Mother Rheeda : “On peut ne pas s’assumer dans le monde extérieur mais quand on est en Ball on s’assume et on se soutient.”.

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Crée dans les années 60 à New York par des drag queens et des transsexuels noirs et latinos, le voguing connait depuis quelques années un renouveau. En France tout particulièrement, permettant ainsi à un pan de la jeunesse de s’affranchir des clichés et d’affirmer leur identité. A Paris, Mother Rheeda, « mother » de la première House française, House of LaDurée, souhaite faire briller cette culture. Rencontre avec notre QUEENSPIRATION qui nous plonge​ ​dans​ ​son​ ​univers​ ​et​ ​celle​ ​de​ ​sa​ ​famille.

RTM​ ​|​ ​Peux-tu​ ​te​ ​présenter​ ​et​ ​présenter​ ​la​ ​famille​ ​House​ ​of​ ​LaDurée ?

Rashaad | Je m’appelle Mother Rheeda dans la Paris Ballroom Scene (Scene voguing parisienne). Je suis la Mother de la première House française, ​House of LaDurée​.

House of LaDurée​, c’est une House sucrée, salée qui rassemble une vingtaine de personnes de toutes origines, venant de tous horizons et principalement issue de la​ ​communauté​ ​LGBTQ+​ ​.

RTM​ ​|​ ​D’où​ ​vient​ ​l’inspiration​ ​du​ ​nom​ ​de​ ​votre​ ​house ?

Rashaad | A l’époque où je souhaitais créer une house française, toutes les « houses » que l’on retrouvait en France étaient des “filiales” de houses américaines et portaient des noms de créateurs de mode. Je voulais me démarquer et souligner la différence. Lorsque j’entends France, j’entends mode et gastronomie. Etant en plus un grand fan de macarons, je trouvais que le nom de​ ​l’enseigne​ ​​LaDurée​​ ​correspondait​ ​parfaitement.

RTM​ ​|​ ​A​ ​quand​ ​remonte​ ​la​ ​création​ ​de​ ​votre​ ​house ?

Rashaad | Nous nous sommes crées en 2013. Nous sommes très jeunes comparativement aux Houses américaines qui existent depuis les années 60. Nous n’avons pas encore 10 ans. Les « filiales » ou « chapitres » des houses américaines que l’on retrouve ici sont elles aussi très jeunes pour la plupart. Nous sommes la seule house qui n’a pas de maison mère aux Etats-Unis. On aimerait justement faire l’inverse, et devenir la maison mère de chapitres en Europe​ ​ou​ ​aux​ ​Etats-Unis.

RTM​ ​|​ ​Comment​ ​vous​ ​êtes​ ​vous​ ​rencontrés ?

Rashaad | J’ai rencontré l’un des premiers membres de la House of LaDurée en 2013 à la Mona : Mathieu alias Matyouz, qui faisait du Old Way, l’ancêtre du Vogue Fem. Il s’agit d’une catégorie qui est plus portée sur les lignes et les poses (ou posing). Lorsque je l’ai vu danser, je me suis dit qu’il fallait absolument qu’il rejoigne la House. C’est la première personne que j’ai contactée. Ensuite il y a eu Leïla​ ​(Leï​ ​The​ ​Night)​ ​qui​ ​faisait​ ​du​ ​Old​ ​Way​ ​et​ ​du​ ​Wacking.

La House of LaDurée se compose aussi d’anciens amis et de rencontres. Il y a des hommes​ ​et​ ​des​ ​femmes.​ ​Il​ ​y​ ​a​ ​également​ ​des​ ​hétéros.

RTM​ ​|​ ​Qu’est-ce​ ​qu’une​ ​House​ ​pour​ ​toi ?

Rashaad | A l’epoque, les personnes exclues de chez eux par rapport à leurs orientations sexuelles se retrouvaient seules et à la rue. Ces derniers trouvaient refuge ou étaient recueillis par des familles adoptives “gay” les aidant à survivre dans cette “jungle”. Une house, c’est une famille, un refuge, un “gang”. On est à peu près 26 dans la famille LaDurée. On s’entraide, on se soutient, on se comprend, on s’aime avec nos qualités et nos défauts.

RTM​ ​|​ ​En​ ​tant​ ​que​ ​Mother​ ​de​ ​la​ ​famille.​ ​Quel​ ​est​ ​ton​ ​rôle?

Rashaad | La mère comme le père doivent subvenir aux besoins des enfants de la famille. Il y a une véritable dimension sociale. On est la pour se soutenir moralement, faire de la prevention “santé”, notamment aider dans les démarches administratives, financières. On essaye de montrer la voie. Une House, c’est d’abord les liens de la famille. Les Balls (bals) viennent ensuite pour se défouler. C’est le jour “sacré”, le lieu où l’ensemble de la Ballroom se rassemble pour extérioriser toute la frustration subie par la société hétéronormée.

RTM​ ​|​ ​Comment​ ​est​ ​née​ ​la​ ​Ballroom​ ​(=​ ​Scene​ ​vogue) ?

Rashaad | La Ballroom a été créé en réponse aux discriminations et au racisme que subissait la communauté LGBT afro-latino …. Les membres de celle-ci se retrouvaient et essayaient d’égayer leur misère et leur quotidien dans les Balls. Lorsque vous allez dans des Balls, vous y voyez des personnes fières d’être ce qu’elles sont, fières d’être noires et fières de faire parti de cette communauté. On peut ne pas s’assumer dans le monde extérieur mais quand on est en Ball on s’assume et on se soutient. Il s’agit d’une vraie célébration.

RTM​ ​|​ ​Comment​ ​as-tu​ ​découvert​ ​le​ ​Voguing ?

Rashaad | J’ai découvert le voguing il y a une dizaine d’années avec mes deux amis : Mother Precious Ebony (Paris chapter) et Lasseindra Ninja, Mother de la House of Ninja à Paris et en Europe. En regardant des vidéos sur Youtube, nous sommes tombées sur une vogueuse transsexuelle très connue, Leiomy, Mother de la House of Amazon. Je suis tombé amoureux tout de suite. On était trois à en faire en France au début.

 

RTM​ ​|​ ​Peux-tu​ ​nous​ ​expliquer​ ​ce​ ​qu’est​ ​le​ ​Vogue​ ​Fem ?

Rashaad | Le Vogue Fem est une des catégories dansantes de la culture. C’est une danse qui permet d’extérioriser sa féminité avec auto-dérision. C’est ma vision en tout cas. Pour moi le Vogue Fem, c’est l’hyperbole de la féminité. Il y a 5 éléments que l’on doit toujours retrouver : les hands, le catwalk, le duckwalk, le floor et le dip. Avec ces 5 éléments, il faut faire une performance, raconter une histoire. Notamment​ ​dans​ ​les​ ​Balls.

RTM | Penses-tu que le Voguing se soit véritablement fait sa place en France ?

Rashaad | Je pense qu’il y a beaucoup d’amalgames et de confusions encore aujourd’hui. Il y a une méconnaissance des origines du Voguing, de la BallRoom. Le grand public ne connaît pas les origines du Voguing. Mais les choses commencent à changer. Il y a de plus en plus de reportage sur le sujet avec des témoignages de personnalités de la Scene parisienne telles que Lasseindra ou moi-même. On prend le temps d’y expliquer les origines, et surtout l’évolution du Voguing. Vice a d’ailleurs récemment sorti un document sur le sujet, « Paris is Voguing ».

Les médias s’y intéressent de plus en plus. Mais c’est toujours délicat. La présence de ces derniers peut parfois sembler intrusif car il s’agit quand même d’une intimité qu’ils viennent filmer. Certains membres de la Ballroom sont contre,​ ​ne​ ​désirant​ ​pas​ ​être​ ​vus​ ​par​ ​leur​ ​famille​ ​ou​ ​leur​ ​entourage.

Il y a du positif et du négatif à ce que les médias s’y intéressent. Certains médias font bien leur travail et parviennent à retranscrire la dimension artistique, esthétique, sans oublier de mentionner les origines de la culture. D’autres le font moins​ ​bien,​ ​et​ ​ça​ ​peut​ ​être​ ​gênant.

https://www.facebook.com/HouseOfLaDuree/videos/510986569090600/

RTM​ ​|​ ​Si​ ​je​ ​te​ ​dis​ ​féminité,​ ​tu​ ​me​ ​dis ?

Rashaad | Douceur. Pour moi féminité rime avec douceur et élégance. Les hétéros ont tendance à dire que la féminité se retrouve uniquement chez les gays mais je pense que tous les hommes ont une part de féminité. Il n’y a pas de honte à l’assumer​ ​tant​ ​que​ ​l’on​ ​sait​ ​ce​ ​que​ ​l’on​ ​est.​ ​Chacun​ ​est​ ​libre​ ​de​ ​faire​ ​ce​ ​qu’il​ ​veut.

RTM​ ​|​ ​Grace​ ​Jones​ ​ou​ ​pas​ ​Grace​ ​Jones ?

Rashaad | Bien sûr, Grace Jones. C’est un personnage atypique, légendaire, extravagant, ultra féminin malgré son côté très masculin. J’adore son androgénéité.​ ​Elle​ ​est​ ​complètement​ ​crazy.​ ​J’adore​ ​Grace​ ​Jones.

RTM​ ​|​ ​Quelle​ ​serait​ ​ta​ ​définition​ ​d’une​ ​Reine​ ​Des​ ​Temps​ ​Modernes ?

Rashaad | Une femme ou un homme, je dirais même, un être charismatique, fort, qui​ ​s’assume.​ ​Une​ ​personne​ ​indépendante,​ ​qui​ ​se​ ​sent​ ​libre.

 

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