Des QUEENSPIRATIONS, il y en a dans tous les secteurs et dans tous les domaines. Aujourd’hui nous partons à la rencontre d’Isadora Placide, une jeune ingénieure qui a décidé de se spécialiser sur la thématique des déchets. Rencontre avec ces jeunes femmes qui pensent le monde de demain.
RTM | Bonjour Isadora, peux te présenter à nos lectrices/lecteurs ?
Isadora | Je m’appelle Isadora Placide. J’ai 28 ans. Je suis chargée de mission déchet. Je travaille actuellement au sein d’un EPCI (établissement public de coopération intercommunale). Mon travail est essentiellement lié à la prévention et à la collecte sélective des déchets.
RTM | Parles-nous un peu de ton parcours ?
Isadora | Suite à l’obtention de mon baccalauréat scientifique, j’ai intégré l’université des Antilles (Fouillole), où j’ai obtenu une licence en physique chimie, mention chimie. A l’issue de cette licence, j’ai intégré une école d’ingénieur. J’ai obtenu mon diplôme en génie de l’environnement, spécialisé en matériaux. J’ai fait ma première année à Toulouse et les deux suivantes en Guadeloupe.
Pour valider ce diplôme, je devais réaliser un certain nombre de stage. Mon premier stage était orienté collectivité avec une mention « déchet ». Je travaillais sur un diagnostic déchet. Mon second stage de 3 mois, je l’ai effectué aux Etats-Unis au sein d’une université où j’ai travaillé sur les ciments composites à base de fibres et de polymère. Et enfin mon dernier stage, j’ai eu l’opportunité de le faire chez EDF Archipel Guadeloupe, où j’ai travaillé sur l’optimisation de la gestion de leurs déchets.
RTM | Le secteur scientifique, était-ce un choix ?
Isadora | Ca s’est fait naturellement. J’ai toujours eu de meilleures notes dans les matières scientifiques. Les matières dites littéraires, ce n’était pas vraiment ma tasse de thé. En avançant dans mon parcours, je me suis donc débarrassée au fur et à mesure de ces matières là et j’ai privilégié les matières scientifiques.
RTM | Pourquoi avoir choisi la thématique des déchets ?
Isadora | Je suis issue d’une petite commune de la Guadeloupe de 5000 habitants, Baillif. Nous avions une décharge à ciel ouvert pendant près de 44 ans. Souvent, le dimanche matin, nous étions incommodés par les odeurs, à cause des départs de feu au sein de la décharge. C’est ce qui m’a motivé à travailler sur cette thématique. J’ai hésité pendant une période entre les déchets et l’eau, mais je suis finalement restée sur les déchets.
RTM | Etait-ce important pour toi de travailler sur une thématique en lien avec les problématiques et les enjeux de la Guadeloupe ?
Isadora | Oui, le secteur dans lequel j’évolue me permet d’être force de proposition auprès de mes élus notamment pour proposer des projets structurants pour la Guadeloupe. Et puis, comme je l’expliquais c’est une thématique qui me tenait déjà à cœur.
“On pense souvent que les femmes sont absentes du milieu scientifique alors qu’en réalité, elles sont très nombreuses. Il s’agit sûrement d’un manque de représentation et de communication.”
RTM | Quels sont les défis qu’une île telle que la Guadeloupe doit relever ?
Isadora | Je pense que nous avons encore beaucoup de défis à relever pour les futures générations. En dépit de la mise en place d’installations appropriées de traitements avec de bonnes filières dédiées, d’accroître une politique visant à favoriser cette économie circulaire, d’augmenter nos actions de prévention, toute action qui vise à réduire les déchets à la source est nécessaire.
Nous devons trouver les bons leviers qui permettent de réduire les déchets à la source, ensuite il nous faut trouver les bonnes filières qui permettent de leur donner une seconde vie afin de sortir de l’exutoire « enfouissement ».
RTM | Il y a-t-il des concertations à l’échelle caribéenne ?
Isadora | Sur ces thématiques, je trouve que le partage est prépondérant. Les îles de la Caraïbe se rencontrent assez souvent pour échanger. Nous avons même des réseaux communs tel que le DROMCOM par exemple qui réunit notamment la Martinique, Saint Martin, la Réunion, la Guadeloupe et la Guyane.
RTM | Quelle place occupentles femmes dans ce secteur ?
Isadora | On pense souvent que les femmes sont absentes du milieu scientifique alors qu’en réalité, elles sont très nombreuses. Il s’agit sûrement d’un manque de représentation et de communication. Pendant mon parcours en chimie, nous étions plus de femmes que d’hommes par exemple. Même par la suite en école d’ingénieur, c’était assez équilibré. En tout cas sur les postes d’ingénieurs, les femmes sont très présentes, notamment dans les collectivités.
“Je voulais absolument travailler en Guadeloupe. J’ai eu des opportunités dans l’hexagone mais ça ne m’intéressait pas. Je voulais faire avancer mon île.”
RTM | Si je te demandais de nous citer une difficulté rencontrée, laquelle citerais-tu ?
Isadora | Ca n’a pas été évident de trouver rapidement un poste à la fin de mes études. Aujourd’hui avec du recul, ce n’était pas extrêmement long, mais quand on y est, on ne le vit pas du tout de la même façon. On se pose des questions, on doute sur ses choix, on doute de sa motivation… Mais une fois ce cap passé, avec le recul on se rend compte que ces périodes ont également du bon. Il est parfois préférable d’attendre pour trouver ce que l’on veut et aime vraiment.
RTM | Travailler en Guadeloupe a toujours fait parti de tes projets ?
Isadora | Oui, et c’était d’autant plus compliqué que tout le monde me disait à l’époque qu’au vu de mon parcours il était préférable de chercher un poste à l’étranger.
Ca ne faisait pas partie de mes options. Je voulais absolument travailler en Guadeloupe. J’ai eu des opportunités dans l’hexagone mais ça ne m’intéressait pas. Je voulais faire avancer mon île.
Quitte à galérer, je préférais galérer en Guadeloupe. Je savais qu’avec le temps je regarderais cette période en me disant qu’au final, ce n’était pas si difficile que je l’imaginais.
RTM | Quels sont tes modèles d’inspirations ?
Isadora | Je dirai ma directrice actuelle. C’est quelqu’un de très tenace. Le fait d’avoir débuté dans le monde du travail avec elle, a été et surtout sera très bénéfique pour moi. Ca donne de bonnes bases.
RTM | Qui sont tes Reines Des Temps Modernes ?
Isadora | Ma maman. Je ne le lui dis pas souvent, sinon elle risque de prendre la grosse tête (sourire). C’est une femme forte. Elle nous a transmis la détermination, la persévérance à mes frères et moi. Ne jamais baisser les bras, continuer d’avancer, ce n’est pas grave si l’on ne cours pas, même si c’est en rampant, il faut continuer d’avancer. Plus jeunes, nous faisions des activités extra scolaires, mes frères et moi, et il était hors de question d’arrêter une activité par manque de motivation. Si tu commences, tu t’arrêtes à tes 18 ans quand tu pourras prendre tes propres décisions.
Avec le recul, je me rends compte, qu’il y a beaucoup de choses que j’apprécie aujourd’hui grâce à la persévérance qu’elle nous forçait à mettre dans ces activités. La ténacité vient en faisant, avec la répétition. Je lui dois vraiment cela.
RTM | Une petite routine lorsque tu n’as pas le moral ?
Isadora | J’ai une chanson que j’écoute dès que j’ai un petit coup de mou. Une chanson de Riddla qu’il a écrit pour Teddy Riner « Gannyé » . Je trouve cette chanson magnifique. Pour la petite anecdote, il n’y a pas longtemps, je devais partir à Strasbourg pour un concours et ma sœur m’a fait une petite surprise. Elle m’avait préparé une vidéo d’encouragement et elle a intégré cette chanson à la fin de la vidéo. C’est mon petit rituel.
RTM | Quels conseils donnerais-tu aux plus jeunes ?
Isadora | Je leur donnerais les mêmes conseils que je donne à ma sœur ou à mes petits cousins : s’accrocher, ne pas baisser les bras, ne jamais penser que c’est impossible. Je pense que si on veut vraiment quelque chose, et qu’on se donne les moyens, on finit toujours par à y arriver. Il faut prendre le temps de trouver ce qui nous motive vraiment, ce qui nous motive plus que le reste. Il n’y a pas de secret : la répétition finit par payer. Par exemple, j’ai eu mon permis en 3 fois. J’étais très complexéeau début, mais aujourd’hui je l’assume.
RTM | Qu’est-ce qui fait d’Isadora une Reine Des Temps Modernes ?
Isadora | Je pense que je suis une Reine Des Temps Modernes car je parviens à trouver un équilibre entre toutes les choses que j’aime. Ma vie professionnelle, mes activités extra-professionnelles et ma famille. Je me sens épanouie lorsque je parviens à trouver du temps pour les trois. Je ne sais pas si le jour où je serai maman, je serai aussi électrique mais j’aime pouvoir m’épanouir dans plusieurs domaines.