Audrey Warrington, une Badassmaman pas comme les autres

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Crédit : Estelle PRUDENT (@estelleprudent)

Audrey Warrington est une jeune Femme, noire, maman et militante afroféministe. Toutes ces casquettes, elles les embrassent à bras le corps, sans faux semblants et avec flamboyance. Elle ne souhaite pas plaire, faire plaisir, ou s’accommoder. Non, elle souhaite simplement être sans avoir à se justifier. Notre QUEENSPIRATION du jour n’est pas simplement Reine, elle également Badass… Une Badass maman bien dans son temps, bien décidée à bousculer son époque.

 

Crédit : Iness Perrot (@chromatics)

 

RTM | Bonjour Audrey, avant de commencer peux-tu te présenter à nos lectrices/lecteurs ? 

Audrey | Audrey Warrington, je vis en banlieue parisienne. Je suis de formation juridique, j’ai travaillé dans ce domaine depuis l’obtention de mon diplôme fin 2006 et j’ai jusque lors exercé mon activité au sein de cabinets d’avocats parisiens de structures et tailles différentes.

 

“Il existe beaucoup de blogs et quand j’ai eu l’idée d’en créer un à moi, je me suis demandée ce qu’allait être « ma valeur ajoutée ». La valeur ajoutée, c’est MOI ! “

 

RTM | Sur ton blog « Badassmaman », on peut y lire que tu as travaillé 10 dans le juridique. Quelles ont été tes motivations de reconversion ?

Audrey | Cela fait plusieurs années que je souhaitais me reconvertir, mais ce n’était pas le bon moment. Je savais que je voulais quitter ce domaine, sans pour autant avoir un projet précis… donc j’y suis restée.

C’est donc après une longue période d’arrêt de travail l’année dernière que mon projet de blog s’est concrétisé, ainsi que ma volonté de développer une nouvelle activité professionnelle en m’appuyant sur mon expérience, qui est un avantage dans tout ce que j’entreprends aujourd’hui.

Cette période d’arrêt de travail m’a permis de me recentrer sur moi et réaliser que mes acquis pouvaient être un tremplin pour tout projet que je pouvais envisager.

Cette expérience professionnelle me permet aujourd’hui de m’affirmer, de transmettre un savoir et Marie de NKALIWORKS a été la première à me faire confiance en me laissant intervenir lors d’un workshop qu’elle organisait et c’est à cette occasion que j’ai rencontré Stella (RDVSEXCARE), et de témoigner par la voix de mon blog.

 

 

RTM | Peux-tu nous présenter ton blog « Badassmaman.com » et qu’est-ce qu’une Badass Maman ?

Audrey | Mon blog BadAssMaman est né en aout 2017, c’est un peu comme mon troisième enfant. Ce projet de blog, je le fantasmais depuis longtemps avec beaucoup d’appréhension. Il existe beaucoup de blogs et quand j’ai eu l’idée d’en créer un à moi, je me suis demandée ce qu’allait être « ma valeur ajoutée ».

La valeur ajoutée, c’est MOI !

BadAssMaman se veut être un blog innovant tant il aborde des problématiques tels que le racisme, le sexisme, mon engagement féministe, la santé mentale, l’éducation…

BadAssMaman se veut être un blog décomplexé qui n’a pas peur des mots et de s’exposer !

Je voulais m’emparer de sujets sociétaux comme la violence masculine, la violence conjugale, la santé mentale parce que ce sont des sujets peu abordés ou toujours sous le prisme du sensationnel à travers la presse alors que ce sont des réalités quotidiennes pour certaines et ne pas en parler c’est invisibiliser ces problématiques !

Par l’intermédiaire de mon blog BadAssMaman, je veux montrer que l’on peut être une jeune Femme, noire, maman, militante afroféministe et que toutes ces casquettes peuvent être portées par une seule et même personne !

Une BadAssMaman c’est une Femme qui assume pleinement et entièrement toute son essence de Femme !

 

“J’aurais aimé qu’on me dise tout simplement : « fais de ton mieux » … cela m’aurait permis de relativiser certains échecs et mieux apprécier certaines réussites !”

 

RTM | Sur Badassmaman, tu parles de parentalité, de bienveillance éducative et d’éducation positive. Des pratiques et outils que tu appliques toi même dans l’éducation de tes enfants. Qu’est-ce qui t’a séduit dans ces formes d’éducation ?

Audrey | J’ai un fils de 13 ans comme tu as pu le lire, et je rencontrais des difficultés avec lui. J’ai été élevée de manière plus « traditionnelle » : l’enfant doit obéir à ses parents et à toutes autres personnes adultes sans discuter.

A la naissance de ma fille en 2014, ce n’est pas un modèle que j’ai souhaité reproduire et j’ai commencé à lire tout contenu que je trouvais sur ce modèle d’éducation qui a pris naissance aux USA.  Le concept arrive aujourd’hui doucement en France.

Je lisais également fidèlement le blog de BestofD, maman noire qui en parlait sans fard et nous savons que dans nos communautés l’éducation est souvent pratiquée de manière très dure et unilatérale…

Je suis convaincue que bien d’autres familles pratiquent ce modèle sans l’avoir labelisé et théorisé.

Par ailleurs, l’éducation positive ou bienveillante est beaucoup critiquée même par certains jeunes parents qui pensent que c’est la règle de l’enfant roi !

Au contraire, dans ce modèle éducatif l’accent est fait sur la communication et tous les membres de la famille, y compris les enfants participent à leur éducation en y contribuant activement et non plus passivement. Chacun.e peut apprendre de l’autre !

RTM | En tant que jeune maman, quels conseils aurais-tu aimer recevoir il y a quelques années ?

Audrey | J’aurais aimé qu’on ne m’érige pas en sainte, parce que j’étais devenue mère. J’aurais aimé qu’on me dise qu’avant d’être une mère, je suis et resterais à jamais une Femme et que c’est en tant que Femme que je prends les meilleures décisions dans ma vie de mère.

J’aurais aimé qu’on me dise tout simplement : « fais de ton mieux » … cela m’aurait permis de relativiser certains échecs et mieux apprécier certaines réussites !

 

 

RTM | Comment l’éducation positive t’a-t-elle permis d’évoluer en tant que mère et en tant que femme ?

Audrey | Cela m’a permis d’être plus positive, moins directive avec ma fille, plus souple et plus à l’aise dans mon rôle de Maman vis-à-vis d’elle surtout. Je l’écoute beaucoup, je prends en compte son ressenti … j’essaie de lui donner des repères sans la contraindre.

D’ailleurs, ce matin, je l’ai autorisée à aller à l’école avec un serre-tête avec une immense fleur (prévue pour moi à l’origine pour aller à un festival) et elle était tellement contente et du coup moi aussi de lui avoir permis cette petite fantaisie.

Avec mon fils cela prend plus de temps, il est adolescent, c’est plus compliqué à mettre en place.

RTM | Les sujets liés aux violences conjugales et à la toxicité masculine sont également très présents sur ton blog. Pourquoi est-ce important selon toi que les femmes prennent la parole, libèrent la parole ?

Audrey | Oui, mes préoccupations féministes sont au cœur de mon blog BadAssMaman parce que ma vie durant, j’ai eu à subir des comportements violents et sexistes sans que je puisse me défendre, ni connaitre les moyens de m’en extraire.

Il est important que les Femmes libèrent la parole pour qu’une réelle sororité puisse se mettre en place ENTRE TOUTES LES FEMMES et en TOUTE HONNETE en intégrant les problématiques de races, de classes, de religion qui font que chacune possède sa propre expérience.

Les violences sexuelles, le harcèlement, les violences conjugales sont exercées dans tous les milieux professionnels, au sein de tous les couples et ce n’est que lorsqu’il se produit un drame on se dit « encore une » !

« Encore une », certes, mais que faisons-nous concrètement pour lutter contre ces violences, ces états de faits, ces faits divers qui s’accumulent, ces plaintes classées sans suite sans que les Femmes ne soient reconnues comme étant les premières victimes de cette société sexiste et capitaliste !

La violence à l’égard des Femmes est banalisée … elle commence dès le plus jeune âge dans les cours de récréation et plus les enfants grandissent plus elle s’aggrave et se généralise.

Les mains aux fesses, à la poitrine sont des gestes tellement banalisés envers les jeunes filles et pourtant il y en a eu tellement d’autres avant (soulever les jupes … les bisous forcés …)

Je pense que parler, diffuser, éduquer différemment nos enfants contribuera à changer, lentement, les mœurs.

 

“Stella et moi, nous nous sommes aperçues qu’il y avait beaucoup de souffrance, de questionnements, de silences qui ont besoin de trouver un cadre safe. Nous avons la volonté de créer un lieu sorore où il fait bon de déposer les armes.”

 

RTM | « They asked me, why couldn’t I simply leave. I told them, because no one gets a map to find their way out of a hurricane. » Quelles sont les outils accessibles disponibles pour les femmes qui se trouveraient dans ces situations de violences et qui se sentiraient désemparées ?

Audrey | Il y a des outils, mais ils sont malheureusement très peu utilisés par les Femmes. Il existe des associations d’aides aux victimes, certains professionnels de santé qui peuvent être, quand iels sont efficaces, de bons appuis, les organes de l’état en la personne de la Police et la Justice. Les services de protection d’aides aux victimes existent, mais fautes de moyens et de disponibilités ne peuvent pas toujours exercer leur fonction protectrice.

On constate que les Femmes ne parlent pas ou si elles le font c’est souvent trop tard, ou dans la crainte. C’est pourquoi, certaines avec la peur de représailles se retractent ou ne dénoncent jamais leur.s agresseurs.

Il est important de rappeler, que les femmes peuvent être agressées plusieurs fois au cours de leur vie (au sein de leur vie privée, au travail, dans l’espace public) !

Une chose que je souhaite rajouter est que les démarches pour obtenir le statut de victime est long et fastidieux. L’incompétence relevée sur le traitement des plaintes au sein des commissariats concernant les violences masculines est souvent notée : plaintes non reçues, agents de police condescendants, les victimes sont découragées dans leurs démarches …

De plus, ces démarches prennent du temps et coûtent de l’argent : porter plainte contre son agresseur, coûte aussi bien sur le plan financier (frais de justice, avocat), et les Femmes ont souvent des situations financières plus précaires.

Moralement, ce sont des situations qui pèsent et qui peuvent nécessiter, dans certains cas, une thérapie auprès d’un.e professionnel.le. De plus, quand les violences sont commises au sein de la vie privée, le poids de la famille et la culpabilisation ne favorisent pas à ce que la victime se confie.

 

 

RTM | Depuis le début de l’année 2018, tu as également lancé les Rendez-vous Sexcare avec ton binôme Stella Tiendrebeogo. Quel état des lieux fais-tu de la sexualité des femmes noires au vu des premiers ateliers que vous avez pu réaliser ?

Audrey |Nous avons constater qu’il y avait peu d’espaces existant pour réfléchir et parler de sexualité avec d’autres femmes, peu d’espaces pour rencontrer l’Autre réellement. Nous avons rencontré beaucoup de femmes qui avaient de fausses croyances.

Notre objectif est d’ouvrir un espace de parole pour les femmes afin qu’elles puissent vivre leur sexualité plus positivement, plus librement. Les Rendez-vous Sexcare ont pour objectif de rendre accessible et démocratiser le savoir autour de la sexualité (sortir le savoir des livres), de créer un espace de rencontre pour rompre l’isolement et créer du lien social.

Les RDVSEXCARE sont pensés comme une formation continue et un accompagnement permettant la construction contrairement aux événements “one shot” qui ne permettent pas un suivi. Ces ateliers sont créés par des femmes noires. Si la communication et les contenus sont pensés en fonction de leurs besoins, les ateliers restent ouverts à toutes les autres femmes à l’aise avec ce principe.

RTM | Tu as toi même une petite fille, comment comptes-tu ou penses-tu aborder le sujet de la sexualité avec elle ?

Audrey |  Sans détour. Elle a trois ans, mais je familiarise d’ores et déjà ma fille, en adaptant bien entendu mon vocabulaire, à son corps, aux limites, ce qui est permis, ce qui est interdit.

Je lui apprends à ne pas développer de complexe et je l’invite à s’exprimer. Je la valorise et lui montre que son corps lui appartient…

Que son père et moi, et toutes autres personnes nous nous devons de respecter SON intimité !

Qu’elle peut dire NON !

 

RTM | Si je te dis « Body positive », tu me réponds ?

Audrey | Express Yourself ! Be Yourself ! You are Valid !!!

RTM | As-tu eu une routine Self-Care ? Si oui, laquelle ?

Audrey | Ma routine self-care consiste à ce que chaque vendredi, je me prenne en photo en « petite tenue » pour me célébrer, célébrer mes défauts, mon corps imparfait, je déclare mes petits maux que j’ai traversés ou non … je m’exprime ! je me célèbre !

#fridayroutine

RTM | Quelles sont les femmes qui t’inspirent dans tes engagements ?

Audrey | Je suis extrêmement inspirée par Audre Lorde, d’ailleurs mon pseudo sur mon compte facebook est un hommage à elle.

Elle était américaine d’origine caribéenne, féministe, noire, lesbienne … je me sens proche d’elle sur beaucoup de points. Je suis également très inspirée par ses écrits.

De plus nous avons le même prénom …Audre(y) ce qui renforce mon attachement…

Il y a également, toutes les Femmes de mon quotidien et toutes celles qui m’inspirent par leurs actions, leur entreprenariat, leur aura, leur vulnérabilité, leur douceur …Je suis profondément touchée par les Femmes !

 

“Je suis divergente, plurielle et actuelle…”

 

RTM | Tes projets à venir et à ne surtout pas manquer cette année ?

Audrey | Développer et donner une réelle identité et une réelle empreinte à mon engagement féministe et afroféministe. Cette action se concrétise parfaitement par l’entremise de Stella avec qui je travaille main dans la main sur Les Rendez-Vous SexCare.

A ne pas manquer : Un nouveau groupe des RDVSEXCARE car la promotion qui a commencé en février 2018 est complète.

Nous avons une actu qui sera bientôt annoncée …pour le moment je ne peux rien dire 😊. Je te tiendrai informé si entre temps, l’info sort.

Développer plus d’actions dans l’éducation féministe pour les jeunes … car iels sont l’avenir…par le biais de mon activité d’animatrice d’ateliers traitant des problématiques féministes mais aussi en dispensant des ressources juridiques selon les besoins. D’ailleurs, courant mars dans le cadre de la Journée Internationale des Droits des Femmes, je suis intervenue auprès de collégiens et lycéens.

Puis, continuer à m’exprimer à travers mon blog.

RTM | Qu’est ce qui fait de Noalivia une Reine Des Temps Modernes ?

Audrey | Je suis une Reine des Temps Moderne parce que je suis divergente, plurielle et actuelle …

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