Vous savez notre amour tout particulier pour les illustratrices sur RTM. Alors c’est non sans joie, que nous accueillons cette semaine la talentueuse Hina Hundt, que vous retrouverez sous le pseudonyme de La Cerise électrique sur Instagram. Notre QUEENSPIRATION de la semaine, nous parle de son parcours, ses débuts, et sa vision des corps féminins sous ses coups de crayons.
RTM | Bonjour Hina, comment te décrirais-tu en une phrase ?
Hina | Bonjour Wendie. Je me décris comme une femme libre.
RTM | Tu es illustratrice. Tu es basée à Paris et tu as étudié l’Art Graphique et la communication visuelle à l’Ecole de Condé. À quelle période de ta vie se fait ta rencontre avec l’illustration ?
Hina | J’ai commencé cette école sans savoir dessiner, mais j’étais déterminée à devenir Graphiste (un métier qui s’articule autour de la communication visuelle). Donc ma première
rencontre avec l’illustration s’est naturellement faite pendant ces années d’études. Cependant celle qui a créé un réel déclic en moi, s’est faite 4 ans plus tard, un été à Deauville quand j’ai
découvert le blog de Margaux Motin.
RTM | Peux-tu revenir sur ton parcours ?
Hina | Après un BTS Action Commerciale (aujourd’hui MUC), j’ai commencé l’école Condé à Toulouse avec la spécialité Design Graphique. Autant dire que je reprenais tout à zéro avec ce
changement de filière. Puis un seul challenge ne suffisant pas, j’avais volontairement décidé de « m’exiler » de la région parisienne où vivaient mes proches, pour m’obliger à sortir de ma zone de confort. Au bout de 2 semaines, je voulais tout plaquer et rentrer à Paris (lol) ! Clairement j’ai tenu bon grâce à la patience et au soutien de mes proches et du corps enseignant.
RTM | Avais-tu conscience que tu pourrais en faire ton métier ?
Hina | En tant que Graphiste, oui ! C’était même non négociable pour moi. Je n’avais pas lutté pendant toutes ces années d’études, pour finalement faire autre chose. En tant qu’Illustratrice en revanche, c’était une autre histoire. Après l’obtention de mon diplôme, je n’avais même pas envisagé une seule seconde ce métier, tellement je n’avais pas confiance en moi.
Je n’avais pas ce profil d’Artiste / Illustratrice.teur qui dessine quasiment depuis le berceau. Il m’a fallu beaucoup de temps, de bienveillance et d’audace pour envisager l’idée même de
dessiner, et de présenter mes illustrations au monde tout en y pensant sérieusement.
RTM | De quoi rêvait la petite Hina ?
Hina | D’un monde paisible et léger. J’aimais passer du temps à écouter les histoires des gens plus âgés que moi. Tenter tant bien que mal de comprendre qui ils/elles étaient, d’où ils/elles venaient et ce qui se cachait derrière les apparences. Et comme la plupart des enfants, j’avais une imagination débordante. Alors je racontais tout un tas d’histoires pour divertir ou réconforter les gens.
RTM | Comment t’es venu ton pseudonyme « La cerise électrique » sous lequel on te retrouve sur Instagram ?
Hina | D’une association de symboles et d’identité si on peut dire. Je raffole des cerises ! Que ce soit leur goût, leur forme, leurs bienfaits ou encore leur symbolique autour de la sensualité. Il y aurait tant à dire sur ce petit fruit rouge profond, aussi doux qu’impertinent. Et je suis une vraie fausse calme. J’aime les choses paisibles et sereines ; Mais sous mes airs d’eau qui dort, je suis une pile électrique.
Pendant un été, alors que je m’empiffrais littéralement de cerises, tout en réfléchissant au titre de mon premier blog, une ampoule s’est allumée au-dessus de ma tête et « La Cerise
Électrique » a vu le jour (lol). À l’époque, cela me semblait aussi décalé, qu’en parfaite
adéquation avec ma personnalité et ce que je voulais partager. Au fil du temps, je m’y suis attachée pour les mêmes symboliques de sensualité et de rondeurs de la cerise, et celle
de la mise en lumière de certains sujets, pour l’électricité.
RTM | Sur ton profil Instagram, on retrouve essentiellement des illustrations de femmes, de corps de femmes. Qu’est-ce que le corps des femmes t’inspire ? Qu’est-ce que tu souhaites raconter à travers tes illustrations ?
Hina | Comme disait Frida Khallo, « Je suis le sujet que je connais le mieux, le sujet que je veux mieux connaître ». Ce dont témoignent mes illustrations sont les expériences de la
féminité à travers la mienne et face aux miroirs du monde. En tant que femme, le corps féminin est mon étendard, mon sujet et ma muse. Il est à la fois le témoin intime de mes
réflexions et expériences, que le reflet renvoyé par le monde dans lequel j’évolue.
J’aime partir du principe que nous (sans distinction de genre) sommes tous.tes les pièces d’un même puzzle. Ainsi à travers mes illustrations, je veux exposer les complexes, stigmatisations et discriminations dont le corps et le sexe féminin sont souvent la proie, mais aussi l’incroyable résilience dont ils font inlassablement preuve.
RTM | En parlant du corps des femmes, et par extension de leurs intimités, tu as collaboré sur la couverture d’un ouvrage de Lyvia Cairo. On retrouve également certaines de tes illustrations sur la page instagram Afrosexology. L’intimité des femmes doit-il être raconté ?
Hina | Oui. Pour moi cela participe à mettre de la lumière sur ce qui est supposément considéré comme interdit ou honteux. Depuis le début de cette année, je travaille également en étroite collaboration avec Emjoy (une application qui aide les femmes (mais pas que) à s’approprier ou se réapproprier leur sexualité, via plusieurs thématiques et sessions audio guidées).
Pour moi, l’émancipation des femmes passe aussi par le fait de jouir pleinement de ses libertés originelles. Liberté de choisir, de disposer, de consentir, de décider ce qu’on veut pour son
corps dans son entièreté. L’intimité des femmes, quand celles-ci ne sont plus propriétaires de leurs propres récits, est souvent rabaissée et insultée, jusqu’à ne même pas avoir le droit
d’exister.
Reprendre la main sur ses intimités, c’est s’autoriser à les assumer, apprendre sur soi et apprendre à vivre avec soi-même.
Il ne s’agit pas seulement d’histoires érotiques pour gentiment échauffer les esprits. Il s’agit de rétablir la bienveillance envers soi-même et par ricochet son entourage. De permettre une meilleure connaissance ET conscience de soi, de libérer les mots et les maux sur des expériences parfois traumatisantes, de définir et exprimer ses besoins et ses limites.
En bref, se réapproprier son récit intime pour sortir du schéma de la honte à tout va et permettre à d’autres d’en faire autant.
RTM | En Mars 2020, tu as proposé une exposition solo qui s’intitule « Who are you becoming ? ». Quelle est l’histoire de cette exposition ?
Hina | Exactement. « Who are you becoming ? » est une exposition qui interroge directement chacun.e, sur notre rapport à nous-même et aux complexes qu’on traine comme des étiquettes
irritantes depuis des années. Le fond de la question est surtout le poids de ces stigmates sur notre vie aujourd’hui et l’héritage émotionnel que nous transmettons consciemment ou non, à
notre entourage et aux générations qui nous suivent.
RTM | J’ai envie de te poser cette même question, quelle femme Hina Hundt est-elle entrain de devenir ?
Hina | Une version chaque jour plus libre d’elle-même, du moins j’y travaille ardemment. La liberté à laquelle j’aspire, est celle de l’esprit. Celle-là même qui oblige à se regarder en face sans tricher, et tenir compte à part égale, de ses vallées de lumières et de ses fossés obscurs.
Être pleinement soi, pour offrir le meilleur de soi au monde. La notion de liberté est inhérente à mes valeurs.
RTM | Si tu devais choisir 3 mots pour décrire ton travail ?
Hina | Bienveillance, Résilience, Émancipation.
RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes illustratrices qui t’inspirent ?
- Margaux Motin : Pour son ton décomplexé et les multiples postures de ses personnages. C’est elle aussi qui m’a donnée envie de commencer l’illustration ;
- Malika Favre : Pour ses lignes harmonieuses et ses
compositions que je trouve incroyablement percutantes. Le
tout sur une palette de couleurs vibrantes, qui donne des
rendus très élégants ; - Araki Koman : Pour son style de vie et son état d’esprit tout en
simplicité, qui je trouve donne beaucoup de force et
d’authenticité à ses illustrations.
Bien sûr la liste est réellement non exhaustive. Elles sont nombreuses à faire un travail très inspirant et de grande qualité.
RTM | Quels sont les projets à venir sur lesquels nous pourront te retrouver ?
Hina | Vous pouvez retrouver mes illustrations sur l’application Emjoy dont je vous parlais plus tôt, ainsi que dans le dernier livre de Laury Thilleman « 365 Jours au Top ! ». Livre dans lequel j’ai eu l’opportunité d’illustrer la rubrique « Tonic ».
Vous me retrouverez également dans d’autres projets prévus pour ce dernier trimestre 2020, mais qui doivent encore profiter de l’ombre ^^.
Enfin, je travaille également sur l’ouverture de ma boutique en ligne, dans laquelle je proposerai des éditions limitées de mes illustrations.
RTM | Que dirais-tu à une femme noire qui souhaite devenir illustratrice et qui se laisse ronger par le doute ?
Hina | Je lui dirais d’essayer, une illustration à la fois 🙂
RTM | Et enfin qu’est-ce qui fait de Hina Hundt une Reine Des Temps Modernes ?
Hina | J’espère le sentiment de bienveillance, d’appartenance à ce monde et l’audace d’oser vivre sa vérité, que peuvent susciter mes illustrations.