Impossible de passer à côté du travail de la QUEENSPIRATION que nous souhaitons vous faire découvrir aujourd’hui. Avec plus de 15 ans d’expérience dans le métier, Nadine Mateky fait office de référence lorsqu’il s’agit de « hair stylism » et de make-up dans la communauté afro. Lenny Kravitz, Usher, Aïssa Maiga, Rama Yade ou encore Sonia Rolland sont tous passés entre les doigts de fées de cette hair designer et maquilleuse de talent.
RTM | Bonjour Nadine, pourrais-tu te présenter à nos lectrices ?
Nadine | Je m’appelle Nadine Mateky. Je suis congolaise. J’ai grandi entre le Congo et la France. J’ai fait énormément d’aller-retour étant petite. Je suis arrivée en France pour la première fois à l’âge de 4 ans, avant de repartir pour le Congo à mes 8 ans et de revenir définitivement à 13 ans.
J’ai appris à coiffer à 8 ans avec ma grand-mère. C’est elle qui m’a tout appris, tout transmis. Et aujourd’hui, j’ai fait de la coiffure mon métier. Je suis une coiffeuse professionnelle qui s’est donnée pour mission de couronner toutes celles et ceux qui passent entre mes doigts.
« Je ne savais pas du tout ce qu’était un shooting à l’époque. C’était tout nouveau pour moi. »
Nadine | Tu as appris à coiffer très jeune. A quel moment t’es tu dit que tu en ferais ton métier ?
Nadine | Plus jeune, la coiffure me permettait de gagner un petit peu d’argent. Lorsque je suis revenue en France à 13 ans, mon père avait refait sa vie, j’avais une belle mère qui coiffait à domicile. Je l’aidais à coiffer ses clientes mais je ne touchais jamais un sous de ce qu’elle gagnait. J’ai donc décidé de trouver mes propres clientes afin de mettre de l’argent de côté.
J’ai ensuite déménagé du 60 (Nogent), pour m’installer à Pierrefitte avec mon amoureux de l’époque, et j’ai commencé à coiffer mon entourage et les gens de ma cité. Je suis tombée sur une chanteuse qui s’appelle Lady Sweety qui faisait du dancehall à l’époque. C’est une amie, Nathalie, qui était sa manageuse, qui nous a mis contact. Un jour Lady Sweety m’a proposé de la coiffer pour le shooting de la sortie de son album. Je ne savais pas du tout ce qu’était un shooting à l’époque. C’était tout nouveau pour moi. Sur place, je rencontre une maquilleuse qui avait beaucoup aimé la coiffure que j’avais réalisé à Sweety. Je lui avais fait des Marley Twists. Personne ne connaissait cette coiffure à l’époque en France. Je m’étais inspiré des coiffures que j’avais découvertes aux Etats-Unis lors d’un de mes voyages.
Cette même maquilleuse m’a ensuite proposé de la suivre sur un second shooting, puis de la seconder sur différents projets. Tout a commencé comme ça. Un enchainement de rencontres et d’opportunités.
RTM | Les coiffures ancestrales occupent une place importante dans ton travail aujourd’hui. Qu’est-ce que ces coiffures représentent pour toi ?
Nadine | Lorsque j’étais petite, ma grand-mère était la diva du quartier. Elle avait des cheveux longs et naturels qui lui arrivaient au milieu du dos. Elle se faisait toujours de jolies nattes avec des perles ou de belles tresses au fil. Ces coiffures ont toujours fait parties de moi, de mon paysage, de mon imaginaire.
J’aime passé du temps à la bibliothèque ou au musée, notamment au Quai Branly pour retrouver des archives de l’époque précoloniale en Afrique. Il s’agit de notre histoire, il ne faut pas qu’elle s’oublie. Valoriser les coiffures ancestrales, c’est ma manière à moi de faire ma révolution, en montrant qu’avant la traite négrière, il y avait une histoire africaine faite de royaumes, de reines et de rois, d’hommes et de femmes dignes. Ce qui s’est passé n’aurait jamais dû se passer mais on ne peut pas l’effacer. Valoriser cette histoire là, c’est proposer de nouvelles images que l’on porte sur soi même et l’Afrique.
RTM | Tu es aussi maquilleuse professionnelle …
Nadine | Je me suis rapidement rendue compte que la coiffure ne me suffisait pas. J’avais aussi envie de maquiller. Je faisais déjà de la peinture et du dessin en parallèle, donc les couleurs, les harmonies, ne me faisaient pas peur. Dessiner sur un visage, c’est simplement appréhender les proportions différemment.
J’avais envie de pouvoir m’occuper de mes clientes et de les embellir entièrement. J’aime voir mes clientes repartir avec le sourire. Notre métier peut d’une certaine manière s’apparenter au métier de psychologue. On écoute, on discute, on échange, et puis à la fin de la séance, on redonne confiance.
« Je ne me contente pas de coiffer, je raconte toujours une histoire, notre histoire. »
RTM | Tu as travaillé sur de nombreuses Fashion Week avec des créateurs de talents tel que Iman Ayassi. Ton travail a fait la une de plusieurs magasines tels que I AM DIVA, Amina ou encore BlackAttitude. En quoi est-ce important pour toi de laisser des images fortes ?
Nadine | Je ne sais pas quand je serai appelée à partir, j’aimerais avant cela laisser une trace. J’aimerais que mes créations continuent de vivre même après moi. Je souhaiterais que la génération suivante connaisse cette histoire. Je veux que ma fille de 4 ans sache que nos cheveux sont beaux, et que l’on n’a rien à envier à personne. C’est l’héritage laissé par nos ancêtres que je veux transmettre à ma manière.
Le travail que j’ai pu réaliser pour Catia de Black Attitude retraçait par exemple l’histoire de la royauté rwandaise. Je m’étais notamment inspirée des casques égyptiens et des casques des soldats rwandais de l’époque. Je pars toujours de l’histoire que je remets ensuite au goût du jour. Toutes les coiffures que je fais ont une signification. Je ne me contente pas de coiffer, je raconte toujours une histoire, notre histoire.
Il faut aussi savoir que je donne toujours un nom africain à mes coiffures car ces images appartiennent à l’Afrique. Il y a une coiffe par exemple que j’ai appelé Zulumongo, ce qui signifie « le dessus de la colline ». C’est aussi le nom du village d’où viennent mes arrières grands-pères à Kinshasa.
RTM | Aujourd’hui tu es reconnue dans ton métier. Tu travailles avec des personnalités telle que Aïssa Maiga. Tu as maquillé Rama Yade pour la couverture du magasine I AM Diva. Et pourtant la reconnaissance a pris du temps …
Nadine | Quand tu commences, tu as tendance à vouloir tout faire et à dire oui à tout. Inévitablement, tu te retrouves à faire des erreurs. Mais c’est aussi comme cela que tu apprends. Ca va faire 17 ans que je fais ce métier, et 6 ans que j’en vis vraiment. Ca prend du temps. Il y a eu des hauts et des bas, les mauvaises rencontres, les mauvais partenariats, jusqu’à ce que je décide de voler de mes propres ailes pour m’éviter toutes crises cardiaques précoces.
RTM | Quels ont été les événements marquants de ta carrière ?
Nadine | Mon premier défilé organisé le 12 octobre 2012 à la Bellevilloise. Ce défilé a marqué le début de quelque chose. C’est le moment où j’ai décidé de me lancer en solo et de me faire confiance. Ca a été un fort succès. Je n’aurais jamais cru réunir autant de monde à le Bellevilloise.
Il y a eu le défilé d’Abidjan qui m’a bouleversé. Pouvoir exposer mon travail en Afrique, c’était une magnifique expérience.
Il y aussi eu la Natural Hair Academy cette année. Où toutes les hairstylists devaient présenter deux modèles sur le thème de la féerie. J’étais au côté d’autres talentueuses hairstylists telles Sephora Joannes, Dydy Natural Hair Lover et VV Jewelz.
Aujourd’hui je rêve d’aller faire un vrai show aux Etats Unis.
RTM | Tu as une petite fille de 4ans. Comment lui transmets-tu ton amour pour les cheveux et la coiffure ?
Nadine | Ma fille a l’habitude que je la coiffe depuis qu’elle est née. Je la mets toujours dans les conditions d’un salon. Je l’installe devant un miroir, qu’elle voit ce que je suis entrain de lui faire et qu’elle s’admire aussi, qu’elle voit sa beauté. Elle adore ça, elle ne pleure jamais. Elle reste assise, elle regarde, elle patiente parce que je prends le temps de lui expliquer qu’une petite fille doit être belle, doit avoir les cheveux propres. Je lui dis tous les jours qu’elle est magnifique et qu’elle a de très beaux cheveux.
C’est un travail que l’on doit faire en tant que maman. Je procède de la même manière avec toutes les petites filles que je coiffe. Je prends aussi le temps de donner des conseils aux mamans. C’est surtout les mères qu’il faut éduquer afin qu’elle puisse transmettre à leurs enfants.
RTM | Même en tant que Make-up artist, tu prônes le make-up naturel sans d’extravagances pour tes modèles. Pourquoi ce choix ?
Nadine | Je considère qu’il ne faut pas grand chose pour sublimer une femme. Un joli teint, une peu de poudre, tu lui redessines les sourcils, un coup de mascara et bien souvent ça suffit. Le make-up ce n’est pas ce que l’on voit dans les tutos sur Youtube qui parlent de contouring.
Une femme telle qu’Aissa MAiga par exemple, je lui dis tout le temps que je n’ai pas besoin de la maquiller. Elle est juste magnifique. Je la trouve à tomber par terre lorsqu’elle est naturelle. Je lui mets un rouge à lèvre, un peu d’anti cernes pour mettre de la lumière où il faut et ça suffit.
Rama Yade, c’est pareil. C’est une très belle femme. C’est juste qu’elle ne savait pas se maquiller. La dernière Cover que j’ai faite avec elle pour DIVA Magasine, je ne l’ai pas surmaquillé. Je lui ai donné son teint, un peu de rouge à lèvre et d’eyeliner. Elle était juste magnifique parce qu’elle était simplement elle.
« Tu as le choix de partir en vrille, d’être brisée à vie ou de ne jamais cesser de te battre. J’ai décidé de me battre et pour le moment je réussis à m’en sortir. »
RTM | Qu’elles ont été tes modèles féminins d’inspiration ?
Nadine | La première, c’est ma grand-mère. Elle m’a tout donné, elle m’a tout transmis. Je lui dois mon savoir-faire.
Oprah Winfrey aussi est une source d’inspiration. Son parcours m’inspire énormément. Malgré toutes les épreuves qu’elle a dû affronter, elle a réussi à devenir la femme puissante qu’elle est aujourd’hui. J’arrive à m’identifier à son histoire. J’ai aussi subi des viols étant plus jeunes. Ce genre d’expérience peut détruire une femme. Tu as le choix de partir en vrille, d’être brisée à vie ou de ne jamais cesser de te battre. J’ai décidé de me battre et pour le moment je réussis à m’en sortir.
Ma troisième source d’inspiration, c’est Michelle Obama. C’est une femme de pouvoir qui a su guider son homme jusqu’au bout. Evidemment, on ne connaît pas leur intimité mais ce qu’ils représentent en termes d’image est très fort.
J’ai eu la chance de vivre l’élection d’Obama en 2008 sur Time Squares à New York. C’est une expérience qui restera gravée. C’était exceptionnel.
RTM | Qu’est-ce qui fait de Nadine Mateky une Reine Des Temps Modernes ?
Nadine | Je suis une femme africaine qui s’assume avec toute son intelligence, toute sa royauté, toutes ses envies, tous ses complexes, tous ses rêves et toute son ancestralité. C’est ce qui fait de moi une Reine Des Temps Modernes.