Christelle Kedi (Consultante beauté afro) – “La beauté dite afro dans les médias et Internet est malheureusement encore très afro-américaine”

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Portrait Christelle Kedi consultante de beauté afro

RTM | Bonjour pouvez-vous vous vous présenter pour nos lectrices et lecteurs ?

Christelle | Je m’appelle Christelle Kedi, née à Paris il y a quelques temps déjà (lol), de parents afro-descendants originaires principalement d’Afrique centrale. J’ai eu une vie de famille satisfaisante que je tiens à protéger. Ayant grandi en Île de France où j’ai passé une enfance sans Internet et largement matraquée par le modèle américain, je pourrai décrire mes influences comme littéraire, musicale et philosophique.

À la majorité, j’ai décidé de réaliser mes rêves: l’un d’eux était de devenir artiste-maquilleuse professionnelle. Formée, il y a 14 ans à Londres où j’ai été domiciliée pendant 15 années, j’avais choisi la capitale britannique pour accomplir mon dessein de pouvoir communiquer dans la langue des personnes que j’admirais étant plus jeune. J’y ai rapidement créé ma structure ce qui me permit de développer mon portfolio, une expertise pour l’Afrique et une approche Sud-Nord des rapports esthétiques.

Aujourd’hui, j’analyse l’industrie en considérant les critères africains du “Beau” comme point de départ. Je suis également styliste de photographie titulaire d’un Master en imagerie; diplômée en gestion des entreprises de la beauté avec une mention spéciale pour les soins anti-âge. Finalement, j’écris des essais.

Première de couverture de l’essai “Beautifying the body in ancient Africa and today” de Christelle Kedi

RTM | Vous êtes consultante en beauté afro, essayiste mode et bien-être, et activiste culturelle. Vous partagez votre expertise sur la beauté afro à travers différentes plateformes. Qu’est-ce qui vous a motivé à partager votre savoir-faire ainsi que vos expériences ?

Christelle | L’avènement des premières générations totalement instruites avec la technologie internet a considérablement modifié les actes de communication à la fois entre les personnes physiques et morales. De nos jours, une identité virtuelle est obligatoire pour toute personne sérieuse dans le monde des affaires. Le rapport à la notion de service dans l’industrie du Beau a été totalement transformé en démocratisant le partage d’astuces propagées par des consommateurs rarement professionnels dans ces domaines-la; et; le retour immédiat du consommateur après l’appréciation d’un service dans l’industrie du Beau.

Cette immédiateté nous oblige, nous, professionnels du Beau, à intervenir afin de limiter les dégâts causés sur l’image de nos métiers. Tantôt nargués par une majorité d’influenceurs s’autoproclamant experts; tantôt soumis à la dictature de l’avis spontané et anonyme (qui pourrait donc émaner d’un concurrent !), notre silence nous dessert. Pour trouver un équilibre, j’ai décidé de réagir à la fin de cette folle décennie dédiée à l’amateurisme spectaculaire! Ma motivation est d’informer que des pros existent et que leurs activités ne leur laissent pas le temps de faire des tutoriels. Nous sommes trop occupés dans le monde réel pour divertir dans le virtuel mais nous sommes là!

RTM | Qu’est ce qu’être selon vous une #Bantufashionista et #Afrofashionista en 2019 ?

Christelle | #bantufashionista c’est se réapproprier 65% de la population africaine qui est de culture ou d’ascendance Bantoue. C’est également populariser une imagerie de l’Afrique centrale comme socle de la culture Bantoue. C’est instruire le monde : les bantous d’Afrique centrale ne se résument pas qu’à des sapeurs, Feman (escrocs camerounais), à des footballeurs aux scandales fracassants ou à des chanteurs de soukouss tou(te)s toujours plus décapés! La #bantufashionista est la femme de 20 à 100 ans qui se reconnaît dans une esthétique Bantoue qu’elle porte en étendard. L’#afrofashionista est l’afro-descendante qui comme la #bantufashionista assume son africanite… que celle-ci soit citoyenne ou généalogique !

RTM | Vous êtes également auteure, votre dernier livre Afropolitanism et la blogosphère noire traite de blogueurs afros. Que pensez-vous de la représentation de la beauté afro dans les médias et sur les réseaux sociaux ?

Christelle | La beauté dite afro dans les médias et Internet est malheureusement encore très afro-américaine chez nous autres francophones… c’est pour ça aussi que je m’intéresse aux autres sphères linguistiques noires qui ont su s’émanciper de la matrice de l’oncle Tom. Je suis lasse que les rôles-modèles pour les afro-francais soient toujours Ophrah, Michelle ou Jay Z…. à quand des Delgrès, Césaire, Dangote ou des Sankara?

RTM | En tant que femme d’affaires aux multiples facettes,  quelles sont selon vous les 3 qualités à avoir pour se lancer dans l’industrie du cosmétique et de la beauté afro ?

Christelle | Les trois qualités : l’humilité, la patience, la persévérance.

RTM | Cela fait maintenant plusieurs années que vous êtes #Afrofashionista, quels changements avez-vous observé depuis que vous vous êtes lancée ? Il y a t-il un plus grand engouement pour la beauté afro ?

Christelle | Ça ne fait pas très longtemps que j’utilise Internet comme outil de communication de masse…j’ai abandonné le blog en 2008 suite à des plagias de mes écrits en français sans me citer. Il n’y a pas un plus grand engouement pour la beauté noire, il y a juste une visibilité virtuelle, des habitudes de consommation des femmes noires. Pour nous professionnels du Beau, on a toujours vu autant de femmes désireuses de vouloir se coiffer les weekends, toujours autant de consultations pour le maquillage des mariages, toujours autant d’épilations réalisées par heure en France ou ailleurs. Internet est juste un miroir grossissant qui peut faire croire aux néophytes que c’est seulement depuis qu’Instagram et Youtube existent, que les femmes s’intéressent plus à la beauté. Les multinationales du Beau sont centenaires quand même !

RTM | Quelles sont les femmes qui vous inspirent et qui à leur manière vous ont permis d’être la femme que vous êtes aujourd’hui ?

Christelle | Elles sont nombreuses : Magdalene Odundo, Ken Bugul, Erica Freemantle, Wangui sa Goro, Céline Kula-Kim, Nawal El Saadawi, Winnie Mandela, Solitude…je vais m’arrêter là… et pour les quelques américaines Marimba Ani et Queen Afua…

RTM | Avez-vous une routine self-care ? Si oui laquelle ?

Christelle | Le masque à l’argile rouge ou jaune et mon démaquillage quotidien et religieusement réalisé avec de l’huile de coco.

Christelle Kedi lors de la conférence “Le vieillissement cutané de la peau et sa prévention”

RTM | Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Christelle | Des publications et des conférences sont prévues pour les mois à venir. Ma chaîne Youtube qui a débuté en avril 2019 est un condensé de conseils pratiques pour les oubliées du Beau: les femmes au delà de 35 ans. Celles qui n’ont pas le temps de snapchater, d’Instagrammer… celles que l’ont citent uniquement pour les remercier de leurs carrières sans jamais plus les regarder physiquement. Malheureusement, les femmes jeunes aussi participent amplement à cette invisibilité de leurs aînées.

RTM | Qu’est-ce qui fait de vous Christelle une Reine Des Temps Modernes ?

Christelle | Vous le dites bien…’reine des temps modernes’  car je ne suis pas née dans l’aristocratie africaine lol. Mon royaume c’est la beauté ancestrale retransmise et readaptee à 2019..je crois que ce serait ce qui définirait le mieux ma participation à cet édifice ‘de reine des temps modernes’.

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