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Johanna, auteure et enseignante – « La littérature caribéenne devrait être mise en avant. Nous sommes nombreux à écrire et ce potentiel coloré, épicé et rythmé doit être connu »

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C’est au cœur de la Guadeloupe que l’écrivaine Johanna Diochot partage ses premiers écrits.  De la littérature sentimentale à l’essai littéraire en passant par la sexualité féminine, l’auteure nous expose ses multiples facettes. Une volonté de créer librement, un brin de passion et d’ambition, et peut-être même une douceur incomparable, Johanna n’est pas effrayée par le monde de l’édition. Au contraire, l’auteure semble sereine et engagée pleinement sur cette voie.

RTM | Bonjour Johanna, Peux-tu te présenter  à nos lecteurs et nos lectrices ?

Johanna | Bonjour à tous. Je suis Johanna D, auteure de deux ouvrages. Bientôt 33 ans. Je suis enseignante depuis presque 10 ans et mère de deux enfants. Je suis aussi et surtout une guadeloupéenne amoureuse et admirative de son île natale sur laquelle j’ai vécu pratiquement toute ma vie. C’est l’une de mes principales sources d’inspiration.

RTM | Quel a été le déclic pour écrire ton premier roman ? Raconte-nous tes premiers pas vers l’écriture.

Johanna | Je suis officiellement écrivaine depuis 1 an à peine mais officieusement depuis 5 ans à peu près.  Après mes 3 ans d’études de littérature à Lyon puis à Jussieu à Paris, je retrouve enfin mon île qui m’avait tant manqué. Mais je la vois avec un œil extérieur, un peu comme une touriste. Je redécouvre les bons côtés : la famille, la chaleur, le soleil, la mer, les rivières, les montagnes, l’excitation populaire. Mais je découvre aussi des éléments que je n’avais pas remarqué à l’époque : l’état des routes, le vrai visage de la politique, la réalité des conditions d’embauche…

Du coup, j’ai eu une très grosse envie de m’exprimer. A l’époque je n’étais adepte d’aucun réseau social. De ce fait, j’ai commencé une lettre ouverte afin de m’exprimer, de partager, de dénoncer. Cette lettre ouverte est devenue mon premier roman et s’appelle SOS au Paradis.

“Depuis que je suis dans le monde de l’édition j’ai réalisé que ce n’est pas si compliqué d’éditer ses écrits. Le plus dur est de se lancer.”

RTM | Dans ce premier roman S.O.S au paradis, l’héroïne Vanessa, une jeune épouse et enseignante revient s’installer sur son île natale. Le personnage de Vanessa s’inspire-t-il d’une femme réelle ?

Johanna | Oui. Justement, Vanessa s’inspire de moi. J’ai eu besoin de raconter ce que moi et mon conjoint de l’époque avions vécu quand nous sommes revenus sur l’île. J’avais besoin d’un point d’encrage pour commencer. Du coup, beaucoup de choses que je raconte dans le chapitre 1 sont des choses que j’ai vécues. J’ai été marqué par la difficulté que mon conjoint de l’époque a eu pour trouver un travail en tant qu’ingénieur. On s’est beaucoup demandé si cela avait un rapport avec sa couleur de peau. C’était un an à peine après les 44 jours de grève du LKP. On ne pouvait pas ne pas se poser la question.

Aujourd’hui encore je me demande si tout aurait été différent s’il n’avait pas été un homme noir qui recherche un poste d’ingénieur sur son île. Heureusement, une fois les deux premiers chapitres écrits, les personnages ont pris leur indépendance et ont vécu leur propre vie bien différente de la mienne.

RTM | Comment se déroule ton processus d’écriture, de l’idée à la création ? As-tu un plan de rédaction, ou préfères-tu l’improvisation ?

Johanna |Mon roman SOS au Paradis, comme je l’ai dit, c’est parti d’une envie de partager et de dénoncer certaines réalités de mon île. Une fois le processus enclenché, les personnages ont pris vie dans mon esprit et c’est ainsi que je ne faisais que retranscrire des péripéties qui s’étaient déroulées dans ma tête.

Pour mon essai, Relation Idéale : Mode d’emploi, j’étais encore obnubilée par cette volonté de partager une expérience vécue. Je pense qu’une fois que le processus d’écriture est lancé, il est difficile de l’arrêter. Ecrire a été pour moi le début d’un épanouissement personnel. J’écris quand tout va bien. J’écris quand tout va mal et puis tout de suite tout va mieux.

Je suis sur deux autres projets. Le Tome 2 de SOS au Paradis et une nouvelle très sentimentale que j’ai commencée à une période de ma vie où je ressentais des émotions fortes. Il fallait que ça sorte, donc j’ai écrit.

En vérité, chaque livre demande son propre processus d’écriture. J’ai déjà tout un plan de rédaction pour le Tome 2 de SOS alors que pour ma nouvelle j’étais en impro totale.

RTM | L’amour, la sexualité, les relations humaines ne sont pas des sujets simples, mais bien au contraire, très délicats. Ils sont d’ailleurs abordés par plusieurs écrivains.  En 2019, tu publies «  Relation idéale : mode d’emploi », un ouvrage dans lequel tu partages au public ce que tu sais et ce que tu penses des relations actuelles

Johanna | J’ai écrit mon essai, Relation Idéale : Mode d’emploi après mon divorce. Nouvelle dans le monde des célibataires après 10 ans d’absence, j’ai eu envie de partager ma vision du couple moderne. J’ai eu envie de raconter ce que je ne voulais plus revivre et ce à quoi j’aspirais désormais. J’ai eu envie de dire : « Oui, je suis mère célibataire avec deux enfants. Et oui, je suis heureuse. Non, je ne veux pas faire entrer quelqu’un dans ma vie au point qu’il empiète sur mon espace vital. Oui, aujourd’hui le célibat est un choix. C’est MON choix ! »

RTM |  Ton premier choix de titre pour ce dernier roman ” Plan cul idéal : mode d’emploi “. Pourquoi ce changement ?

Johanna | Comme je le dis au début de mon essai, il devait s’appeler PC idéal : Mode d’emploi (PC pour Plan cul), car dans le livre je dévoile à quel point avoir un simple PC dans sa vie peut être bénéfique afin de prendre du temps pour soi. C’est comme avoir les avantages du couple, sans les inconvénients. Néanmoins, j’ai réalisé que ce n’est pas non plus notre finalité. Nous cherchons tous plus qu’un PC, nous recherchons la relation idéale. Parfois, elle peut naître avec un simple PC.

RTM | D’ailleurs, que t’as appris le monde de l’édition depuis ta première publication ? Des moments de bonheur aux grandes incertitudes ?

Johanna | Depuis que je suis dans le monde de l’édition j’ai réalisé que ce n’est pas si compliqué d’éditer ses écrits. Le plus dur est de se lancer. J’étais persuadée que je n’aurais jamais été publiée car aucun éditeur n’aurait pris le temps de lire mon roman. Finalement, un éditeur m’a contactée rapidement et a accepté de l’éditer.

Néanmoins, quelques temps après, j’ai compris que tout aurait été beaucoup plus efficace si je m’occupais de tout seule. J’ai donc annulé mon contrat et je me suis lancée dans l’autoédition. Depuis, je fais fabriquer mes livres par Amazon qui me les envoie en Guadeloupe et je les place en librairie ensuite. Je m’occupe de ma communication, je crée mes propres évènements et tout se passe pour le mieux. Je n’oublierai jamais quand j’ai tenu mon livre fraîchement publié pour la première fois dans mes mains. J’étais remplie d’une multitude d’émotions. Tout ce qui a suivi n’était que bonheur.

RTM | Qu’est-ce que t’évoque le titre « La vie secrète des écrivains » du roman de Guillaume Musso ? Distingues-tu la femme Johanna de l’auteure Johanna D ? 

Johanna | Je ne sais pas si tous les écrivains sont pareils, donc je ne peux pas avancer qu’il n’y a qu’une vie secrète mais je pense qu’on a en commun le fait que notre imagination n’est jamais au repos. On me reprochait souvent d’exagérer quand je racontais une histoire et je réalise aujourd’hui que c’est cette particularité, que je vois désormais comme une belle qualité, qui m’a permis d’écrire. Avec une photo, un regard, une simple histoire entendue, je suis capable d’en faire des tonnes. (rires).

Et puis, je vois aussi l’écrivain comme quelqu’un étant capable de s’enfermer dans sa chambre, téléphone en mode avion pour écrire des heures, des jours, des semaines sans jamais vouloir/pouvoir s’arrêter. (histoire vécue)

RTM |  Il me semble que tu es une grande lectrice. Que pourrait-on trouver dans ta bibliothèque ? Quelques livres ont marqué ta jeunesse ?

Johanna | Dans ma bibliothèque, on trouvera des œuvres de Frédéric Régent qui parle avec une telle expertise de l’histoire de mes ancêtres que j’en suis fan. On trouvera également Amélie Nothomb dont j’apprécie les œuvres même si je les trouve beaucoup trop courtes. C’est frustrant. On trouvera les trois œuvres de Khaled Hosseini. Sa façon de peindre la réalité afghane est époustouflante.

Pourtant, mes deux auteurs favoris sont des auteurs que j’ai beaucoup lus quand j’étais étudiante : Tolstoï et Jean Giono. Leurs œuvres m’ont marquée, m’ont fait pleurer, rire et je n’ai jamais été déçue. Mes préférés sont Anna Karénine, La mort d’Yvan Ilitch et Un roi sans divertissement.

“L’homme doit accepter que la femme lui échappe.”

RTM | Selon toi, quel est le rôle de la littérature ? Et surtout, quelle place devrait avoir la littérature caribéenne ?

Johanna | Pour moi, la littérature  est une fenêtre sur le monde, sur un monde (réaliste ou fictif). Elle nous fait découvrir, ressentir des choses comme un film peut nous émouvoir. La littérature me fait voyager.

Quand je lis Frédéric Régent, c’est comme si je faisais un bon dans le temps et que j’étais témoin du quotidien de mes ancêtres. Quand je repense à la fin de Anna Karénine, je me vois à la gare, près d’elle lui suppliant de ne pas faire ce qu’elle est sur le point de faire. Grâce à la littérature j’ai l’impression d’avoir eu plusieurs vies dans une vie. C’est pour cette raison qu’elle doit avoir une place primordiale près de nos jeunes. Internet c’est bien mais le livre est bien aussi.

Concernant la littérature caribéenne, elle devrait être mise en avant. Nous sommes nombreux à écrire et ce potentiel coloré, épicé et rythmé par le ka ou la musique dance hall doit être connu comme l’est notre carnaval ou notre cuisine.

RTM | Quelle dimension donnes- tu à ton art littéraire ? Tu imagines quel avenir pour ton écriture ?

Johanna | C’est difficile de répondre à cette question car mon art littéraire, comme tu dis, a déjà pris une dimension inespérée et c’est ma plus grande fierté. Je compte continuer à écrire tant que mon corps et mon esprit me le permettent.

A partir de cela, je veux faire les gens aimer la lecture ou l’écriture. Je suis tellement touchée quand des gens me disent que mon roman leur a redonné l’envie de lire ou quand j’entends d’autres avouer qu’ils ont eu aussi envie de se lancer quand ils m’ont rencontrée.

On m’a offert la possibilité d’organiser des soirées littéraires. Chaque soirée à un thème et ça me permet d’échanger avec mes lecteurs. J’espère pouvoir continuer à faire cela car j’en tire beaucoup de satisfaction.

RTM | Je me suis demandé si cela t’arrive de craindre la réaction de tes lecteurs et surtout ce que tu ressens avant la sortie d’un roman.

Johanna | J’ai eu cette sensation pour le premier : SOS au Paradis. Mais je t’avoue qu’une fois qu’on a franchi le pas on ne peut plus nous arrêter. J’ai pris confiance en moi, en mon écriture et je suis, de plus, bien entourée. Je m’entends très bien avec ma correctrice qui est devenue une amie, ainsi qu’avec mon illustratrice. Je fréquente aussi des auteurs avec qui j’échange souvent. Quand on est bien entouré, ça nous donne des ailes.

Pour le second, je craignais surtout que les gens d’adhérent pas à mon franc parler. Je parle quand même ouvertement de plan cul, de la sexualité libérée des femmes, du fait d’envisager avoir plusieurs partenaires. Il y avait de quoi avoir peur. En même temps, je suis du genre à foncer tête baissée et réfléchir après.

Pour l’instant, ça m’a plutôt réussi pour l’écriture.

RTM | Tu as quand même changé de registre entre ton premier livre, (littérature sentimentale) et le second (développement personnel). Était-ce une volonté de te diversifier ou de consolider ta relation avec tes lecteurs ? Une forme de proximité nouvelle ?

ll ne faut pas mal le prendre mais je ne pense pas à mes lecteurs quand j’écris. J’écris surtout pour moi. Parce que j’en ai envie, besoin. Une fois que le travail d’écriture est terminé et que le livre est publié, ce n’est qu’à ce moment que je pense à eux. J’écris vraiment sur des sujets qui me touchent et je suis heureuse quand je constate que ça touche aussi bon nombre de personnes.

RTM | Des débats, des séances de dédicaces, des évènements littéraires, des séances de photos, comment vis-tu cette partie de la vie d’auteure ? Que nous réserve-tu pour cette fin d’année ? 

Johanna | Je vous avoue que j’adore ma vie. L’écriture est une passion et je ne me vois pas vivre de cette passion de peur de me sentir obligée d’écrire. De voir ce qu’elle m’a déjà fait vivre et qui elle m’a déjà fait rencontrer en un an, j’en suis très émue.

Tout ce que je fais grâce à mes livres me plait. Les photos, les interviews, les dédicaces, etc.

J’aime être en contact avec les gens et j’espère pouvoir organiser de plus en plus de rencontres littéraires sur des thèmes qui me touchent comme la violence conjugale, le statut de la femme dans la société guadeloupéenne, l’infertilité, la drogue, tant de sujets présents dans mes écrits.

RTM | Si je dis ” engagement”, qu’est-ce que cela t’évoque ?

Johanna | Mon engagement est surtout pour l’évolution du statut de la femme dans le monde. Ça me désole de voir comment la femme peut être maltraitée ou bafouée dans un pays comme le nôtre et surtout sur une île comme la mienne.

Les féminicides sont encore trop nombreux aujourd’hui et font souvent la triste actualité en Guadeloupe. L’homme doit accepter que la femme lui échappe. Elle n’est pas son souffre-douleur ni son ennemie. Elle est son alliée. Quand il comprendra cela, les choses iront peut-être mieux.

RTM | Des conseils pour les jeunes écrivains, qui souhaitent se lancer ?

Johanna | Un conseil ? Entourez-vous des bonnes personnes et surtout n’attendez pas d’être remarqué par un éditeur. C’est dur pour les maisons d’éditions ce que je vais dire mais on n’a plus vraiment besoin d’elles.

En revanche, il vous faut du temps, une motivation de guerrier et quelques notions de communication et marketing. Une fois que vous avez tout cela, il ne vous reste plus qu’à rassembler votre courage pour foncer dans le tas.

2 Commentaires

  1. Jai oublié de remercier mon photographe, Bnp, pour ses prise de vue. Encore une personne qui rend le travail post publication plus simple. Il partage avec moi sa vision des choses et ça c’est top.

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