Notre QUEENSPIRATION de la semaine s’appelle Saly Diaby. Basée à Paris, elle a accepté de nous parler de son parcours en tant qu’artiste, en tant que femme noire, en tant que mère. Une femme passionnée, fière de ses origines qui ne cessent d’inspirer et de faire grandir son art.
RTM | Bonjour Saly, nous sommes ravies de t’avoir sur RTM. Avant de commencer, peux-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs ?
Saly | Hello ! Ravie de partager ici sur Reines des temps modernes. Je m’appelle Saly Diaby, j’ai 31 ans et je suis artiste peintre plasticienne depuis une douzaine d’années.
Diplômée en journalisme, je travaille parallèlement en tant que chargée de communication.
RTM | Saly ou encore une artiste dans l’âme. Quels ont été tes premiers contacts avec les pratiques artistiques ?
Saly | Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, mes premières productions artistiques remontent à l’âge de 10 ans. Je suis passée par beaucoup de disciplines avant de trouver satisfaction avec des pinceaux dans les mains. J’ai fabriqué des vêtements à mes poupées, écrit des chansons, joué des personnages, dansé et chanté sur scène. Plus les années passent et plus la place que j’accorde aux arts devient importante.
RTM | Ton cœur balancera finalement vers la peinture. Comment s’est faite la rencontre ?
Saly | La rencontre s’est faite il y environ douze ans à la frontière de l’âge adulte, j’étais en pleine introspection et en quête d’identité. De tous les arts, la peinture m’a permis de concilier mon amour pour les arts visuels avec celui pour les arts manuels, mais aussi de véhiculer mes messages. Avec de l’argent gagné lors d’un job d’été, j’ai tout d’abord commencé à me procurer mes premiers tubes de peinture et mes premières toiles afin d’aller à la découverte et de me familiariser avec cette discipline qui attisait ma curiosité.
Les premières expérimentations étaient dans un but thérapeutique, je ne m’attendais pas à réaliser des chefs-d’oeuvres, je me servais de cette pratique uniquement pour mieux méditer et trouver une tranquillité d’esprit.
“La réalité est qu’en tant que femme noire, nous sommes quasiment invisiblisées partout, mais notre tenacité fait que nous savons apparaître et nous auto-légitimer dans les différents domaines dans lesquels nous nous épanouissons. “
RTM | Tu as eu l’opportunité d’exposer à plusieurs reprises et la peinture n’est plus qu’une simple passion, c’est également une activité professionnelle. Comment as-tu réussis à faire de ta passion ton métier ?
Saly | C’est par concours de circonstances que cette passion est devenue un métier que j’exerce tantôt à temps plein, tantôt à temps partiel. Je peignais d’abord pour un simple plaisir personnel, j’ai ensuite commencé à répondre à des commandes puis à être sollicitée pour réaliser des performances en public, à participer à des expositions et à animer des ateliers. D’une activité qui prenait 3 heures par semaine, c’est devenu un emploi de 50 heures réparties sur 7 jours.
RTM | Tes peintures sont proches de ton histoire, tu parles d’art « afro-inspiré », qu’est-ce qui t’inspire dans tes racines ?
Saly | J’ai longtemps été tiraillée entre un besoin d’émancipation personnelle, sociale et ma quête d’identité en tant que femme, femme noire et de femme noire de banlieue. Il fallait que j’aille au delà de ces étiquettes et que j’apprenne à me connaître sous tous mes aspects. C’est donc par le biais de la peinture que j’ai cherché à renouer avec mes racines sénégalaises.
Il me fallait me reconnecter avec la terre qui avait vu naître mes parents et qui garde encore une grande partie des êtres qui me sont le plus chers.. car comment m’armer si je n’ai aucune idée de l’histoire de mes aïeux ? Un retour au pays s’est imposé il y a quelques années, j’ai également puisé dans mes souvenirs d’enfance et lu sur les arts d’Afrique afin de reconstituer mes visions et sensations le plus fidèlement possible. C’est de là qu’est né tout un univers artistique, avec ses associations de couleurs et ses fameux motifs. Je m’inspire donc principalement de couleurs, de photos de famille, et du patrimoine artistique et historique du continent.
RTM | Etre une femme noire artiste aujourd’hui à Paris, quel regard portes-tu sur ce milieu artistique ?
Saly | Durant très longtemps les arts, notamment les arts plastiques, ont été réservés à une élite avec ses propres codes, son langage et ses tendances. Aujourd’hui je fais partie de ceux qui viennent donner un coup de pied dans la fourmilière et dire que la peinture et toute autre forme d’art est accessible à tout le monde. Par conséquent, je ne peux pas vraiment parler d’un environnement que je ne fréquente pas, et c’est ce qui est positif avec internet et les réseaux sociaux.
Je me suis créée un espace dans lequel je partage ce que j’aime faire et où je rencontre des individus qui s’y intéressent, j’ai aussi la chance d’échanger avec d’autres artistes. Si j’ai profité de ce monde que je me suis crée c’est justement pour éviter tout besoin d’être légitimée par quelconque milieu et de m’y faire un “réseau”. La réalité est qu’en tant que femme noire, nous sommes quasiment invisiblisées partout, mais notre tenacité fait que nous savons apparaître et nous auto-légitimer dans les différents domaines dans lesquels nous nous épanouissons. Internet joue un rôle essentiel dans cette démarche qui porte ses fruits, si j’ai de moins en moins de visages surpris lorsque je dis que je suis artiste peintre c’est que les choses évoluent..
RTM | Tu es aussi maman. Qu’est-ce que cela a changé dans ton rapport à ton art ?
Saly | Durant la grossesse, toute envie de création artistique était complètement en veille, comme si mon corps et mon esprit n’étaient capables de créer qu’une seule chose à la fois. Par la suite, j’ai été à la quête d’une inspiration qui semblait m’avoir échappé, cette période coïncidait avec les premiers instants avec bébé et le difficile rééquilibrage hormonal.
Mon parcours parental et mon cheminement artistique ont été étroitement liés. Aujourd’hui je tire des leçons de mon nouveau rôle de maman et je bouillonne d’idées ! Je pense que devenir mère m’a appris à mieux me connaître et à réellement m’affirmer en tant qu’individu et en tant qu’artiste.
RTM | Tu as également lancée une page « the_art_mama », ou tu réalises des œuvres avec bébé. Qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer cette initiative ?
Saly | Au départ, je n’étais pas vraiment pressée ou désireuse de faire de l’art avec bébé, je crois que les choses se sont faites d’elles-mêmes. Avec la grossesse j’ai soudain été prise d’une envie de créer des éléments de décoration pour la chambre. Par la suite je me suis retrouvée à dessiner des personnages, et à fabriquer des petits visuels. Vu l’intérêt de mon entourage, je me suis dit “pourquoi ne pas créer un espace regroupant mes idées”. La page avance lentement mais sûrement !
RTM | D’ailleurs tu animes pas mal d’ateliers avec des associations pour les enfants, dans des écoles ou autres. La transmission, c’est important selon toi ?
Saly | La transmission dans son sens global est essentielle selon moi, chaque rencontre ou échange avec autrui a sa part de transmission, je choisis toujours de partager le meilleur de ce que j’ai. Auprès des jeunes, j’aime leur permettre de connaître les Arts d’Afrique, leurs histoires et leurs caractéristiques puis de faire le lien avec leur potentiel créatif. C’est à chaque fois une expérience unique qui m’enrichit.
RTM | Comment ton entourage a-t-il accepté ta volonté de faire de l’art ?
Saly | Je me considère comme très chanceuse d’avoir pu évoluer avec des parents qui n’ont jamais dévalorisé mes activités créatives et ne m’ont jamais incitée à reléguer celles-ci au second plan. J’ai toujours fait de l’art sans pour autant négliger mes études ni ma vie professionnelle, ils n’avaient donc aucun regard négatif sur mes aspirations artistiques. Ils ont été mon premier public même lorsque leur entourage familial était sceptique de me voir m’investir dans ce domaine.
Il y a aussi mon premier petit frère, le pauvre, il a été mon premier choriste et le seul comédien de ma troupe de théâtre. Il a quand même joué un rôle déterminant dans mon essor artistique. Sans oublier mes amis en or qui sont de vrais supporters, qui ont toujours vu ma créativité comme une composante de ma personnalité et qui sont toujours très curieux et fiers de mes productions et de mes accomplissements.
RTM | Un conseil à partager pour celles qui souhaitent se lancer mais qui n’osent pas ?
Saly | J’invite toute personne à écouter ses pulsions créatives, à n’avoir aucun autre objectif que d’aller à la quête de son bien-être et de son épanouissement personnel à travers l’art. On n’a pas idée d’à quel point cette simple démarche peut nous amener à vivre des expériences extraordinaires.
RTM | Si tu devais nous citer 3 artistes femmes qui t’inspirent ou qui t’ont inspiré ?
Saly | L’artiste Tatyana Fazlalizadeh, qui est d’ailleurs l’artiste derrière les oeuvres de Nola Darling (jouée par DeWanda Wise) dans la série Netflix de Spike Lee. Je suis admirative de son talent mêlé à son militantisme.
La réalisatrice Leïla Sy, en tant que fan de réalisation vidéo je la trouve talentueuse et porteuse de messages. L’artiste Sara Golish avec ses oeuvres et sa technique à couper le souffle. Il y en a tellement d’autres à citer, dont certaines qui font partie de mon quotidien !
RTM | Quel est le morceau que tu écoutes lorsque tu peins ?
Saly | Je suis plus podcasts, documentaires et séries pendant que je peins. Car
les morceaux me distraient beaucoup trop haha ! Mais si je devais en choisir un il s’agirait de “The Seed 2.0” de The Roots & Cody Chesnutt il me donne beaucoup d’entrain.
RTM | Et enfin, qu’est-ce qui fait de Saly, une Reine Des Temps Modernes ?
Saly | Ma volonté à me frayer un chemin qui ne m’est pas tracé et à me battre sans relâche pour atteindre mes objectifs. J’ajouterais à cela mon sens de la transmission et ma capacité à encourager chacun à valoriser son pouvoir de création.