Si j’avais su il y a un an, que mon corps serait pris comme témoin de mon évolution spirituelle, je ne l’aurais pas cru. Il y a un an, je fus prise d’une soudaine envie, de tatouer une de mes valeurs, l’un de mes moteurs principaux sur mon véhicule humain. Je me fis tatouer l’image de l’Afrique et le mot « hemlè ». « hemlè » est le mot bassa (langue bantou du Cameroun) pour « résilience ». Résilience parce qu’à l’époque, c’était l’énergie que je ressentais et que je voulais véhiculer. J’étais prête à me relever, mon inconscient me poussait à tourner la page. Me relever de quoi ? De ma dépression.
Après plusieurs années, je pense que je peux le dire, l’écrire noir sur blanc, sans me cacher. Dépression. A l’époque évidemment, je ne m’en rendais pas compte. J’ai toujours eu à l’idée, cette caricature de la dépression, d’une personne qui a du mal à se lever le matin, à accomplir les tâches quotidiennes les plus basiques, à broyer du noir constamment. J’ai aussi en tête l’image d’une de mes tantes me demandant « dépré-quoi a fait quoi ? », histoire de dire que la dépression ne fait pas partie de nos coutumes, que c’est une histoire de pays développés.
Je sais maintenant que la dépression a plusieurs visages. C’est sûr, je me levais le matin, j’avais des activités qui me maintenaient occupée, un calendrier social assez chargé d’ailleurs. Je pense même que si je n’avais pas eu mon mari, mes fils et toutes ces obligations, peut-être n’aurais pas pris la peine de me lever le matin.
Ma dépression a été plus insidieuse. Je me suis laissé aller, physiquement, psychologiquement. A l’intérieur de moi, mon feu s’était éteint. Mon feu s’était éteint, parce que l’entreprise dans laquelle j’avais mis toute mon énergie, toutes mes forces, tout mon cœur et toute mon âme, avait coulé. Ce que je pensais être ma mission de vie à l’époque, c’était avéré être un échec. Je me retrouvais dans un pays que je considérais hostile, criblée de dettes, j’étais perdue. Si je n’avais pas réussi à accomplir ma mission de vie, quelle était donc ma valeur ? Je m’étais tellement identifié à mon activité, que lorsqu’elle est tombée, je me suis écroulée. J’ai laissé tomber. Je me suis laisser tomber. J’ai tourné le dos à toutes mes relations, amicales et connaissances, j’ai tourné le dos à mes proches, à ma famille. Je me suis renfermée, sous le couvert de m’occuper de mes enfants en bas âge. Et je me suis laissé ainsi vivre pendant plusieurs années, refoulant ces émotions de rejet, d’insuffisance, de mal être général. Ce mal être que n’identifiais pas à l’époque.
Puis un jour, un ange m’a été envoyé. Il était temps pour moi de me réveiller, je pense. Au moment où j’avais lâché prise, où je m’étais dit que ma mission de vie n’était pas celle que je pensais, que tout le monde avait eu raison, que j’aurais mieux fait de trouver un travail confortable qui correspondait à mon diplôme au lieu de m’entêter à suivre mon cœur, un ange m’est apparu, et le processus de guérison s’est mis en marche.
Un ange est apparu, qui m’a donné des outils de guérison. Elle m’a donné un endroit où je me suis refugiée, le moyen de me reconstruire physiquement et psychologiquement. Tout doucement, je me suis remise. J’ai recommencé à me regarder dans le miroir, et à aimer l’image qu’il me renvoyait. J’ai repris contact avec ma famille, et j’ai recommencé à tisser des liens amicaux, doucement, timidement, mais toujours en m’efforçant de ne pas donner complètement de moi-même, toujours en gardant mes distances. L’expérience de la popularité, j’y avais gouté et elle me faisait désormais peur. Cet ange a construit autour de moi un cocon dans lequel je me suis reconstruite, dans lequel je faisais de nouveau connaissance avec moi-même, avec le nouveau moi, sans mission de vie bien spécifique et heureuse de cet état. Cet état de bien-être latent a duré quelques petites années, puis de nouveau je me suis sentie comme…pas moi-même. Cet état n’a pas duré. Le même ange, à des kilomètres de moi a dû ressentir les remous qui m’agitaient et comme des années auparavant, m’a mis sur le chemin de mon âme, et de manière durable cette fois ci. J’ai compris que le refuge qu’elle m’avait offert était temporaire, et n’était pas destiné à cacher ma lumière. Elle m’a de nouveau donné d’autres outils, et je suis partie, sur la route de mon éveil spirituel.
Tout le long de cet éveil, j’ai beaucoup appris. Sur moi-même, sur mes croyances limitantes, sur ma féminité, mon rapport à l’argent et sur bien d’autres sujets. J’ai revu ma notion d’échec, je me suis pardonné mes erreurs, j’ai fait la paix avec mon corps, mon cœur. Je travaille toujours sur moi-même, je suis toujours sur le chemin de l’éveil à moi-même.
Une des plus grandes leçons que j’ai apprise sur ce chemin, c’est…Ubuntu.
Ubuntu, c’est ce concept philosophie bantou qui signifie « je suis, parce que nous sommes ». Cette philosophie humaniste et fraternelle, issue des croyances et de la spiritualité des peuples bantou d’Afrique Australe et du Sud, explique que nos individualités sont interconnectées, liées les unes aux autres, et que nous faisons tous partie de ce tout que constitue l’humanité.
En 2008, L’archevêque Sud-Africain Desmond Tutu explique que :
L’Ubuntu est l’essence de l’être humain. Ubuntu signifie que vous ne pouvez exister en tant qu’être humain en isolation. Ubuntu rappelle notre interdépendance. Vous ne pouvez pas être un humain rien que vous seul ; et quand l’on vous reconnaît la qualité d’Ubuntu, vous êtes reconnu et réputé pour votre générosité. Nous nous pensons beaucoup trop souvent juste comme des individus, séparés des uns des autres, alors que vous êtes connectés et ce que vous faites affecte le monde entier. Lorsque vous faites bien, cela rayonne et cela profite à toute l’ensemble de l’humanité.
Sur le chemin de mon éveil, j’ai rencontré mon ange, et toutes ces autres personnes qui ont personnifié cette philosophie. Sans le savoir, elles m’ont aidé à me relever, à relativiser, à comprendre. A comprendre que l’on n’est jamais seul. A ouvrir les yeux sur les mains tendues, à écouter les appels au secours. J’ai compris que quoi que ce soit que je traverse, je suis et je serai guidée, accompagnée soutenue. Physiquement, psychologiquement, spirituellement…humainement.
Je suis, parce que nous sommes.
J’ai également compris que parce que je fais partie de ce tout, de cette humanité. Et que si je voulais qu’elle change, si l’image qu’elle me renvoyait ne me plaisait pas, alors je devais changer en moi ce qui n’allait pas dans cette humanité. Je devais traduire et devenir le miroir, de ce que je voulais voir dans le monde.
Alors sur le chemin de mon éveil, j’ai acquis une nouvelle valeur, désormais gravée sur moi.
Ubuntu.
Sur le chemin de mon éveil, je travaille sur la foi en moi-même et en mon humanité. Je travaille sur mon ouverture aux autres, ma foi en leur humanité. Générosité, accueil, ouverture du cœur, solidarité et inclusion.
Je suis, parce que nous sommes.
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