Johana Morvan, fondatrice du premier bar à boucle en Guadeloupe

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Cela fait à peine quelques jours que je suis rentrée de mon voyage en Guadeloupe. Un an et demi que je n’étais pas rentrée sur mon île aux belles eaux. Un voyage ressourçant mais surtout inspirant.

Il m’était impensable de passer ces deux semaines sans revenir avec le témoignage de quelques unes de ces Reines Des Temps Modernes qui essaiment le paysage entrepreneurial guadeloupéen. Pendant mon séjour, je suis donc partie à la rencontre de femmes, de femmes de caractères, de femmes entreprenantes, de femmes passionnées qui ont décidé de prendre leur destin en main et de donner une chance à leur rêve.

La première jeune femme que j’ai eu la chance de rencontrer s’appelle Johana Morvan. Si je devais la décrire en deux mots, je dirais que Johana c’est la ténacité et la douceur en une même femme. Accueillante, souriante, mais surtout à l’écoute, Johana Morvan sait d’où elle vient mais surtout où elle va.

Il y a 5 ans, cette jeune entrepreneuse qui s’apprêtait à faire carrière dans le secteur de la communication a tout quitté pour se lancer dans l’aventure Gossip Curl, le premier bar à boucle de Guadeloupe et des Antilles. Un concept novateur qui a désormais fait ses preuves et s’érige en référence dans l’univers capillaire antillais.

Véritable passionnée du cheveu naturel, co-fondatrice du 1er Karibbean Beauty Fest (salon dédié à la beauté, la mode et aux cheveux naturels), Johana Morvan a accepté de nous rencontrer et de répondre à nos questions.

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WZ – Bonjour Johana, j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours avant Gossip Curl. Rien ne te prédestinait à te lancer dans le domaine des capillaires ?

JM – C’est vrai. J’ai une formation en communication. J’ai eu l’occasion d’effectuer mes études entre Barbade et Paris. A la fin de mes études, je suis rentrée m’installer en Guadeloupe et j’ai travaillé pour des entreprises telles que Tropiques FM, Lakaza ou encore TRACE France. Mais j’ai toujours été intéressée par tout ce qui avait attrait aux capillaires.

WZ – « Entre la Barbade et Paris ». C’est intéressant. Pourquoi avoir décidé de partir à la Barbade plutôt qu’ailleurs ?

JM – Je suis caribéenne dans l’âme. J’aime découvrir différentes cultures et j’aime tout ce qui est afro-caribéen. Depuis mon plus jeune âge je suis une vraie passionnée de la Caraïbe. A l’époque j’écoutais de la calypso, personne ne comprenait ce qui me plaisait dans ce style musical.

Tout le monde partait à Paris, mais j’ai préféré Barbade. Je pense que j’ai fait le bon choix. En tout cas celui qui me correspondait le mieux.

WZ – Comment t’es donc venu l’idée du concept Gossip Curl ?

JM – Ma première idée n’était pas d’ouvrir un salon. Au départ, je voulais créer un blog qui me permettrait de donner des astuces et des conseils de coiffure.  J’avais des connaissances dans le domaine et je voulais les partager avec d’autres filles en Guadeloupe. J’ai donc commencé par donner des conseils et à parler de certains produits que je ramenais des Etats-Unis mais que j’utilisais pour mes cheveux. Et très vite, des jeunes femmes ont commencé à me demander des produits. Avec mon compagnon, nous avons donc pris la décision de lancer une micro entreprise afin de faire venir des produits des Etats-Unis.

A l’arrivée de la première commande, nous avons tout écoulé en un temps record. Pareil pour la seconde commande et ainsi de suite. Je me souviens qu’avec mon compagnon nous allions livrer les produits directement chez les clientes. Nous faisions du porte à porte.

J’ai commencé à faire cela alors que je travaillais encore pour l’entreprise TRACE TV. Sauf que très vite je me suis rendue compte que les deux activités n’étaient plus gérables en simultané. J’ai donc décidé d’arrêter mon activité chez TRACE et de donner une chance à mes projets en ouvrant un point de vente physique.

A l’ouverture du point de vente, nos clientes nous demandaient si nous proposions des services de coiffure. Ce n’était pas le cas au départ. Mais l’idée a fait son petit bout de chemin dans nos têtes. J’ai donc décidé de partir me former à Trinidad et à Atlanta sur les cheveux naturels.

A la fin de ma formation, en 2014, je suis rentrée en Guadeloupe et nous avons créé le bar à boucle Gossip Curl.

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WZ – Suite à tes voyages à l’étranger, quel constat faisais-tu de la situation en Guadeloupe par rapport aux cheveux naturels ? Il y avait-il un manque à combler ?

JM – Oui complètement. J’ai crée la micro-entreprise Gossip Curl en 2011. Il y a 5 ans. Et il y a 5 ans, il n’y avait absolument rien. Il y avait juste deux salons spécialisés pour les locks qui maitrisaient plus ou moins l’entretien des cheveux naturels libres mais ils ne maitrisaient pas toutes les techniques que l’on connait aujourd’hui.

De nos jours nous sommes beaucoup plus nombreux sur le marché, ce qui permet aux clientes d’avoir beaucoup plus de choix. Mais à l’époque il y avait un vrai manque à combler.

WZ – Quelle est ta/votre position face à l’engouement que l’on connaît actuellement pour les cheveux naturels ?

JM – Chez Gossip Curl, nous nous rendons compte qu’il y a une sorte de prise de conscience mais elle diffère chez chaque cliente. A mes yeux, il y a deux types de clientes. Celles qui retournent au naturel parce que c’est « tendance » et celles qui se posent de vraies questions, le rapport entre les cheveux et la santé, les cheveux et l’histoire, les cheveux et nos origines, et surtout, les cheveux et l’estime de soi.

Gossip Curl se positionne dans une démarche d’accompagnement, de pédagogie. Nous essayons d’apprendre à nos clientes à s’accepter et à s’aimer comme elles sont.

WZ – Les voyages que tu as effectués à l’étranger à l’occasion de tes formations notamment ne t’ont-ils pas donné envie de tenter ta chance ailleurs, hors de la Guadeloupe ?

JM – Non pas du tout, je n’aime pas les grands espaces. J’ai vécu à Paris et j’y étais très malheureuse par exemple. Je ne m’y retrouvais pas. Je n’arrivais pas à y trouver ma place.

WZ – Quels sont les avantages et inconvénients, selon toi, à être une jeune entrepreneuse guadeloupéenne ?

JM – L’avantage, c’est que l’on crée son propre emploi et surtout on en crée de nouveau. C’est d’ailleurs l’une de mes plus grandes fiertés, celle de pouvoir permettre à d’autres jeunes de pouvoir travailler dans un domaine qui leur plait.

Les inconvénients, eux, sont liés au système français. Notre système ne favorise pas les entrepreneurs. Il n’est pas mis en place pour que nous soyons des créateurs d’emplois et d’entreprise. Il nous pousse malheureusement à l’assistanat et ça je m’en suis rendue compte à partir du moment où je suis passée de l’autre côté.

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WZ – Comment se lance-t-on dans l’aventure de l’entrepreneuriat ? Comment se forme-t-on à devenir entrepreneuse ?

JM – L’entrepreneuriat, en ce qui me concerne, j’ai appris sur le terrain. J’ai appris au fur et à mesure en m’entourant des bonnes personnes. Mais ça n’a pas toujours été simple et je n’ai pas toujours fait les bons choix. C’était compliqué, au début, j’ai fait des erreurs, je n’ai pas forcément fait les choses comme il fallait car j’étais mal encadrée. Puis j’ai appris que dans la vie quand on ne sait pas faire, il faut savoir se faire aider par des personnes qui ont ces compétences que nous n’avons pas ou pas encore. Avec l’expérience, j’ai donc su m’entourer des bonnes personnes.

J’ai rencontré des personnes qui m’ont aidée à bien structurer mon entreprise et c’est aussi grâce à elles si nous en sommes là aujourd’hui. Je continue d’apprendre. L’entrepreneuriat, c’est accepter d’apprendre tous les jours.

WZ – Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées au cours de cette aventure ?

JM – Le plus dur a été le financement. J’ai la chance d’avoir reçu un prêt d’honneur grâce à la structure « Initiative Guadeloupe ». Mais ce n’est qu’un prêt et il a donc fallu le rembourser.

Gossip Curl, c’est en grande partie de l’autofinancement mais aussi du « tchokage » :). C’est à dire que je me suis lancée sans forcément avoir les fonds au départ. J’ai pris le risque de dépenser parfois de l’argent que je n’avais pas. L’objectif pour les prochains salons est d’avoir un démarrage plus tranquille, plus serein.

WZ – Comment vois-tu évoluer Gossip Curl dans les années qui viennent ?

JM – Depuis le départ, mon envie première est de franchiser le concept, de pouvoir en ouvrir un en Martinique et en Guyane. J’aimerais bien en ouvrir un second en Guadeloupe aussi.

C’est l’étape que l’on est censé franchir. Mais on y va étape par étape, sans aucune précipitation. Nous voulons déjà bien structurer ce que nous avons déjà mis en place avant de passer à l’étape supérieure afin que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles.

WZ – Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui souhaiteraient se lancer ?

JM – Ecrivez. Ecrivez vos projets. Mettez à plat vos idées afin de les rendre claires et surtout afin que vous ayez une véritable vision de ce que vous voulez faire et de la direction que vous souhaitez prendre.

C’est une des erreurs que j’ai faite. Je me suis beaucoup éparpillée. J’ai perdu du temps et de l’argent. Par exemple, avec un peu de recul la boutique n’était peut-être pas nécessaire. Il faut donc prendre le temps de s’asseoir, de se poser, afin de prendre le temps de visualiser son projet sur le court et le long terme. C’est important d’écrire sa vision.

Mon deuxième conseil, c’est de se faire accompagner. En Guadeloupe, nous avons la chance d’avoir énormément de pépinières pour les jeunes entreprises, beaucoup de structures d’aides et d’accompagnement (Guadeloupe Expansion, Initiative Guadeloupe…) mais malheureusement nous ne sommes pas au courant. Il y a un véritable problème de communication.

Mon dernier conseil est de savoir s’entourer. Certains investissements coûteux seront nécessaires: trouver un bon avocat, un bon comptable, un bon juriste… N’ayez pas peur de vous entourer des meilleurs. C’est important. C’est sûrement le plus important !

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7 Commentaires

    • Bonjour Nissa,

      Comme vous pourrez le constater en visitant notre blog que des dizaines de portraits sont disponibles sur la page :). Et au vu des profils divers et variés que nous réalisons, je suis sûr que vous y trouverez votre bonheur :). Nous sommes d’ailleurs preneur si vous avez des propositions de femmes de talents à découvrir !

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