Fière d’être féministe
Je me suis toujours décrite comme étant féministe et je n’ai jamais eu peur du mot. Pourtant, depuis quelques temps, je prends conscience que le terme fait peur, surtout aux hommes qui, certainement, confondent « féminisme » avec « matriarcat ».
Je ne m’excuserai pas d’être féministe, pas plus que je ne m’excuserai d’être une femme. Je suis devenue féministe par nécessité car, du fait de mon genre, je remarquais très tôt toutes les inégalités auxquelles j’avais droit, de manière totalement injuste. Le berceau des injustices se trouve dans le socle de l’individu : la famille. Les différences de taille qu’ont exercé mes parents entre « l’éducation » des garçons et celle des filles était criantes. Ainsi, tandis que nous excellons dans les études avec sérieux, nous avions le fardeau d’exceller aussi à la maison dans les tâches domestiques, pendant que mes frères pouvaient faire l’économie de l’excellence dans l’un et dans l’autre. Pire, en dépit de toutes leurs bêtises, ils étaient récompensés par plus de faveurs, comme le fait de pouvoir s’inscrire à des activités extra-scolaires de leur choix, ou de pouvoir avoir des vélos et autre jouet. Quant à nous, si nous voulions quelque chose, nous apprenions à économiser les sous qu’on gagnait après les courses pour pouvoir nous offrir l’objet de nos convoitises. Cela peut sembler banal mais dans l’esprit d’un enfant, être témoin d’autant d’injustice sans justification peut creuser un trou énorme dans la confiance en soi qu’il cherche alors à construire.
C’est face à ce genre de comportements que mon instinct féministe s’est réveillé. Pas parce que je voulais écraser l’autre – le propre du féminisme c’est bien d’obtenir les mêmes droits que les hommes et non d’en être bafouée parce qu’on est née femme – mais pour être son égal. Le féminisme me semble une nécessité à laquelle nous devrions tou.te.s adhérer. En effet, les exemples ne manquent pas pour illustrer qu’une femme a malheureusement plus de chance de :
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se retrouver dans des situations de violences (conjugales, psychologiques, précarité, sexuelles … )
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d’être discriminée au travail, tant du point de vue de son salaire que de l’embauche. Si la parité a été votée, on demandera plus facilement à une femme, surtout si elle a entre 25 et 35 ans, si elle est mariée et avec des enfants. Si elle répond par la négative, la perspective qu’elle puisse en avoir dans les années à venir fait tilt dans l’esprit des recruteurs qui craignent qu’elle s’absente pour congé maternité. Ce qui sera moins « problématique » pour un homme
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occuper un emploi sous-payé, un emploi à temps partiel et multiplier les CDD ce qui ne lui permet pas de s’inscrire dans une sécurité matérielle
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d’être harcelée, que ce soit dans la rue, au travail, dans sa famille, par des « amis », dans une brasserie, dans les transports : bref, le monde devient une jungle dont le danger est présent à chaque carrefour. C’est ô combien usant d’être constamment sur la défensive pour sauver sa peau
Cette liste est ô combien loin d’être exhaustive. Il n’y aura pas assez de pages sur internet pour lister toutes les situations de violences auxquelles nous faisons face chaque jour et qui nuisent à notre bien-être, au développement de notre estime de soi. Ces situations existent car elles ont été légiférées par le patriarcat qui les a normalisées. Le mot « patriarcat » fait souvent peur à nos homologues masculins qui pensent qu’on essaie de leur retirer quelques droits ou de les asservir. Loin de là. Lutter contre le patriarcat c’est réaliser que l’on vit dans une société qui donne plus de droits aux hommes parce qu’ils sont nés hommes. Dans les quelques exemples cités plus haut, rares sont les hommes qui ont dû faire face à ce genre de situation uniquement en raison de leur genre. Vouloir parvenir à une égalité de droits et tout à fait normal, juste et équitable. Pour cela, il faut entamer une prise de conscience de ses privilèges en tant qu’homme et vouloir rétablir l’équilibre sur la balance. C’est parce que la petite histoire s’inscrivant dans la grande nous a montré de nombreux récits de femmes lésées dans leur être en raison de leur genre, que le féminisme se développe de plus en plus de nos jours. Il est temps que les erreurs d’hier nous aident à mieux construire notre présent. Nous pourrons espérer à un avenir meilleur qu’en respectant chacun des êtres de notre monde. Comment pouvons-nous espérer y parvenir quand nous bafouons la moitié de l’humanité, cette même moitié qui nous a mis au monde ?
Je suis fière d’être féministe et ce mot ne me fait pas peur. Je lutte pour moi, pour mes sœurs de sang, de cœur, de foi et d’humanité. Je lutte parce que j’ai envie que chaque être puisse vivre libre, et que chaque vie soit respectée. J’écris car je rêve, à l’aube de cette nouvelle année qui s’annonce, que les hommes et les femmes retrouvent l’harmonie que l’Histoire nous a volée, que nos modes éducatifs ont perverti. Je voudrais que lorsqu’une femme est violentée, silenciée, méprisée, humiliée, par principe de justice et par humanité, nous autres, hommes ET femmes, puissions nous révolter de la parjure.
Le féminisme n’est pas un combat des femmes contre les hommes. Le féminisme c’est le combat des femmes avec les hommes. C’est une lutte pour le respect, la dignité et l’égalité. Lorsque nous parviendrons à cette dernière, alors le mot n’aura plus de raison d’être puisqu’il aura gommé les frontières du « Machisme » et du « patriarcat ».