Depuis dimanche, la toile est submergée de #moiaussi #metoo et autres #balancetonporc, #balancetatruie. Même si je ne suis pas surprise de la quantité de témoignages, il n’en demeure pas moins que je suis profondément attristée et bouleversée par la prévalence du phénomène. Ça m’a aussi obligée à me remémorer certains évènements que j’ai longtemps préféré occulter puisque trop jeune, naïve ou apeurée au moment des faits, je n’arrivais pas nécessairement à nommer ce qui s’était passé.
Moi aussi à 11 ans, alors que j’étais à la piscine avec ma famille et décidai de remonter chercher quelque chose dans notre chambre d’hôtel, un vieux monsieur m’a suivie. Il est rentré de force après moi et a insisté pour que je lui donne un câlin. Lorsque j’ai fini par céder, ses mains se sont promenées sur mon corps prépubère jusqu’à ce que je fasse une crise de tremblements et de larmes qui l’ont poussé à arrêter.
Moi aussi à 14 ans, j’aidais ma tante et une de ses amies dans le restaurant dont cette dernière était propriétaire. Plusieurs fois, je me suis fait pincé les fesses, effleuré la jambe, j’ai été l’objet de propositions indécentes et j’ai fini par verser une carafe d’eau sur la tête d’un tonton un peu trop insistant.
Moi aussi à 15 ans, un homme m’a suivie jusque dans les toilettes d’un fast-food et a exigé un baiser si je voulais qu’il me laisse sortir.
Moi aussi à 16 ans, les amis de mon oncle ont commencé à me lancer des regards concupiscents ponctués de : « tu as grandi dis-donc, est-ce que tu as un copain maintenant ? »
Moi aussi en boîte des hommes se sont frottés à moi sans me demander mon avis, moi aussi un ami m’a embrassée de force, moi aussi un de mes ex m’a mis la pression alors que je ne voulais pas, moi aussi on m’a suivie dans la rue, à l’épicerie, dans un centre commercial, moi aussi on m’a insultée et/ou menacée pour ne pas avoir répondu à des avances, des sifflements et autres étranges sollicitations…
J’ai lu des témoignages violents, touchants et puissants mais je ne peux m’empêcher de réaliser qu’encore une fois, ce sont les survivantEs qui doivent se dévoiler pour dénoncer leurs bourreaux. Comme si ce n’était pas déjà suffisant de vivre avec ces « souvenirs », on doit encore les évoquer, pour que celleux qui croient que la culture du viol est le croque-mitaine que les féministes invoquent lorsqu’elles sont en manque de sensations fortes tendent enfin l’oreille. C’est révoltant parce que dans les faits les agresseurs se la coulent douce pendant que leurs victimes culpabilisent, ont des terreurs nocturnes, ont honte, deviennent complexéEs ou au contraire déshinibéEs, ne (se) font plus confiance, mettent des années à faire la paix avec leur histoire etc.
Pour un Harvey Weinstein , un R. Kelly, un Floyd Mayweather et un Brock Turner qui paradent libres comme l’air; plus près de nous, il y a pléthore de tontons, d’amiEs, de grandEs cousinEs, de frères, de soeurs, de tatas, d’inconnuEs et de parents qui se croient dans leur bon droit de disposer du corps d’autrui comme bon leur semble.
La culpabilité doit changer de camp, le narratif aussi.
À quand un hashtag #jesuisuneraclure?