Je ne t’aimais pas.
Après ce ramassis de moments muets,
Après de longues et sourdes disputes, d’innombrables claquements de portes,
des cris, des voix cassées, des mensonges déguisés en Orgueil,
J’en viens au triste constat que je ne t’aimais pas.
En fait, je ne t’ai jamais aimé parce que si je t’avais aimé, je n’aurais probablement pas ressenti ce lourd besoin de te quitter. De t’effacer. D’imaginer, de dessiner un monde sans toi, un monde où tu n’aurais pas eu la chance de naître. De construire hypocritement, dans ma tête, un endroit où nous n’aurions jamais pu nous rencontrer.
Mais de toute façon, nous ne connaissions strictement rien à l’amour. Parce qu’il n’y avait pas de réelle définition à donner à ce que nous avons ressenti autrefois. Je t’ai consommé. Nous nous sommes consommés jusqu’à perdre le contrôle, comme des diabétiques, des boulimiques, des putains d’obèses. Je n’avais aucune envie de faire une overdose de toi, de ce que tu étais, de cette partie de toi que j’ai tant voulu. Et secrètement, je t’en voulais de n’avoir rien fait pour éviter cette surconsommation de nos baisers, nos caresses, nos espoirs.
Il y a toujours un peu de vérité, au début. Sauf que les humains ne supportent pas la vérité, sans drap, sans couverture, sans tenue. Et c’est ainsi que nous avons masqué la sincérité de nos propos par des promesses impossibles, des procrastinations, des délires d’amoureux, des aberrations. Des absurdités. Des folies. Des aliénations. Des choses déjà vues.
C’est le sexe. La première fois que nous avions fait ce que nous savions si bien faire (hum !), j’étais restée là, ébahie, à contempler chaque recoin de ce corps poilu. Me laissant emportée par une vague de désirs sans nom, sans phrase. C’était donc la première consommation. Et il y en eu a d’autres, évidemment. Les nuits, toujours plus sauvages. Comme si, avant de nous emboîter, nous n’avions rien goûté d’autre. Avant de nous enlacer, de nous embrasser, de se tordre, de s’enrouler, de se capturer… Alors, que veux-tu ? Je ne t’aimais pas, j’aimais ton corps.
Mais si je t’avais aimé, je peux te dire que nous aurions tout fait peut-être. Nous aurions comblé le manque par le concret, le vide par la réalité. Nous aurions fait des efforts, comme des personnes qui souhaiteraient grandir et évoluer ensemble. Est-ce que tu penses que nous aurions réussi ? (Je ne peux m’empêcher de douter mais je continue) Nous aurions construit, détruit, reconstruit avec plus d’assurance et de fermeté. Nous aurions préféré nos défauts à nos qualités, l’immensité de nos âmes à l’éphémérité de nos corps. Nous aurions donné ce que nous avions, aurions pris ce qui nous revenait par « amour ».
Le temps me l’a confirmé : l’art de consommer c’est un don inaliénable. Nous naissons avec, nous vivons avec, et nous passerons sûrement l’étape de la mort avec. Et comme nous ne voulions pas le reconnaître, nous avons poussé le vice jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’il nous laisse empaillés, figés, immobiles, expirés. Tu avais tout aspiré sur ton passage, toi, tempête folle et furieuse : sentiments, émotions, actes. Je ne ressentais même plus l’envie de bouger, quand tu te rapprochais de moi. Je ne remarquais plus ta présence, et très vite, ton absence non plus. Ensuite, quand tu t’en allais, je me demandais si tu avais vraiment été là. Je me demandais si tu avais réellement fait partie de ma vie, ou si tu n’étais qu’une illusion parmi tant d’autres.
Après nos départs, nos retours,
Après nos échanges faramineux, nos concessions illusoires, nos tristes différences,
Nos maux incertains, notre souffrance commune – je me rendais compte que nous n’avions pas d’autres points communs –
notre liberté gâchée, nos moments volés, nos histoires du matin, même celles du soir…
Après cette envie de me venger, de te faire du mal, de te bousculer…
Ces attentes, ces reproches, ces mauvaises surprises, ces décisions inattendues, ces choix égoïstes,
Après que l’égoïsme nous ait bouffé, que le temps nous ait changé – si seulement il en a eu besoin –
Je suis venu te dire que je ne t’aimais pas.
Wouauw je suis sans mot Des fois en lisant tes textes je me dis que j’aurais pu les écrire moi même. Continue, tu le fais si bien
Waow intense