Avez-vous déjà entendu parler de la visite d’entreprise ? Jamais ? Alors vous êtes au bon endroit. Notre QUEENSPIRATION du jour s’appelle Sylvia Phibel-Puissant et elle est la première à avoir lancé la visite d’entreprise en Guadeloupe à travers son entreprise Caraïbes Factory.
RTM | Bonjour Sylvia, peux-tu te présenter à nos lectrices/lecteurs ?
Sylvia | Je m’appelle Sylvia Phibel-Puissant. Je suis la fondatrice et présidente de Caraïbes Factory. Je suis également la fondatrice et gérante de Com Eco Caraïbes, une agence de communication globale avec une forte sensibilité pour les questions environnementales.
RTM | Gérantes de deux entreprises si jeune ce n’est pas commande. Est-ce que tu peux revenir sur ton parcours ?
Sylvia | En 2013, j’ai été diplômée d’un Master en communication. L’année juste avant l’obtention de mon diplôme, j’ai eu l’opportunité d’être responsable communication, en alternance, pour la Centrale Géothermique de Bouillante. A l’issue de mon diplôme, j’ai choisi la voie de l’entrepreneuriat, et c’est ainsi que je suis devenue consultante en communication avec pour premier client la Centrale Géothermique.
Je suis restée auto-entrepreneur pendant 2 ans, puis l’activité étant grandissante, j’ai créé, la SARL : Com Eco Caraïbes, en 2015.
RTM | A quel moment naît ta seconde entreprise, Caraïbes Factory ?
Sylvia | Grâce à mes fonctions de responsable de communication à l’époque de mon alternance, j’ai découvert « la visite d’entreprise ». En m’y intéressant de plus prês, j’ai découvert qu’il y avait un vrai engouement autour de ce service. C’est ce qui m’a motivé à créer une nouvelle structure en 2017, Caraïbes Factory qui est donc spécialisée en visite d’entreprise sur les territoires de la Caraïbe. Je fais visiter des sites industriels et artisanaux spécialisés dans la valorisation du savoir-faire et des process de fabrication.
RTM | Quels sont justement les savoir-faire que tu valorises ?
Sylvia | Aujourd’hui, après 1 an d’existence, nous proposons 8 excursions au sein de 4 entreprises différentes à savoir la Centrale Géothermique de Bouillante, la Station Thermale Ravine Chaude, la distillerie Bologne et le laboratoire C3 Mag de l’université des Antilles. Nous proposons un service privilégié et sur mesure pour chacune de ces entreprises. Nous proposons ainsi des visites qui vont permettre de découvrir un service ou produit au moyen d’atelier ludique et pédagogique.
A titre d’exemple, la visite de la Centrale Géothermique s’organise de la manière suivante : une visite du site de 2h suivi d’1 heure de plongée en palme, masque et tuba en mer pour découvrir les sources de la baie de Bouillante. La visite se termine ensuite par une collation.
RTM | Si je comprends bien, tu n’as donc jamais été salarié ?
Sylvia | J’ai fait des petits boulots alimentaires pendant la période de mes études, à l’époque où je vivais à Paris. Mais en effet, suite à l’obtention de mon diplôme, j’ai toujours travaillé à mon compte. Ca peut paraître bête mais parfois je me dis que j’aurais aimé savoir ce que c’est que d’avoir des collègues, de vivre l’ambiance d’une agence, et surtout vivre l’expérience du salaire fixe (rire).
Je le découvrirais peut-être bientôt grâce à mes structures.
RTM | Quelles sont les prochaines grandes étapes pour Caraibes Factory ?
Sylvia | J’ai beaucoup d’ambitions pour cette structure. J’aimerais faire évoluer la plateforme en ligne que nous avons actuellement et enfin aboutir à la plateforme que j’imaginais dès le lancement du projet. A savoir, une plateforme qui permettrait notamment de référencer les entreprises qui adhèrent au circuit, grâce à la mise en place d’une recherche sectorielle, par secteur d’activité, secteur géographique. J’aimerais également référencer les entreprises des différentes îles de la Caraïbe proposer un service d’agenda en ligne et de visites virtuelles.
Dans un second temps, j’ai pour ambition de développer un casque virtuel qui permettrait une visite sensorielle de sites industriels. J’espère pouvoir me faire incuber à Station F, Montréal Lab ou à Welcome City Lab en 2019 sur Paris pour cette dimension plus innovante du projet. Mon objectif reste cependant le marché caribbéen. Je souhaite faire découvrir nos entreprises, et promouvoir un tourisme d’affaire dans nos îles.
« Vivre avec un entrepreneur, c’est ne pas vivre sur le même fuseau horaire. »
RTM | On sent que la valorisation des îles de la Caraïbe te tient à cœur…
Sylvia | Clairement. Je suis chauvine. J’ai découvert la visite d’entreprise en 2012. C’est l’année où les visites d’entreprises démarraient également dans l’hexagone. C’est également l’année de création de l’Association de la visite d’entreprise lancée par la ministre de la culture et du tourisme de l’époque, Sylvia Pinel.
Un jour, en me baladant sur la plateforme de l’association, je lance une recherche sectorielle par zone géographique et je constate qu’ils ne proposaient aucune visite pour la Guadeloupe et une seule pour la Martinique. Ca m’a irrité (sourire). Je me suis dit que s’ils ne peuvent pas le faire, alors je le ferai.
A travers Caraïbes Factory, je souhaite apporter à nos territoires tant sur le plan économique que social. Ces visites selon moi, sont un véritable moyen de nous réapproprier nos territoires.
RTM | Si tu devais nous citer ta plus grosse difficulté, laquelle serait-elle ? Et surtout comment y as-tu fais face ?
Sylvia | Il y en a eu deux, de natures différentes. D’un point de vue professionnel, c’est bien évidemment les finances. C’est surtout frustrant en fait. C’est un obstacle qu’il faut parvenir à dépasser, escalader, contourner, enjamber. J’y ai fait face grâce à mon équipe qui, au départ, a accepté de travailler sans être payée. C’est vraiment grâce à eux, grâce à leur confiance si j’ai pu surmonter la difficulté financière.
La deuxième difficulté est plus personnelle. Au début, ca a été compliqué avec mon mari qui était encore salarié lorsque je me lançais. Vivre avec un entrepreneur, c’est ne pas vivre sur le même fuseau horaire. Nos modes de vies étaient complètement différents. Quand il rentrait du travail, j’entamais ma deuxième journée. C’était l’heure de dîner, et moi j’avais complètement zappé ces histoires de repas… (rire).
J’ai la chance d’avoir un mari compréhensif donc avec le temps, nous avons appris à trouver un équilibre. Surtout, à force de lui parler de Caraibes Factory, il a rejoint l’aventure depuis peu. Je pense qu’il n’y a pas mieux qu’un couple pour faire fonctionner une entreprise parce qu’il y a un intérêt commun, celui de notre survie. Si on ne travaille pas, le réfrigérateur reste vide. Il n’y a plus de filet de sécurité. C’est à la fois effrayant et motivant. Mais à deux, tout est plus supportable.
RTM | Etre femme et évoluer dans le secteur industriel, ça passe ou ça casse ?
Sylvia | Je suis dans un secteur très masculin. Il y a des avantages et des inconvénients, comme j’imagine un peu partout. Faire un joli sourire, être jolie, on ne va se mentir ça peut aider. Face aux situations et aux blagues un peu déplacées, j’ai appris à ne rien prendre personnellement et à me faire respecter par mon travail.
En revanche, ce que je remarque depuis que mon mari a rejoint l’aventure, c’est le manque de crédibilité que je peux avoir aux yeux de certains chefs d’entreprise. En rendez-vous, je constate que le discours va automatiquement s’orienter vers mon mari ou va le concerner directement. Mon mari étant blanc, ça peut être déroutant dans certaines situations. J’ai cependant appris à en faire une force.
Dans certains cas, c’est la situation inverse qui se produit, certains chefs d’entreprise vont être sur la défensive face à mon mari et dès que je prends le relai, ça passe beaucoup mieux, ils s’adoucissent. Au premier abord, ils pensent souvent qu’il s’agit du projet de mon mari jusqu’à ce qu’il fasse son petit pitch et que je vois l’étonnement dans les yeux de nos interlocuteurs.
Ca m’amuse plus ou moins mais ça n’a jamais été un frein. Je le remarque, j’en rigole et au final on l’utilise en notre faveur plus qu’autre chose. On est deux désormais, c’est notre force.
https://www.instagram.com/p/BlBgY7lg3Lw/?taken-by=caraibesfactory
RTM | As-tu des femmes qui t’ont inspiré tout au long de ton parcours ?
Sylvia | Si je dis ma maman, j’imagine que je ne suis pas très originale. Mes parents, plus largement, mais ma mère en particulier. Ma mère m’a toujours élevé dans un monde sans contrainte, no stress. C’est grâce à ça je pense que j’ai crée une entreprise si facilement. Avec ma mère, c’était du genre « Tu as envie d’aller à l’école ce matin ? Non ? Tu es fatiguée ? Ben tu iras un peu plus tard alors ». Toute ma vie, ça a été ça. C’était tellement normal pour moi. Je n’avais aucune obligation de faire des choses. Elle restait tout de même très stricte.
Ma mère m’a toujours soutenu dans chacun de mes choix. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais eu l’impression de « me lancer ». Je faisais simplement. C’est ce qui me permet d’être là aujourd’hui.
Ma famille est ma plus grande inspiration. Mes parents, mes frères et soeurs. Etant la dernière de la fratrie, le regard de mes grands frères compte également beaucoup pour moi. J’ai toujours peur de les décevoir. Quand ils sont fiers de moi, je suis la plus heureuse.
RTM | As-tu une citation, un leitmotiv qui te guide dans tout ce que tu entreprends ?
Sylvia | En créole, on dit « Sé on dézod ka ba on lod ». En français, c’est « du chaos que naissent les étoiles ». C’est une citation que j’aime beaucoup et qui me correspond bien. Je pense que de toutes situations négatives émergent du positif si tu ne t’attardes pas sur le négatif. Je suis souvent débordée, parfois je ne sais pas trop où je vais mais je reste convaincue qu’il y a du positif au bout du chemin, donc je ne m’inquiète pas.
RTM | Qu’est-ce qui fait de Sylvia une Reine Des Temps Modernes ?
Sylvia | Je suis une Reine Des Temps Modernes parce que j’ai la foi, pas seulement en dieu, en l’être humain, en la vie. Nous vivons une époque très individualiste où il est important de se rassembler pour des causes communes, où il est important juste de se mettre ensemble. Je tente d’unifier autour de moi, de pacifier. J’ai envie d’être une Reine qui avance avec les autres. Je veux pouvoir être inspirante pour d’autres personnes et surtout qu’on avance ensemble.
Crédit photo : Guillaume Aricique
Interview très intéressante et étonnante, quel beau concept. J’ai beaucoup aimé le passage dans lequel elle évoque le lifestyle de sa mère… qui l’influencera pour plus tard.