Nous avions hâte de vous présenter notre toute nouvelle QUEENSPIRATION de la semaine. Elle s’appelle Marina Camu et elle vient de lancer deux nouveaux concepts dont elle vous parlera mieux que nous. Pétillante, généreuse, bienveillante, cette maman de trois enfants nous parle bien-être, veganisme, yoga, culture afro. Une interview qui fait du bien au corps et à l’esprit !
Wendie – Bonjour Marina, commençons par parler un peu de toi. Qui es-tu et d’où viens-tu ?
Marina – Je m’appelle Marina Camu, j’ai 40 ans. Je suis une maman de 3 enfants. Au cours des 10 dernières années, j’ai travaillé en tant que spécialiste de distribution de produits finis dans le secteur de la logistique pour l’entreprise Procter & Gamble. J’étais responsable de la zone EMEA (East, Middle East, Africa) pour des marques telles que Head and Shoulders.
L’année dernière, il y a eu une re-localisation de la société en Pologne, à Varsovie. On me proposait d’ailleurs une mutation que j’ai refusée. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à me poser des questions sur que je voulais et ce que j’allais faire.
Dans un premier temps, j’ai eu envie de reprendre mes études afin de pouvoir exercer le métier de logisticienne dans le secteur de l’humanitaire. Mais je n’ai pas accroché avec le monde des ONGs. Cependant, j’ai eu la chance de participer à plusieurs programmes et conférences, dont une en particulier qui m’a énormément marqué : «Woman Deliver», organisée par l’ONG qui porte le même nom. J’ai eu la chance de rencontrer des femmes entrepreneuses et notamment des entrepreneuses afro descendantes qui m’ont poussé à me demander s’il n’était pas temps que je me lance moi même. L’idée a commencé à faire son petit bout de chemin en moi, j’ai donc commencé à me poser des questions sur ce qui me plaisait et ce que je voulais porter.
Wendie – Aujourd’hui, tu as lancé 2 concepts, tous les deux en liens avec la culture Vegan. Est-ce que tu peux nous parler de ce choix et de la naissance de ces idées ?
Marina – Il y a quelques années, par l’intermédiaire d’une amie, je suis devenue Vegan. J’ai tout de suite eu envie de m’orienter vers ce secteur là.
Pendant ma phase de questionnement, j’avais l’opportunité de fréquenter plusieurs événements entrepreneuriaux du type Black Entrepreneur Meet Up. C’est en fréquentant ces événements que je me suis rendue compte que dans la communauté afro-caribéennes, nous n’étions pas du tout éduquer à ces thématiques et sujets là. Il y avait un véritable manque de connaissances autour du bien-être, de la santé mentale et physique. Pour moi, il s’agissait d’une mission qui faisait sens. Et il y avait aussi une véritable opportunité commerciale.
J’ai donc lancé deux concepts : Vegan Beauty Food qui est un service de traiteur vegan et Black Vegan Beauty, un e-shop de produits éthiques dédié à la célébration de la beauté des femmes noires.
Wendie – Avant d’aller plus loin, est-ce que tu pourrais nous rappeler la définition d’un vegan ? C’est surtout pour moi 🙂.
Marina – Un vegan est par définition végétalien. Les vegans n’utilisent et ne consomment pas de produits issus de la culture animale. Par exemple, au miel ou au sucre, on va préférer le sucre de betterave. Les produits chimiques, comme par exemple, le sucre de sacarine, ne seront pas consommé par un vegan car ce n’est pas végétal.
Wendie – Où en es-tu aujourd’hui au niveau de ces deux concepts que tu as crées ?
Marina – Les deux activités fonctionnement. Elles sont encore très jeunes donc il me reste encore beaucoup de choses à mettre en place mais je suis très satisfaite du démarrage.
Je travaille sur l’amélioration de la market place. Je suis entrain de fédérer une communauté autour des valeurs du : veganisme, commerce équitable, soutien de l’économie noire. Le site a été lancé en mars dernier.
Mon activité de traiteur a démarré, elle, en février dernier. Je suis actuellement à la recherche d’un lieu. C’est le gros challenge que j’ai actuellement car depuis le début les banques refusent. N’ayant pas d’expériences dans le secteur culinaire, ça a été plus simple de les convaincre sur la partie market place où j’ai pu faire jouer mon expérience en logistique. C’est mon cœur de métier.
Aujourd’hui pour la partie traiteur, je me concentre plus sur des lieux éphémères où je peux proposer des ateliers par exemple. Pour le moment, je m’associe à des professeurs de yoga ou de sports et je propose des plats, brunchs bios ainsi que des espaces pop up store où le public peut avoir accès à des produits de qualité qui font du bien.
Wendie – Pour toi, il y a t-il eu un déclic ou il s’agissait d’une suite logique des choses ?
Marina – Je pense que c’est quelque chose qui sommeillait en moi depuis toujours. En tant que femme issue de la minorité visible, dès que je commence à vouloir sortir des clous ou à être trop ambitieuse, on essaye toujours de me « remettre à ma place ». On me conseillait de me marier, de m’occuper de mes enfants, on me disait que je n’étais pas assez mature pour lancer un business.
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser au bio, ma mère a failli m’étrangler.
Je pense vraiment que c’est cette conférence qui a réveillé toutes ces choses en moi. Le fait de me retrouver au milieu de 5000 femmes puissantes, confiantes, venues du monde entier, ça m’a vraiment inspiré. On a eu la chance de participer à des ateliers sur la finance, l’économie, les différents leviers pour avoir un impact sur son pays… Les femmes qui intervenaient, étaient ministre, présidente d’ONG, chefs d’entreprise. Je me rappelle de ce groupe de femmes Massaïs venues du Kenya qui se baladaient dans les rues de Copenhague en costume traditionnelle et qui se sentaient à leur place. Et surtout aucune d’entres elles n’étaient venues grâce à de quelconques subventions, elles étaient chefs d’entreprise et avaient fait le déplacement.
Ces femmes m’ont poussé à me dire que c’était possible, peut importe ce qu’en pensait ma mère ou mon banquier.
Wendie – Lorsqu’on découvre ton parcours, en effet, la market place fait totalement sens par rapport à ton expérience professionnelle. En revanche, d’où te viens cet intérêt ou passion pour la cuisine ?
Marina – J’ai toujours aimé cuisiner. J’ai surtout toujours aimé cuisiner pour les autres. J’avais envie de faire un métier qui fasse sens. Et surtout j’avais envie de pouvoir proposer un espace sécurisé et bienveillant où les gens pourraient passer un agréable moment et sentir protéger des micro-agressions de notre société.
Wendie – Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées pour le moment ?
Marina – Des difficultés sur le plan marketing dans un premier temps. Pour tout lancement commercial, il faut identifier sa cible. Il y a deux freins en ce qui concerne : le fait qu’il n’y ait pas de référencement ethnique en France et le fait qu’il n’y ait pas d’agence marketing globale qui s’intéresse sérieuse au phénomène du marché ethnique. On manque d’informations sur nos consommateurs/consommatrices par rapport aux produits bien-être : qui est prêt à acheter ? Combien il/elle pourrait mettre pour un panier moyen ? Qu’est-ce qu’il ou elle attend des produits ? C’est difficile de juger de la viabilité d’un projet dans ces données.
Je suis donc obliger d’aller chercher ces informations moi même, à travers les ateliers et les différentes plateformes que je mets en place. Je fais des tests, je pose des questions, j’analyse les retours des clients pour ensuite pouvoir adapter le produit en fonction des attentes. Mais il y a un énorme travail de pédagogie à faire surtout auprès de nos communautés par rapport aux thématiques du bien-être. Et surtout expliquer que tout ne peut pas être gratuit. On ne fait pas de l’humanitaire ou de l’associatif, il s’agit de véritable business que l’on tente de mettre en place.
Ensuite, évidemment, il y a les difficultés financières. Les banques ont souvent tendance à catégoriser nos projets comme communautaires. Il faut toujours prendre le temps de rassurer, leur faire comprendre l’opportunité avec un vocabulaire économique, leur expliquer que ce marché est un levier positif en termes d’économie globale.
Et enfin, il faut aussi faire attention aux fournisseurs charlatans et prendre le temps de mettre une charte en place pour identifier les bons partenaires.
Il faut donc réussir à jongler avec tout ça
Wendie – Quelles sont les prochaines grandes étapes du projet ?
Marina – Dans un premier temps, c’est réussir à créer une véritable direction artistique propre aux deux marques, car aujourd’hui je vis beaucoup grâce aux banques d’images mais il n’y a pas d’univers propre. Ensuite, c’est réussir à trouver et proposer un espace où toutes les personnes intéressées par ces thématiques pourront venir se documenter et acheter des produits qui ont une valeur en termes d’économie sociale. Un lieu qui soit bienveillant en termes de beauté physique et mentale.
Wendie – Quel est d’ailleurs ton rapport au Yoga ?
Marina – Je pratique le yoga depuis que j’ai 16 ans. J’ai toujours aimé la philosophie qu’il y avait derrière cette pratique même si je trouve qu’aujourd’hui on essaye d’imposer une vision restrictive de la pratique du yoga.
Je pratique beaucoup le HatahYoga et j’ai commencé à m’intéresser au YinYoga et Yoga Binkram. Là où j’habite, il n’y a pas beaucoup de cours dispensé, donc je montais souvent sur Paris pour découvrir de nouvelles salles du style « Chez Simone » par exemple. Le problème, c’est que j’étais souvent la seule afro descendante. Je n’avais pas l’impression de leur ressembler. C’est comme cela que j’ai commencé à faire des recherches sur des professeurs de yoga afros. J’ai d’abord découvert des américains et ensuite, petit à petit, via instagram, j’ai découvert des professeurs français.
Wendie – Tu nous le disais au début, tu es aussi maman. Comment parviens-tu à gérer cette vie de maman-entrepreneuse ?
Marina – C’est le bordel :). C’est horrible. En étant de formation logisticienne, je suis paramétrée pour avoir des procédures et des règles. Sauf que les enfants, ils ne sont pas du tout paramétrés pour tout ça. C’est au jour le jour, parfois ça se passe très bien, parfois, c’est plus difficile. J’aimerais avoir cette image de la fille glamour, superbe qui gère tout à la perfection mais ce n’est pas du tout ça.
Je pensais que ce serait plus simple avec mon mari, qui est très moderne et qui m’encourage dans tout. Mais même pour lui, ce n’est pas évidemment. Parfois, le matin je me réveille à 3h/4h du matin parce que j’ai eu une idée. Et 3h après, c’est lui qui doit se réveiller pour gérer les enfants.
Il faut juste réussir à trouver un équilibre, je pense. Ne pas toujours dramatiser et essayer de prendre les choses un peu à la légère parfois.
Wendie – Et comment essayes-tu de transmettre ces notions de bien-être à tes enfants ? Pratiquent-ils du yoga par exemple ?
Wendie – Mes enfants détestent de ça ! Il n’y a pas de respect. Ils se servent de mes cerceaux pour en faire des lassos. En revanche, ils pratiquent tous un sport. Je trouve que c’est très important qu’ils s’épanouissent dans un sport sans se laisser limiter par les stéréotypes, qu’ils essayent de découvrir ce qui leur fait du bien. J’ai un garçon qui est plutôt rond, qui fait du foot, il va à la piscine, il fait du hand ball. Il a développé une véritable confiance en lui. Il ne comprend jamais d’ailleurs qu’on lui fasse des remarques alors qu’il n’y a rien demandé à personne. Ma fille, elle, fait du krav maga et de l’athlétisme. Elle a des complexes comme tous les enfants mais elle arrive à les gérer de manière plutôt sereine.
Wendie – Quels ont été tes modèles en grandissant ?
Marina – Ma mère, même je n’en ai pris conscience qu’une fois adulte. C’est en grandissant et découvrant l’histoire de ma mère que j’ai pris conscience de sa force. Ma mère a débarqué en France à 18 ans, avec son pagne, en plein hiver. Elle parle trois langues. Elle est combative, elle ne s’apitoie jamais sur son sort. Et c’est la même chose pour toutes les femmes de ma famille.
Il y a aussi toutes ces femmes afro américaines politisés ou non, qui construisent une image positive de la femme noire. Je m’intéresse beaucoup à toutes ces thématiques/débâts autour de l’identité féminine afro. Tout n’est pas à prendre mais au moins ça ouvre le débat. Je me suis par exemple beaucoup intéressée à la polémique autour du collectif MWASI. Je trouve que ces femmes posent des questions qui sont parfois dérangeantes mais qui permettent toujours de se poser de vraies questions qui font bouger les choses.
Wendie – Qu’est-ce qui fait de toi une Reine Des Temps Modernes ?
Marina – Je pense qu’aujourd’hui, ce qui fait de moi une Reine, c’est que je n’ai vraiment pas peur. Je suis fière de ce que j’ai déjà réalisé et de ce que je veux réaliser. Je suis fière de mon histoire et d’où je viens. Je n’ai plus de complexes. Je ne sais pas si c’est lié à l’âge ou à l’air du temps mais je me sens forte.
Wendie – Quels conseilles tu donnerais à ta fille si elle veut se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Marina – N’ayez pas peur d’acquérir de l’expérience à travers de multiples projets, quel qu’ils soient. Il faut tester, il faut rencontrer des gens. Expérimenter, rencontrer et suivre son instinct, ne pas avoir peur de sortir des clous.
J’ai eu la chance par exemple de rencontrer une femme, Tatiana, qui tient un bar à jus « Love Juice Bar » où de nombreuses femmes entrepreneuses se rencontrent et discutent. Là bas, j’y ai rencontré Tasha, une australienne qui tient un blog Vegan, qui me disait qu’en Australie, il existe aussi des structures qui aident les entrepreneurs/entreprises mais que là bas, ils n’en ont rien à secouer.
Les structures, c’est bien pour certaines personnes mais pas pour tout le monde. Tu as aussi le droit de faire ce que tu veux, comme tu le sens, sans suivre toutes les règles. Il faut savoir oser, se lancer, faire et apprendre de son expérience qu’elle soit positive ou négative.
[…] A l’époque d’ailleurs, je ne me disais pas féministe. C’est ma rencontre avec ces féministes noires, ces ouvrages et ces œuvres qui m’ont réconcilié avec le féminisme. Ce qui m’a plu dans l’afroféminisme, c’est la dimension intersectionnelle des luttes. J’ai pu pensé le militantisme et le féminisme de manière plus concrète et plus complexe. L’afroféminisme m’a permis de mieux appréhender les dessous du système et surtout l’afroféminisme m’a mené au veganisme. […]