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Sarah Kouaka (Rédactrice en chef) – “C’est drôle parce que je n’ai jamais voulu être journaliste.”

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Sarah Kouaka Rédactrice en chef du journal Negus

Notre QUEENSPIRATION du jour s’apelle Sarah Kouaka. Elle fait la rencontre du journalisme un peu par hasard. Ses débuts, elle les fera en tant que stagiaire au sein de célèbre média NOFI avant de gravir les échelons un à un et de devenir rédactrice en chef de ce dernier. Aujourd’hui, elle est en charge du magasine papier Negus. Rencontre avec une femme de caractère bien décidée à aller au bout de ses ambitions.

RTM Bonjour Sarah, pouvez-vous vous présenter pour nos lectrices et lecteurs ? Quel est votre parcours ?

Sarah ⎢ Je m’appelle Sarah Kouaka, j’ai 28 ans et je suis journaliste. J’ai longtemps été rédactrice en chef de NOFI . Aujourd’hui, je suis rédactrice en chef du magazine Negus.

RTM Vous avez une certaine passion pour l’écriture, d’où vient-elle ?

Sarah ⎢C’est assez innée, et ça depuis petite. Je me souviens plus jeune, je restais à l’étude et une fois mes devoirs terminés, j’écrivais des histoires que j’illustrais dans un de mes cahiers.

“C’est drôle parce que je n’ai jamais voulu être journaliste.”

RTM Après le Baccalauréat, vous vous orientez vers un cursus “Lettre et de Philosophie”. Votre passion pour l’écriture était-elle à l’origine de ce choix ?

Sarah ⎢ A vrai dire, c’est surtout le système français qui n’est pas très bien fait. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais lorsque vous êtes en Terminale alors que l’on ne vous a jamais parlé d’orientation avant, on vous met la pression pour vous inscrire sur des logiciels et décider de ce que “vous voulez faire”. Sauf qu’à 17 ou 18 ans, on ne sait pas trop ce que l’on veut faire de sa vie. Comme je ne savais pas trop, je me suis orientée vers un parcours en philosophie/lettre. Il s’agissait selon moi de la continuité de mon cursus. Au final pas vraiment, mais c’est la raison pour laquelle j’ai fais ce choix là à ce moment précis.

RTM Quel a été l’élément déclencheur pour vous orienter vers le journalisme ?

Sarah ⎢ C’est drôle parce que je n’ai jamais voulu être journaliste. Ça ne m’a même jamais effleuré l’esprit. Les choses se sont faites assez naturellement. Après mes études de lettres, je pensais vouloir enseigner. Je me suis cependant vite rendue compte que je n’avais pas la patience pour ce faire ce métier.

J’ai mis du temps à savoir ce qui m’intéressait vraiment. C’est en allant au salon de l’étudiant un jour que je me suis décidée à m’inscrire en école de journalisme.

RTM C’est à ce moment là qu’à démarrer votre aventure avec NOFI ?

Sarah ⎢Ça a commencé presque en même temps. Il faut savoir que les écoles de journalisme comme les écoles de commerce sont consanguines. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup d’enfants de journalistes donc des personnes qui ont déjà un pied dans le milieu avant même d’avoir terminé leurs études. J’ai donc décidé en première année, même si cela n’était pas obligatoire, de faire un stage car je n’avais pas ce réseau.

A l’époque, j’étais déjà engagée. J’avais déjà des convictions fortes. C’était également une période où tous les industriels rachetaient la presse et je savais qu’il y avait certains industriels pour lesquels je ne voulais pas travailler. Notamment pour une question de valeurs. Bien entendu, cela a exclu pas mal de médias de ma liste.

Avec une amie, nous avions alors décidé de nous inscrire dans une association : African Business Club. Et c’est au sein de ce réseau que j’ai entendu parler de NOFI. Je me suis dit “ça, c’est pour moi”. J’ai donc postulé et commencé en tant que stagiaire chez NOFI.

RTM Aviez-vous des craintes en travaillant pour un média jeune et spécialisé ?

Sarah ⎢ Pas vraiment. Je pense également que mon âge a aidé. J’étais au début de la vingtaine, je n’avais pas forcément de pression. Si ça c’était fait à l’âge que j’ai aujourd’hui ou si j’avais eu des enfants ou autre charges , j’aurais surement vu les choses autrement. A l’époque, il s’agissait d’une belle opportunité.

RTM Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes qui débutent dans le milieu ?

Sarah ⎢ Ce que je dirais à ces jeunes femmes, c’est de ne pas se limiter. C’est vraiment le travail qui compte quelle que soit la casquette que vous portez. Ne vous limitez pas, dites vous que toutes les portes vous sont ouvertes !

RTMIl y a quelques mois le scandale de la ligue du lol a secoué le monde des médias, est-ce qu’on peut dire que c’est un challenge d’être une femme noire rédactrice en chef en 2019 ?

Sarah ⎢ Honnêtement, je ne sais pas, car je ne me suis jamais posée la question. C’est un challenge d’être une femme noire tout court, ça c’est sûr. Dans les médias, être une femme c’est déjà une certaine charge. C’est un métier où l’on est complètement exposés, où en tant que femme il faut savoir se faire respecter et entendre. Je pense cependant que c’est un enjeu et un défi d’être noire, de s’exposer et d’assumer ce parti-pris communautaire.

“Ma routine, c’est mon travail.”

RTM Peux-tu nous raconter les débuts de Negus ?

Sarah ⎢C’est super drôle, car mon patron Christian Dzellat m’a dit un jour “on va faire un journal”. De mon côté, j’avais eu un petit projet de journal papier dédié au sport que j’avais mis de côté.

Entre temps, je rencontre l’ami d’un ami, Jonathan Zadi, qui deviendra le co-fondateur de Negus. Il est le fondateur du magasine “All eyez on me”. Il fait lui même la rencontre de Christian et les deux décident de lancer Negus.

RTM Le papier en complément du web ?

Sarah ⎢ Le web, c’est très bien. Ca permet d’avoir une visibilité au-delà des frontières spatiales. Cependant, d’un autre côté, ce qui est sur le web n’est pas forcément valorisé, car il y a beaucoup de plagiat et les choses ne sont pas encore bien réglementées. Donc il fallait trouver un moyen de valoriser les contenus que l’on propose et occuper de l’espace en kiosque.

RTM Au niveau du lectorat, qui s’intéresse le plus à Negus ?

Sarah ⎢Ce qui est intéressant avec Negus, c’est qu’il s’adresse d’abord aux noirs forcément, c’est le lectorat le plus réceptif. Mais il n’est pas le seul. Notre cible première sont les étudiants et les trentenaires et quarantenaires qui ont des enfants, et qui sont dans cette démarche de vouloir connaître leurs histoires, de se réapproprier leurs identités afin de la transmettre à leurs enfants. Ils sont très demandeurs de produits qui leurs sont spécialement destinés.

RTM Quel est le message qu’essaie de transmettre Negus ?

Sarah ⎢On dit que “la parole noire est dans Négus” et c’est vraiment le point-de-vue que nous les noirs de France nous portons sur des éléments historiques. Nous souhaitons développer une base historique sur des événements d’actualités, politiques, et de société. Nous avons la volonté de faire correspondre les phénomènes actuels avec l’histoire.

RTM Qu’est-ce qui vous rend plus forte et vous motive au quotidien ?

Sarah ⎢ Je dirais qu’il y a trois choses. Dans un premier temps, la volonté de faire bien. Il y a aussi la nécessité de proposer une autre vision. Je souhaite que notre travail inspire d’autres personnes à avoir leur propre journal en kiosque. Ce n’est pas simple, c’est même difficile mais tout est difficile. Ca ne veut pourtant pas dire que ce n’est pas possible. Et enfin, il y a les rencontres. J’ai la chance de rencontrer tellement de talents, d’entrepreneurs, de personnes inspirantes qui me prouvent que tout est possible, et surtout qui méritent d’être valoriser pour inspirer la prochaine génération.

RTM Quels sont vos conseils pour ces personnes justement qui aimeraient monter leur propre journal ?

Sarah ⎢ Pour toute initiative éditoriale, il faut bien définir sa cible, son message et son contenu. Je pense qu’il faut prendre le temps de regarder ce qui a déjà été fait pour bien structurer son projet. Il faut également bien penser sa stratégie de communication et la pertinence de son journal.

RTM Aujourd’hui, le magasine Negus est tiré à combien d’exemplaire ?

Sarah ⎢ A nos débuts, nous tirions entre 30 et 40 000 exemplaires. Nous avons ensuite suspendu la publication du Négus pendant une année pour restructuration. Nous l’avons relancé en décembre 2018, et aujourd’hui nous tirons près de 10 000 exemplaires. Cet été, nous fêterons les trois ans du magazine. Nous avons d’ailleurs prévu un numéro spécial pour l’occasion.

Portrait Sarah Kouaka rédactrice en chef du magazine Negus

RTM Pouvez-vous nous citer 3 femmes qui vous inspirent et qui à leur manière vous ont permis d’être la femme que vous êtes aujourd’hui ?

Sarah ⎢ Je dirais tout d’abord ma maman. Elle toujours répété l’importance d’être indépendante en tant que femme, de ne pas dépendre d’un homme et de pouvoir se débrouiller seule. Elle m’a aussi transmis ce caractère un peu grande gueule. Je suis quelqu’un qui ne se laisse pas faire grâce à elle. Elle m’a souvent rappelé le contexte dans lequel on évoluait, que nous sommes noires et que les choses seront plus difficiles pour nous. Tout cela m’a permis d’aborder les choses en connaissance de cause.

En deuxième… Oprah. C’est cliché, je sais. Mais je la nomme non pas pour sa casquette de journaliste mais plus pour son positionnement en tant que felle qui n’a pas cédé à la pression sociale. Elle ne s’est pas dit qu’il fallait absolument qu’elle fasse un enfant, qu’elle soit en couple, elle a fait ce qu’elle avait envie de faire. Elle voulait prospérer dans son activité et c’est ce qu’elle a fait.

En dernier, je dirais Michelle Obama, parce que c’est la seule à mes yeux qui a rendu vrai le proverbe “derrière chaque grand homme se cache une femme” d’autant plus qu’elle n’était pas cachée derrière, mais à côté ! Elle a montré qu’être une première dame ne veut pas dire être une potiche. Elle a mis toutes ses qualités, toutes ses compétences au service de la carrière de son mari sans être sa secrétaire.

RTM Quelle est la prochaine étape pour vous ? Avez-vous des projets pour les mois à venir ?

Sarah ⎢ Je continue de rédiger, je reste dans l’écriture. Je travaille notamment sur des projets dans l’audiovisuel. Mais il faut savoir que Negus et Nofi me prennent énormément de temps et que c’est très difficile d’envisager autre chose.

RTM Comment on gère un travail aussi prenant, sans heure de début ni de fin et donc autant de pression ?

Sarah ⎢ D’abord, on en a conscience avant même de se lancer dans le métier, donc ça aide. Ensuite, c’est une passion… Si vous êtes journaliste et que vous voyez ça simplement comme un job, ça ne va pas fonctionner. Vous n’allez pas accepter de donner autant de votre temps et de votre sang. C’est avant tout une passion. Le plus difficile, c’est de s’efforcer à s’octroyer des moments de repos et des coupures.  

RTM Avez-vous une routine self-care ?

Sarah ⎢ Pas du tout, j’essaye d’aller au sport, de penser à moi. Mais il y a cette pression qui fait que lorsque vous ne travaillez pas, que ce soit quelques heures ou une journée, vous avez l’impression de perdre du temps ou de rater quelque chose. Ma routine, c’est mon travail. C’est surement triste à dire mais c’est le cas.

RTM Qu’est-ce qui fait de vous Sarah une Reine Des Temps Modernes ?

Sarah ⎢ Le fait d’avoir réussi avec l’âge et le temps à vraiment faire abstraction des pressions sociales. Bien souvent, on dit que l’on s’en fiche mais ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, j’arrive vraiment à m’en foutre (sourire). Je me dis que ce qui m’intéresse vraiment c’est ma carrière, mes projets, tout ce que je veux bâtir et qui dépend de ma volonté. Je ne me sens plus inquiète ou angoissée par le fait de fonder une famille par exemple. Je ne suis simplement pas encore à cette étape de ma vie.

RTM Que penserait la Sarah d’il y a 10 ans de la Sarah d’aujourd’hui ?

Sarah ⎢ Elle serait fière, je pense, mais elle lui dirait sûrement d’aller plus vite !

2 Commentaires

  1. […] Le journalisme, malgré tout l’aspect virtuel est un métier du réel. C’est d’ailleurs pour cela que les portes sont si difficiles à faire exploser pour les femmes noires, car nous n’appartenons pas à ces cercles, on ne nous voit pas, on ne se souvient pas de nous parce qu’on n’existe pas dans leurs têtes. Il faut donc s’imposer. […]

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