idée du bonheur et de l’épanouissement. Cette question du vieillissement nous pend au nez et nous devons la regarder en face pour trouver des solutions.

RTM | Que dirais-tu à ces jeunes qui pensent que l’avenir est plus lumineux dans de lointaines contrées ?

Barbara | C’est vrai que certaines villes ont mis en place des programmes de développement, aménagement urbain etc qui permettent un meilleur épanouissement pour l’homme. Au niveau culturel, les pays  ont des apports différents. Il y a des Mondes dans le Monde, c’est à nous de choisir. Mais  je crois que c’est à nous de construire la vie que l’on désire, quelque soit le lieu. L’avenir est plus lumineux  là où tu sèmes des graines.

RTM | Que dirais-tu à la Barbara d’il y a 10 ans ?

Barbara |Aie confiance en toi.

RTM | Quelles sont les femmes qui t’ont inspiré en grandissant ?

Barbara | Il y en a un tas… connues et davantage d’anonymes. Ce qui me nourrit ce sont les expériences de vie…Mais je citerai tout de même quelques unes comme Euzhan Palcy pour son militantisme, Audrey Pulvar pour la finesse de son esprit et puis ma mère pour son courage.

RTM | Quels sont les rêves que tu souhaites réaliser ?

Barbara | Nous parlerons de leur concrétisation, dans quelques années lol

RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Barbara une Reine Des Temps Modernes ?

Barbara | Mon envie féroce d’accomplir la raison pour laquelle je suis là… Le courage d’Etre, tout simplement.

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