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A là fois douce et pétillante, notre QUEENSPIRATION du jour vit au rythme de ses passions. Danseuse de profession mais aussi chanteuse, Lÿdie La Peste, a gentiment accepté de nous ouvrir les portes de son univers.
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RTM | Bonjour Lydie, peux-tu te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas ?
Lÿdie | Je m’appelle Lydie Alberto. Je suis originaire de l’Angola et de la Centrafrique. J’ai grandi en France, en banlieue parisienne. Je suis d’abord danseuse de profession. J’ai commencé la danse en tant que hobbie. C’était une activité extra-scolaire à l’époque du collège. Très vite, je me suis rendue compte que j’aimais ça et j’ai surtout eu la chance de tomber sur une superbe chorégraphe, qui s’appelle Marguerite Mboulé, qui m’a dès le départ encouragé à me lancer.
En parallèle, j’ai poursuivi mes études. J’ai passé un BTS Assistante Secrétaire Trilingue puis une licence adjoint responsable export que j’ai validé. Pendant ma licence, j’ai été prise en stage chez Dior Joaillerie. A la fin de ma période de stage, on me propose un plan ridicule sous-payé en tant que danseuse en Pologne et Dior me propose un contrat. Évidement, j’ai refusé le contrat chez Dior… et ça fait maintenant 7 ans que je suis danseuse professionnelle.
« Lorsque l’on m’a proposé le poste, je me suis demandée si je devais accepter le poste parce que je le trouvais vraiment cool ou est-ce que je l’acceptais parce que c’est tendance et que je voulais faire jalouser mes copines. »
RTM | Peux – tu nous en dire plus sur les raisons qui t’ont poussé à refuser ce poste chez Dior Joaillerie ?
Lÿdie | J’adore la mode. J’ai adoré mon expérience chez Dior. Mais il y a aussi un côté « fake » dans le monde de la mode, que l’on retrouve aussi à plus petite échelle dans le milieu artistique en général, qui ne me convenait pas. J’ai grandit à Saint Denis et l’humain compte beaucoup pour moi.
Lorsque l’on m’a proposé le poste, je me suis demandée si je devais accepter le poste parce que je le trouvais vraiment cool ou est-ce que je l’acceptais parce que c’est tendance et que je voulais faire jalouser mes copines. La danse à contrario me faisait me faisait vibrer.
RTM | Cela fait maintenant 7 ans que tu vis de la musique. Quel est le style qui te définirait en tant que danseuse ?
Lÿdie | J’ai commencé avec le hip-hop avec Marilyne des Black Blanc Beurre (ou B3) au Prisme d’élancourt. Puis l’amour de la danse fait que tu as envie de découvrir autre chose, d’autre style. Aujourd’hui, je touche à tout, je suis très polyvalente dans ma danse donc difficile de définir un style unique.
RTM | La musique est venue bien après dans ta carrière. Quel a été le déclic ?
Lÿdie | Quand je refuse ce contrat chez Dior. Je me dis, quitte à ce que je me lance dans l’artistique, autant le faire à fond et toucher à tout. J’avais un petit carnet de bord, un espèce de journal intime où j’écrivais des poèmes. Dans le même temps, Marguerite me fait rencontrer Shay Mané, un auteur, compositeur, interprète, multi instrumentistes… Je lui envoie deux, trois textes. On se rencontre chez lui. On commence à discuter influences musicales, il sort sa gratte, je prends un texte et une chanson est née. Très vite, on fait des petits concerts dans des bars à gauche à droite.
Au début, la musique c’était un bonus car la danse occupait de plus en plus de place dans ma vie. J’avais dansé pour la comédie musicale « Fela !» à Londres. J’avais aussi dansé pour des créations contemporaines avec des chorégraphes de renom. Mais je commençais à me lasser de cette casquette « d’artistes/interprètes ». Lorsque tu danses pour une pièce, tu deviens l’ambassadrice de la pièce, que tu l’aimes ou pas, tu la défends, sauf que d’un point de vue humain, l’intégrité ne suivait pas toujours. J’avais l’impression de devenir l’esclave de mon art.
Aujourd’hui, je ne danse que pour les spectacles qui me touchent et qui sont plus des coups de cœur qu’alimentaires. Ce qui me permet de me consacrer à la musique.
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RTM | Lorsque l’on regarde tes vidéos de concert, on sent bien que la scène occupe une place importante dans ta musique.
Lÿdie | Je pense que la scène c’est ce qui me permet de me démarquer. Pour le moment, je ne suis qu’à 0,5% de ce que je voudrais faire et de ce que je voudrais montrer, car qui dit performance, dit mise en scène, lumières, scénographie…
« Lorsque tu es triste, en colère, où que tu as peur, ça se ressent dans la voix. La voix trahit ton état. »
RTM | Il y a quelque chose de très sensible, de quasi fragile, qui transparaît à travers ta musique. A l’inverse de la confiance en soi que l’on ressent lorsque l’on te rencontre. La musique te permet t-elle d’exprimer les choses différemment ?
Lÿdie | La danse, c’est ma zone de confort. C’est ce que j’ai toujours connu, c’est ce qui me permet de vivre. La musique, c’est quelque chose que je découvre encore. La musique a aussi ça de particulier, c’est qu’elle valorise d’abord la voix, et toutes les émotions passent par la voix selon moi. Lorsque tu es triste, en colère, où que tu as peur, ça se ressent dans ta voix. La voix trahit ton état.
Mes chansons sont généralement de l’ordre de l’intime. Je suis l’artiste/interprète de ma propre personne quand je chante. Je deviens l’oratrice de mon histoire. Il y a donc forcément quelque chose de plus fragile, de plus touchant.
RTM | Comment définirais-tu ton univers musical ?
Lÿdie | J’aime à le penser comme un patchwork avec plusieurs influences. J’imagine mon album comme une carte que tu étalerais au mur avec plein de punaises de toutes les couleurs et où tu choisirais les destinations à découvrir. J’ai envie que mon univers voyage et face voyager.
J’aime beaucoup l’afrobeat mais pas que. J’aime beaucoup Erycka Badu, mais pas que. J’aime beaucoup Bjork, mais pas que !
RTM | D’où te viens ton nom de scène Lydie La peste ?
Lÿdie | C’est lié à une petite anecdote. A l’époque, un chorégraphe, Philippe Almeida, intervenait dans le cadre d’un stage auquel je participais à l’association INDANS’CITÉ à Aubervilliers.
On avait des workshops d’une semaine pour un spectacle et je passais mon temps à tailler mes copines. Et tous les matins, Philippe me disait « comment ça va, Lydie La Peste ? ». Depuis, c’est resté.
RTM | Tu me parlais au début de notre conversation des hauts et des bas qui rythment la vie d’un artiste. Comment tu gères justement les moments de galères, de doutes ?
Lÿdie | La vie artistique, c’est un combat de boxe permanent. Tu as beau avoir du talent, si tu ne travailles pas ça ne sert à rien. C’est aussi une question de mental. Il faut se remettre en question en permanence et avoir assez confiance en soi pour se dire qu’une réponse négative à une audition, ne remet pas en question qui tu es, ce que tu vaux.
J’ai appris à relativiser. Quand ça ne marche pas trop dans la danse par exemple, je vais me mettre à fond dans la musique ou je vais essayer d’être très productive.
Par exemple, le clip Jackadit, je l’ai tourné dans une période de down. Je me suis laissée du temps pour pouvoir dormir, pleurer, regarder la télé, Bridget Jones, petite session glace Ben & Jery, parce qu’il fallait quand même encaisser le coup et prendre du temps pour moi. Puis après, je me suis dit ok, TO DO LIST « qu’est-ce que je fais de ce morceau ? ». J’ai demandé de l’aide. On a monté une petite équipe et Jackadit est née. Je suis fière de me dire que c’est le fruit d’une période de down.
« L’entourage, c’est le matelas qui ne te fait pas mal au dos, qui amortit ta chute et qui te permet de toujours te relever. »
RTM | En discutant, on se rend compte que ton entourage compte énormément.
Lÿdie | Être bien entourée, c’est pouvoir être soi même. Si Marguerite ne m’avait pas encouragé à me lancer et à me faire confiance, je n’en serai pas là.
Je surnomme mon entourage « les pousseurs de dormeurs ». L’entourage, c’est le matelas qui ne te fait pas mal au dos, qui amortit ta chute et qui te permet de toujours te relever.
RTM | Ta famille aussi t’a t-elle toujours soutenu ?
Lÿdie | Bien sûr que non ! A quelle maman tu vas dire, même au 21 ème siècle : « Je dis non à Dior pour être danseuse ». La première fois que j’ai dit à mes parents que je voulais être danseuse, ils ont rigolé. Ils m’ont dit : « On danse tous les soirs devant les vidéos de Koffi Olomidé. Tu vas dansé quoi ? »
C’est soi tu les écoutes, soi tu décides de t’écouter parce que c’est de ta vie qu’il s’agit. Eux, ils ont eu le temps de vivre la leur. Donc tu t’accroches aux personnes qui croient en toi et qui te poussent à foncer.
Aujourd’hui mes parents sont mes premiers fans. Ils m’ont vu à la télé dans le clip de Stromae. Ça a été le déclic pour eux c’était un signe de réussite. Puis surtout, je ne leur demande jamais rien.
RTM | Vous êtes une famille de 7 enfants. Qu’est-ce que tu veux transmettre à tes petits frères et sœurs ?
Lÿdie | J’ai envie de leur donner espoir et de ne surtout pas réduire leurs ambitions. J’ai envie qu’ils foncent et si c’est dans le mur, ce n’est pas grave. Ils ont la vie pour essayer. J’ai envie qu’ils voient à travers moi, qu’un métier artistique c’est possible.
Je sens dans leurs yeux qu’ils respectent le fait que je n’ai pas un métier comme les autres. Ils aiment le fait de se dire que leur sœur fait un métier cool, lorsqu’ils viennent à mes concerts, à mes spectacles. C’est une manière de leur montrer que c’est possible.
RTM | Si je te demandais de me citer une source d’inspiration féminine ?
Lÿdie | Je dirais Marguerite. Elle a été tant une grande sœur qu’une seconde mère pour moi dans le milieu de la danse. Encore aujourd’hui, quand j’ai des doutes, elle reste une référence. Elle a commencé à danser dans les années 90. Elle a dansé avec les Ophélie Winter, Mc Solaar…
De plus, c’est quelqu’un qui a une vraie force de caractère. Elle a du faire face à de nombreuses difficultés mais ça ne l’a jamais arrêté pour autant. Elle a toujours travaillé dur. Et c’est grâce à son envie et son mental, qu’elle a pu continué de danser et qu’elle a vécu de la danse pendant des dizaines d’années.
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RTM | Qu’est ce qui fait de Lydie La Peste, une Reine Des Temps Modernes ?
Lÿdie | Reine, c’est un peu trop. Quand je vois Reine, je vois ma mère qui a eu son premier enfant à 19 ans et qui a du élever 7 enfants. Je la vois qui se démène pour nous, avec son air un peu froid et un peu hautain.
Donc Reine je ne sais pas, mais Des Temps Modernes, ça je le suis car je vis dans mon temps. J’ai envie de profiter de chaque instant. C’est ce que je revendique. J’ai plutôt envie de dire que je suis « l’ambassadrice des Reines Des Temps Modernes ».
J’encourage les femmes à se lancer, à aller au bout de leurs rêves. C’est le bon moment et surtout il y a de la place pour tout le monde. Il faut juste y aller et ne pas avoir peur de prendre des risques.