Doris ( Chanteuse) – “L’enfant noire est un projet très intimiste, du coup, je suis allée chercher l’inspiration au plus profond de moi.”

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Elle s’appelle Doris. Elle chante, mais elle écrit aussi. Elle crée, elle raconte des histoires, son histoire, mais nos histoires aussi. Elle voyage, au plus profond d’elle même pour raconter en chanson ses blessures, ses doutes, son coeur. Alors, elle nous fait voyager aussi. Rencontre avec notre QUEENSPIRATION de la semaine !

 

RTM | Bonjour Doris, la première question que j’ai envie de te poser, c’est plutôt chanteuse ou poète ? 

Doris | Hello! Je me retrouve dans les deux. La musique et la poésie m’animent avec la même intensité.

RTM | On a fait un peu les choses à l’envers, du coup, pourrais-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs avant de continuer  ?

Doris | Moi, c’est Doris. Je chante et j’écris.

Petite, j’entendais souvent mon père fredonner “ne me quitte pas” de Brel à ma mère, et maman n’est jamais partie. Du coup, j’étais persuadée qu’en écrivant de belles chansons, on ne me quitterait jamais. C’est comme ça que j’ai inventé mes premières mélodies.

En parallèle à la musique, j’ai fait de longues études et j’ai décroché deux master II. Mais je n’ai jamais oublié mes rêves d’enfant pour autant.

J’ai sorti trois EP et écrit pour différents artistes de la scène française.

Mon album le plus récent s’appelle “l’Enfant noire”. Il mêle afrobeat, néo-soul et bossa nova. Il est une réflexion sur les dynamiques raciales et les chaînes insidieuses héritées de l’histoire.

J’aspirais à couvrir d’amour chaque petite fille racisée, à commencer par celle que j’ai été. Je souhaitais qu’elle s’aime de bout en bout.

 

 

RTM | La première chose qui m’a frappé en écoutant tes morceaux et en te découvrant sur la toile, c’est la douceur qui s’exprime à travers tes morceaux. Est-ce un de tes traits de caractère ? 

Doris | Mmmmm. #rires. J’essaie.

RTM | Quels ont été tes premiers contacts avec la musique ?

Doris | Mon père qui chante Jacques Brel, Alain Souchon, Bob Marley, ou Fela Kuti. Je le vois fredonner son amour à ma mère, chanter la révolution, refaire le monde, rire, danser…

RTM | Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer ?

Doris | Les rencontres. J’ai eu la chance de croiser d’incroyables artistes, qui m’ont poussée, accompagnée, dessinée artistiquement. Je pense à Gystere qui a produit mon premier Ep baptisé “Doris”, ou à Nodey, qui a travaillé sur le second nommé “Garçon”. Je pense également à Kired, Nitu, Drixxxé ou Taïpan qui ont travaillé avec moi sur “L’enfant noire”.

Je pense à Taïro qui m’a donné l’opportunité de co-écrire sur son dernier album, ou aux Nubians, deux véritables muses qui ont collaboré sur mon Ep l’enfant noire.

RTM | Tu as récemment lancé un EP « L’enfant noire ». Tu expliques que ton inspiration provient d’un appel reçu de ton arrière grand-mère paternelle. Peux-tu nous en dire plus ?

L’enfant noire est effectivement né d’un appel, celui de mon arrière grand-mère paternelle. Cette vieille femme m’attendait, là-bas, derrière l’océan, dans le village de Nguibassal au Cameroun. Alors j’ai pris un avion et je suis partie me recueillir sur sa tombe. Ce voyage a été très émouvant. Il m’a permis de découvrir des bouts de mon histoire.

Ca ressemblait à des pièces de puzzle qu’on assemble, sauf que le puzzle, c’était moi.

RTM | Tu dis également que tu as pu te réconcilier avec « l’étrangère qui t’habite ». Peux-tu nous expliquer ?

Doris | Bien avant d’écrire mon Ep l’enfant noire, bien avant ce voyage en Afrique, j’avais écrit une chanson baptisée “papillon.” Elle commençait comme ça :

“Fille d’esclaves et de vendeurs d’esclaves, je viens de partout et de nulle part. Je suis la voie, je suis l’entrave. Je suis la reine, je suis l’épave…”

Je suis née et j’ai grandi en France, mon père est métis camerounais, ses deux parents sont également métis, nés sous l’ère coloniale au Cameroun. Ma mère quant à elle, est antillaise, descendante d’esclaves et de colons.

J’ai ressenti le besoin de découvrir mon histoire, mes racines. Je voulais savoir d’où je venais, je ne voulais plus être étrangère à moi même. Et je savais qu’un bout de moi était là-bas au Cameroun, je savais que j’y trouverais des parcelles de mon récit.

Au final, c’est comme si mon arrière grand-mère avait ressenti cette quête intérieure. Elle a été mon guide, mon chemin.

 

 

RTM | Dans le cadre de ce projet et de cet appel, tu es parti au Cameroun te rapprocher de tes racines. Qu’est-ce que tu retiens de ce séjour ? Comment es-tu revenu ?

Doris | Grandie et terriblement forte, car je rentrais avec les bénédictions de mon aïeule. Comme l’a écrit Birago Diop, “les morts ne sont pas morts.” Je sais plus que jamais que mon arrière grand-mère veille sur moi.

RTM | On sent également que tu accordes une place importante à l’image, aux visuels que tu proposes. Tes clips sont très esthétiques. Quelle relation fais-tu entre le son et l’image ?

Doris | Les images parlent autant que les mélodies. Je voulais des visuels raffinés et puissants. Alors j’ai confié mes rimes à des esprits créatifs, inspirés et inspirants, notamment à Louisa Adjadja qui a réalisé mon clip “Masque Blanc”, à Alexis Peskine et Soraya Chouaïeb qui ont co-réalisé mon clip “La couronne de Jeanne”, à Demoizelle Coco et Anthony Peskine qui sont à l’origine de ma pochette d’album. Ou encore à Harold Fibo qui a également travaillé sur mon imagerie. Les lauriers sont pour eux, moi je n’y suis pour rien. #Rires

RTM | Où puises-tu ton inspiration pour écrire ?

Doris | L’enfant noire est un projet très intimiste, du coup, je suis allée chercher l’inspiration au plus profond de moi. Je voulais entendre la petite fille que j’ai été, me rappeler de ses plaies de l’âmes.

J’ai également écouté la femme que je suis devenue, et toutes les femmes qui m’ont aidée à grandir, ma mère, mes grand-mères, mes arrières grand-mères.

Mes inspirations étaient également glissées dans la littérature. Je pense à Shug Avery, à Pecola, à Celie, je pense aux écrits de Christiane Taubira, de Toni Morrison, je pense à Mayotte Capécia décrite par Frantz Fanon… Ces femmes réelles ou fictives m’ont aidée à m’interroger sur moi-même.

RTM | L’enfant Doris dirait quoi à la grande Doris ?

Doris | Elle me ferait promettre de toujours garder un peu d’elle en moi, de ne jamais vraiment grandir. D’avoir “le talent de devenir vieille sans être adulte”. (dixit Brel).

RTM | Si tu devais nous citer une difficulté rencontrée pendant ton parcours, quelle serait-elle ? 

Doris | Y croire sans discontinuer, 24/7. Je reste persuadée que je suis mon plus redoutable obstacle. Tous les autres sont surmontables.

 

 

RTM | Comment l’as-tu surmonté ?

Doris | J’apprends à me faire confiance et à rêver grand.

J’apprends la patience, l’indulgence, la résilience et la persévérance. Pas toujours facile de retenir les leçons! #Rires

Mais je m’applique.

RTM | Quelle est ton actu à venir qu’il ne faut surtout pas manquer ? 

Doris | Mon EP ‘L’enfant noire”! Il est partout deezer, spotify, itunes, apple music, soundcloud, youtube.

Mes clips! “La couronne de Jeanne” et “Masque blanc” disponibles sur youtube (et très bientôt sur MTV Base Africa pour Masque blanc).

De belles surprises arrivent, je garde le secret.

RTM | Qu’est ce qui fait de Doris, une Reine Des Temps Modernes ?

Doris | Je ne sais pas si je mérite une couronne. Je deviendrai reine uniquement après avoir couronné des millions d’autres femmes avant moi.

Quand je verrai que ma musique apaise, libère, détruit des murs, dessine des ponts, là, je serai reine. Mais pas avant…

 

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