Nathalie Avomo Essono (Auteure) – “Nous ne pouvons pas nous limiter ou nous imposer des barrières”

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“A coeur vaillant rien d’impossible”. Notre Reine Des Temps Modernes, Nathalie Avomo Essono, nous le prouve une fois de plus. A tout juste 25 ans, cette jeune femme talentueuse est l’auteure du Petit Manuel Du Cheveu Crépu. Un livret ludique et illustré qui souhaite accompagné toutes celles, qui comme elle, ont décidé de porter leur cheveu naturel. Mais vous imaginez bien qu’elle est bien plus que cela. On vous laisse découvrir le parcours de notre QUEENSPIRATION de la semaine.

Wendie – Bonjour Nathalie, peux-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs ?

Nathalie – Bonjour Wendie, je m’appelle donc Nathalie, j’ai 25 ans. Je suis ingénieure en bâtiment. Mon poste actuel est contrôleur technique du bâtiment.

Je suis gabonaise. J’ai grandi au Gabon et je suis arrivée en France après mon bac. A Nancy plus précisément, où j’ai effectué un DUT avant d’intégrer une école d’ingénieurs à Orléans, où je suis restée 3 ans. Enfin, plutôt deux ans et demi à Orléans car j’ai eu la chance de vivre huit mois au Brésil, à Rio de Janeiro, en échange.

A la fin de mes études, j’ai emménagé à Paris par rapport à mon premier emploi. J’ai été embauché en tant que maître d’œuvre d’exécution dans le bâtiment. J’y suis restée un peu moins d’un an et depuis, je suis contrôleur technique.

Tu remarqueras que cela n’a donc rien avoir avec Le Petit Manuel Du Cheveu Crépu.

Wendie – Oui, en effet pour le moment je ne vois pas du tout le lien. Comment t’es-tu lancée dans l’aventure du Petit Manuel Du Cheveu Crépu ?

Nathalie – Lorsque j’ai eu 20 ans, j’ai décidé de faire mon Big chop. Ça faisait un moment que l’idée me trottait dans la tête. J’avais les cheveux défrisés depuis l’âge de 12 ans. Je les défrisais systématiquement tous les deux mois, voire tous les mois. Autant te dire que les cheveux crépus, je ne connaissais pas du tout. C’est en rentrant en école d’ingénieur que j’ai commencé à me poser des questions. Je me demandais pourquoi tous les mois, je devais faire ce truc-là. Je me demandais pourquoi c’était aussi dérangeant pour moi même de me voir avec mes cheveux naturels. Ça me travaillait, sans pour autant que je puisse mettre le mot « Nappy » dessus. Avec un peu de recul, je pense que c’était une mini crise identitaire qui me poussait à me poser toutes ces questions.

Wendie –  Il y a-t-il eu un déclencheur selon toi ?

Nathalie –  Je ne sais pas trop. C’était peut-être le fait d’être loin de chez moi. Le fait de me retrouver dans un nouvel environnement. Il n’y a pas vraiment eu de déclencheur mais c’est pendant cette période de questionnement que j’ai pris la décision de tout couper en me disant que j’allais laisser mes cheveux comme ils étaient et que j’allais bien voir ce que ça allait donner. Et là, CATASTROPHE ! Enfin gros choc plutôt. Je me suis retrouvée avec les cheveux coupés, ils étaient courts, ça ne ressemblait à rien, surtout pas aux cheveux des filles qui font des Tutos sur Youtube.

J’ai donc décidé de me tresser le temps de m’habituer à mes cheveux crépus. Je me suis tressée pendant environ 2 ans. Le problème, c’est que je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas comment m’en occuper. Et j’avais des remarques de mon entourage qui ne comprenait pas  pourquoi j’avais coupé mes cheveux longs et défrisés.

Je pense quand même qu’il s’est passé quelque chose au Brésil. Même si au final, les brésiliennes mettent beaucoup de tissages, j’ai quand même eu l’impression d’avoir eu une sorte de connexion avec mon africanité ou quelque chose qui a fait qu’en revenant, je me suis dit « Assume-les. Apprends à vraiment connaître tes cheveux. ».

C’est en revenant du Brésil que j’ai vraiment appris à prendre soin de mes cheveux. Je faisais mes recherches, je notais les huiles qui marchaient pour moi, les produits à éviter, je regardais des Tutos. Je suis assez studieuse donc je le faisais de manière très scolaire.

Je cherchais aussi des livres méthodiques sur le sujet des cheveux naturels. Un livre qui me dirait quoi faire le lundi, le mardi, le mercredi… Mais je n’en ai pas trouvé. Il y en avait uniquement en anglais.

Wendie – Est-ce donc tout ce processus qui a permis la naissance du Petit Manuel du Cheveu Crépu ?

Nathalie – Oui, complètement. Je ne pensais vraiment pas rencontrer des difficultés pour mettre la main sur des livres liés aux cheveux naturels. Pour moi, c’était évident qu’il en existait. Lorsque je me suis rendue compte que non, je me suis dit que je ne devais clairement pas être la seule intéressée par ce type d’ouvrages surtout lorsque je voyais les centaines de questions et de commentaires sur Youtube. Il y avait une réelle demande.

J’avais déjà toutes mes notes, donc je me suis dit pourquoi ne pas en faire un livre, un livre accessible facile à comprendre, un livre que j’aurais aimé avoir. Début 2015, j’ai donc commencé à prendre des notes beaucoup plus sérieusement et à mettre mes notes en page.

Je me suis ensuite dit qu‘un livret avec des images, c’était quand même plus sympa.  Une image vaut mille mots comme on dit. Je me suis donc rapprochée de Natacha Nze Ndong que j’ai rencontrée lorsque j’habitais à Nancy. Elle a tout de suite été emballée par le projet.

Wendie – Tu as lancé une campagne de crowdfunding pour financer le projet, qui a d’ailleurs été un franc succès. Quelles ont été les différentes étapes jusqu’à la concrétisation ?

Nathalie – Je trouvais le concept d’une campagne de financement participatif génial car cela me permettait dans un premier temps de savoir si le produit plaisait, puis cela me permettait aussi de trouver une solution pour la partie financière.

Au départ, je visais 4000 euros pour l’impression des livres, et on a réussi à récolter près de 5000 euros. Il y a eu un véritable engouement autour du projet. Une fois la campagne réussie, je me suis rapprochée d’une imprimerie, j’ai commencé à contacter des librairies pour assurer la distribution. Je fais tout en autoédition pour le moment.

Wendie – Est ce que tu peux nous en dire plus sur le contenu ? Qu’est-ce que l’on retrouve dans ce petit manuel ?

Nathalie – J’ai vraiment essayé d’écrire le livre que j’ai toujours voulu avoir. Etape par étape, chapitre par chapitre. Le cheminement que j’ai fait moi-même pour arriver à comprendre mes cheveux. Le livre est donc en 5 chapitres. Le premier chapitre permet de comprendre les cheveux crépus, leur texture. Qu’est ce qui fait qu’il est crépu ? Pourquoi est-il plus sec ? Quelles sont les différences entre un cheveu crépu, bouclé, lisse. La deuxième partie explique la pousse et la perte des cheveux. La troisième partie parle de la routine capillaire. Quelle routine est adaptée ? Quel shampoing ? A quel moment faut-il faire un bain d’huile ?

La quatrième partie est sur les produits capillaires. J’y donne des informations sur le marché de la beauté afro. Et enfin, dans la cinquième partie, on revient sur l’histoire du cheveu noir. L’arrivée du défrisage dans l’histoire du peuple noir. C’est une partie purement historique. Il y a aussi une dernière partie pour les enfants. Comment aborder le sujet avec ses enfants par exemple ?

J’ai essayé de proposer un ouvrage complet mais facile à comprendre.

Wendie – Où en es-tu actuellement au niveau de la promotion du Petit Manuel ?  

Nathalie –  Je suis en recherche constante de points de vente. J’essaye de participer à un maximum d’événements afin de promouvoir et de distribuer le livre. J’ai participé aux dernières éditions des salons Boucles d’Ebène et de la Natural Hair Academy par exemple.

Le livre est déjà actuellement disponible à Paris, Marseille, Lyon et Avignon. On le trouve aussi au Sénégal, Gabon, Côte d’ivoire et Guadeloupe. J’aimerais qu’il soit distribué à plus grande échelle encore !

Wendie – Est ce que ce premier ouvrage t’a motivé à en écrire un second ? Comment parviens-tu à gérer tes deux casquettes : auteure et ingénieur ?

Nathalie – Oui clairement, ça me donne envie de continuer. En ce qui concerne mes deux casquettes, le livre me demande aujourd’hui moins de temps comparativement à la période de création. Lorsque j’étais dans la phase de rédaction, j’étais encore en recherche d’emploi donc ça tombait bien. Ça occupait mes journées. Le matin je postulais et l’après-midi je rédigeais le petit manuel.

Ce n’est pas toujours facile de cumuler les deux. Le temps manque souvent mais ce premier livre m’a donné envie d’en faire plus. Je me suis rendue compte que rien n’était impossible en fait. C’est motivant pour la suite.

Wendie – Quelles sont tes attentes aujourd’hui par rapport au Petit Manuel du Cheveu Crépu ?

Nathalie – J’aimerais que le projet soit soutenu par une maison d’édition qui se chargerait de la partie livraison, commandes, gestions des stocks etc… Cela m’enlèverait un énorme poids.

Wendie – Comment as-tu géré ton retour au naturel par rapport à ton environnement de travail ?

Nathalie – Je ne vais jamais en afro au travail. Je pense que je pourrais y aller car je ne leur demande pas leur avis et que je n’ai pas de compte à leur rendre. Mais je suis une femme, je suis jeune, je suis noire, je suis débutante, lol. J’essaye d’y aller doucement. Je pense que c’est quelque chose qui va venir avec l’expérience. Quand j’aurais un peu plus d’expérience, que j’aurais un peu plus de poids dans l’entreprise, un peu plus de confiance, de confiance technique aussi, je pense que je franchirai cette étape. Pour le moment, j’y vais en chignon, en afro-puff, ou en coiffures avec rajouts ou non (tresses, etc.).

Wendie – Comment as réagi ton entourage lorsque tu leur as parlé de ton projet littéraire ?

Nathalie –  La première personne à qui j’ai parlé du livre, c’est ma mère. Elle a trouvé l’idée plutôt cool. Je n’en avais pas beaucoup parlé autour de moi car tant que ce n’est pas concret, je ne vois pas la nécessité d’en parler. Tant que le livre n’était pas là, j’imaginais qu’il n’allait pas sortir, que je n’allais pas le finir ou que ça n’allait pas marcher. Une fois le livre terminé, j’ai commencé à en parler à mon entourage et j’ai eu pas mal de soutiens, de retours positifs. Mon copain m’a énormément soutenue; d’ailleurs, on a vécu les situations de galères ensemble.

Wendie – On vit dans une société où l’on a encore du mal à accepter les « différentes casquettes ». Le fait d’être ingénieure mais aussi écrivain et entrepreneure. Comment acceptes-tu de vivre avec toutes ces casquettes ?

Nathalie – Ce que je trouve dommage, c’est qu’à partir du moment où l’on ne se cantonne pas à un seul domaine, les gens ont parfois du mal à nous prendre au sérieux. Il pense qu’être touche à tout, c’est être bon nul part. En ce qui me concerne, je remarque que je suis plus efficace depuis que j’ai plusieurs activités car je compartimente et rationalise mon temps. Tout est une question d’organisation selon moi.

Wendie – Tu nous parlais de ton compagnon tout à l’heure qui t’accompagne sur cette aventure. Comment as-tu réussi à gérer justement ta vie privée et cette aventure entrepreneuriale qui ne semble pas être  de tout repos ?

Nathalie –  Je pense que c’est une affaire de personnalité.  A partir du moment où ton conjoint comprend que ton activité n’a aucun impact sur son rôle ou sa position, il n’y a pas de problème. Ce n’est pas toujours facile, c’est clair, mais il faut que les deux personnes soient sur la même longueur d’onde. Je sais que pour certains hommes ça peut être un problème et c’est vraiment dommage de devoir se limiter pour rassurer son conjoint.

Je considère qu’en tant que femme ou qu’en tant qu’homme, nous nous devons de donner le meilleur de nous-même. Nous ne pouvons pas nous limiter ou nous imposer des barrières pour flatter l’ego et ne pas faire d’ombre à notre conjoint. Pour moi, ces réflexions n’ont même pas lieu d’être.

Wendie – Quels ont été tes modèles en grandissant ?  

Nathalie – Ma mère est mon modèle. Elle est ultra intelligente. Je la trouve brillante, ouverte d’esprit. C’est grâce à ma mère que j’aime lire et je sais que c’est en partie grâce à elle que j’ai pu rédiger le Petit Manuel du Cheveu Crépu. Je l’ai toujours vu écrire, prendre des notes, lire, depuis que je suis en âge de marcher. Il y a toujours eu des livres partout chez nous.

Elle m’a toujours encouragée à faire ce que j’avais envie de faire, quelques soit le domaine, que ce soit d’un point de vue professionnel ou personnel.

Ma mère ne s’est jamais opposée à mes choix. Elle ne m’a jamais dit «  tu ne peux pas faire cela parce que tu es une fille » ou « ne fais pas cela, qu’est-ce que les gens vont penser de toi ? ». Les seules questions qu’elle me pose en général sont «  Est-ce que tu es sûre de toi ?  Est-ce que tu es sûr de ton choix ? T’es-tu renseigné sur toutes les conditions ? Si oui, fais-le ! ».

J’ai envie de pouvoir agir de la même manière avec mes enfants. Je veux leur faire comprendre que tout est possible. Je veux leur donner la possibilité de rêver et de réaliser leurs rêves. D’ailleurs, j’en parle un peu à la fin de mon livre.

Ensuite, toutes les femmes qui réussissent pour moi sont des modèles. J’aime voir des femmes noires faire des choses, petites ou grandes. Je respecte beaucoup le travail d’une femme comme Nana Wax par exemple. Et pourtant le secteur de la mode ne me passionne pas plus que cela. Mais je trouve que ce qu’elle fait est super. Elle a des boutiques au Bénin, Congo, Sénégal, Côte-d’Ivoire, etc…

Quand je vois aussi une femme comme Roxane Yap ( Lire son interview pour Reines Des Temps Modernes) de la libraire Lis Thés Ratures réussir à ouvrir sa librairie, je suis aussi contente que s’il s’agissait de ma sœur.

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