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Jahlys – « L’indépendance m’aide à me forger, à découvrir les différents métiers et l’écosystème du secteur musical. »

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Cette semaine, direction la Martinique avec l’enfant terrible Jahlys. Chanteuse et auteure, notre QUEENSPIRATION de la semaine nous parle de ses débuts dans la musique, de sa carrière et de son féminisme

Portrait Jahlys

RTM | Bonjour Jahlys, tu es chanteuse et auteure martiniquaise. A quand remonte ta rencontre avec la musique ?  

Jahlys | J’étais encore dans le ventre de ma mère lorsque je rencontre la musique pour la première fois (rire). D’ailleurs, le jour où ses contractions se sont déclarées, elle était en studio. Mon lien avec la musique s’est ainsi crée avant que je ne vois la lumière. Ma maman qui est elle même artiste, chanteuse, continuait à faire des scènes tout en étant enceinte de moi. J’ai donc grandit entre les sessions studios, les prestations lives, les répétitions.

RTM | Qu’est-ce que ça change selon toi de grandir avec une maman artiste justement ? Comment a-t-elle vécu ton choix de carrière ?

Jahlys | Il y a beaucoup de fantasmes autour des relations parents artistes/enfants. J’ai vécu avec une maman normale qui disait de faire ma lessive, de faire mes devoirs (rires). Ca m’a évidemment permis de me sentir plus libre face à la vision que je me faisais de la vie, de la musique, et de l’art. Ma maman ayant toujours été sensible à ces sujets, elle était certainement plus compréhensive.

Elle m’a toujours soutenue, et ce dès le début. Elle m’a évidemment posé la question classique d’une maman qui pourrait s’inquiéter pour sa fille « est-ce que tu es sûr de ton choix ? »

Son expérience me sert et m’a également permis d’être attentive. Elle me donne des conseils, me soutient et comprend totalement mon envie de faire de la musique. En parallèle, j’ai aussi satisfait son côté « maman », en allant jusqu’au bout de mes études et en me lançant par la suite dans la musique. J’ai une maman sereine.

RTM | Tu parles régulièrement du besoin que tu ressentais d’aller au bout de tes études. Pourquoi était-ce si important ?

Jahlys | J’aime aller au bout de ce que j’entreprends. Et puis, j’aimais aller à l’école. A l’époque, je n’avais pas encore en tête de devenir une artiste professionnelle au début de mes études. J’avais une vision classique du schéma de la vie, terminer mes études, me lancer dans l’entrepreneuriat. La musique représentait un passe-temps, un hobbie.

Plus jeune, je ne voulais pas faire comme ma mère. Ca m’a cependant rattrapé en rencontrant Meryl. C’est à notre rencontre que j’ai décidé que c’est ce que je voulais faire de ma vie, quelques soient les sacrifices que cela demandent.

Aller au bout de mes études me permettait par la suite, de me donner corps et âme à la musique.

RTM | Certaines rencontres ont le don de changer le cours de nos vies. Cette rencontre avec Meryl a semblé déterminante …

Jahlys | J’ai toujours baigné dans la musique de part ma mère. La musique, c’est quelque chose de normal dans ma vie. Mais je ne l’envisageais pas pour autant comme une voie professionnelle. Les studios, les scènes faisaient partis de mon quotidien mais je n’avais aucune perspective professionnelle.

Ma rencontre avec Meryl m’a offert cette perspective professionnelle de la musique. Je suis passée de la fille de Majesty qui chantait ou qui savait chanter, à Jahlys. Son envie de m’écrire des textes, de collaborer avec moi, de découvrir mon univers, mon style m’ont permis de faire évoluer mon rapport à ma musique et ma vision de moi même en tant qu’artiste. Cette rencontre s’est aussi faite au bon moment.

Portrait Jahlys

RTM | Aujourd’hui, comment l’artiste Jahlys décrirait sa proposition musicale ?

Jahlys | J’ai envie de dire caribéen. Je suis une antillaise qui a grandit dans un carrefour riche en termes de propositions musicales. Ma musique a plusieurs couleurs, je fais de la dancehall, mais je peux également faire de la trap, du zouk. Tout cela est le résultat de ma position géographique et socioculturelle. Mon univers est donc caribéen.

RTM | Jahlys selon moi, c’est un peu l’alter égo que beaucoup de femmes n’osent pas être dans la vie de tous jours. Une femme qui se sent libre d’être et qui souhaite s’émanciper de certains clichés. Qui est la femme Jahlys ?

Jahlys | Jahlys, la femme, l’artiste, est une féministe qui prône sa liberté. En tant que femme, on est dans une forme d’ambivalence, entre ce que l’on s’autorise à être dans certains espaces et pas dans d’autres. Pour la période du carnaval exprime notamment ces frustrations. Pendant cette période, je vais m’autoriser à être une certaine femme que je ne pourrais plus exprimer tout au long de l’année, par peur, par honte…

Je n’ai pas envie d’avoir honte de ce que je suis dans ma totalité. J’ai décidé d’être libre, de m’affranchir de ces barrières. Ca amène bien sûr son lot de critiques. Mais j’ai envie de dire aux femmes de ma génération, des générations qui arrivent, et celles qui sont déjà, que nous avons le droit d’être nous même H24.

Nous n’avons pas à nous cacher de notre sexualité, de notre liberté de parole, de faire. Le féminisme régit mon art, ma vie !

RTM | En parlant de sexualité, tu prônes une sexualité féminine assumée. Faut-il encore libérer la parole sur nos sexualités de femmes ?

Jahlys | J’ai l’impression que nous avons que très peu d’espaces pour en parler, pour s’affirmer, pour s’assumer. Les hommes artistes parlent de la sexualité des femmes dans leurs chansons et les femmes ? ont-elles le droit de parler de leur sexualité à elle dans leurs titres ? Je pense que c’est essentiel. On ne peut pas continuer à parler de la sexualité des femmes à travers le regard des hommes, qui sont eux même touchés par le patriarcat et surtout en profite.

C’est libérateur de parler de notre sexualité. Ca fait partie de notre quotidien à tous, donc ça me paraît assez normal, tout comme on parle d’amour, d’amitié.

Nous ne sommes pas beaucoup de femmes dans la musique, ce qui renforce le besoin d’en parler.

J’ai envie que les femmes se réapproprient leurs sexualités, leurs corps, la vision qu’elles ont de leurs propres corps. Que l’on puisse parler du fait d’être libre d’avoir plusieurs amants par exemple, de ne pas demander l’autorisation de vivre sa sexualité…

RTM | Tu parlais de la place des femmes, des femmes antillaise et caribéenne dans la musique, en précisant que vous êtes encore peu nombreuses. Comment se faire cette place ? Qu’est-ce qui doit encore évoluer ?

Jahlys | Des femmes avant nous se sont imposées et ont ouverts certaines portes. En martinique, je pense notamment à Edith Lefel dans le Zouk, ou encore Jocelyn Beroard, qui ont toutes abordés des sujets tabous à leur époque. Je suis l’héritière de femmes artistes qui ont osé. Il faut oser. Bien que nous soyons peu nombreuses, nous sommes là, et de plus en plus d’artistes femmes arrivent et prennent leurs places, libèrent la parole. Les prochaines générations bénéficieront de plus d’exemples à suivre.

Aujourd’hui j’ai la chance d’être prise au sérieux malgré certaines réflexions sexistes qui perdurent en studio ou en réunion.

J’ai ma place, et si je ne l’avais pas, je me la ferai. Je le fais pour moi et pour les générations suivantes.

RTM | Artiste mais aussi entrepreneur. Tu évolues aujourd’hui en tant qu’artiste indépendante. Tu gères et manages ta carrière quasiment en solo. Qu’est-ce que s’est qu’être une artiste indépendante ?

Jahlys | C’est être sa propre productrice. C’est financer soi même ses clips, ses séances studios, ses tenues, sa communication. N’étant pas signé en label, j’ai du apprendre et devenir mon propre patron et surtout investir dans ma carrière. Heureusement mes études m’ont aidé à envisager ma carrière par le prisme de l’entrepreneuriat. L’indépendance m’aide à me forger, à découvrir les différents métiers et l’écosystème du secteur musical.

RTM | Quelle est ta réalité économique en tant qu’artiste indépendante ?  

Jahlys | En parallèle de ma carrière artistique, j’ai travaillé dans la communication. Je continue encore un peu mais aujourd’hui je consacre la majorité de mon temps à la musique. J’ai décidé de faire ces sacrifices, tout comme le ferait un entrepreneur. Je travaillais du lundi au vendredi, et le samedi et dimanche je faisais de la musique, je tournais des clips.

C’est un choix difficile, qui demande du temps, de l’énergie, de l’investissement. Mon choix de carrière artistique a eu un réel impact sur ma vie, ma vie sociale. Je sors beaucoup moins, j’ai beaucoup moins d’ami.es autour de moi. Mais je suis concentrée et déterminée. Le travail commence petit à petit à payer, je ne suis plus toute seule dans mon équipe, je commence à m’entourer de professionnels également. Je pense que c’est également important que je passe par là pour expérimenter et ainsi parvenir à la pointe de mon art.

RTM |En parlant d’équipes, tu collabores avec l’agent d’images Yorhann Emmanuel Alexander avec qui vous faites un travail formidable en termes d’images. Qu’est-ce que cette collaboration a changé dans ton rapport à l’image ?

Jahlys | Je pense que pour un artiste, le ratio est de 30% de talent, de mise en avant de son art et 70% de communication, de promotion. Le public a besoin d’apprécier l’artiste, de savoir qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il revendique, ses idées. Le succès d’un artiste ne repose pas uniquement sur son art. La communication est importante, et ça passe notamment par un travail sur l’image, les visuels que l’on propose, les clips que l’on présente.  J’ai très vite ressenti le besoin de faire attention à mon image. J’adore la mode et pour moi c’était important de le montrer, de le vivre à travers mon art. Je fais de la musique pour vivre l’expérience dans son entièreté. Je fais donc attention aux deux. Travailler avec Yorhann me permet d’aller au bout de mon art. Il a une vision pour la Caraïbe, une vision pour le succès caribéen, une vision de l’esthétique… Je suis très contente de travailler avec lui.

RTM | L’année 2020 a été challengeante pour celles et ceux qui évoluent dans le secteur de culture. On sort petit à petit de cette crise, qu’est-ce que tu nous prépares pour l’après ?

Jahlys | La première partie de 2020 m’a permis de sortir des freestyles, celui de loxymore et le titre Première dame. J’avais envie de montrer qu’au delà de la dancehall, je savais aussi performer dans le rap, et la trap, très à la mode aujourd’hui aux Antilles.

Pour la deuxième partie de 2020, je prépare un morceau en featuring avec une chanteuse guadeloupéenne. C’est tout ce que je peux révéler pour l’instant. On prend notre temps pour travailler.

Ca fait maintenant 3 ans que ma carrière a débuté. Les médias s’intéressent de plus en plus à mon histoire, j’ai pu montré que je savais chanter, je veux désormais passer au stade suivant et ça demande du temps, de l’argent et de la réflexion. Les choses se font à leur rythme.

Portrait Jahlys

RTM | Si tu devais donner un conseil à une jeune femme caribéenne qui aimerait se lancer dans la musique mais qui hésite encore, qui est emplit de doute. Que lui diras-tu ?

Jahlys | Je lui dirais que les doutes et les peurs sont complètements normaux, mais qu’il faut savoir se surpasser dans tout. Si c’est ce que tu aimes, il faudra te surpasser, t’assumer comme tu es. Impose-toi comme tu es, n’ais pas peur face au sexisme ambiant qui règne partout. On a besoin de toi, on a besoin de vous.

RTM | Si tu devais nous citer un de tes titres sorti qui te résume le mieux ?

Jahlys | Certainement le freestyle « Première dame ». Le texte décrit bien qui je suis, ma position face au féminisme, ma multiplicité.

RTM | Peux-tu nous citer 3 femmes qui t’ont inspiré ?

Jahlys | Ma maman, Beyoncé et Rihanna.

Rihanna en tant que caribéenne, venant de la Barbade, est aujourd’hui à la tête du monde. Elle m’inspire beaucoup.

RTM | Et enfin, qu’est ce qui fait de Jahlys une Reine Des Temps Modernes ?

Jahlys | Je suis une femme noire féministe et ambitieuse !

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