Les trois jeunes femmes que je vous propose de découvrir aujourd’hui s’appellent Maeva, Maël et Emmanuelle. Il y a un an et demi, ces trois jeunes guadeloupéennes se sont lancées dans l’aventure de l’entrepreneuriat à travers le projet Naturally Chic. Si le nom s’explique au premier regard que l’on pose sur ces Reines Des Temps Modernes, les services et les activités qu’elles proposent vont bien au-delà de l’apparence. Leur slogan aurait pu être « Aime ton cheveu et le ciel t’aimera » car Naturally Chic ce n’est pas uniquement la valorisation des cheveux naturels, c’est avant tout et surtout l’apprentissage de soi, de son histoire.
WZ : Bonjour les filles, on va commencer par les présentations. Je voudrais savoir qui se cache derrière Naturally Chic.
Maeva : Bonjour, je suis Maeva Toribio, une jeune guadeloupéenne de 26 ans. Après l’obtention de mon bac, je suis partie effectuer des études de communication avec une spécialisation en événementiel entre Paris et Montpellier. J’ai ensuite voulu « improve my english » et je suis donc partie terminer mes études à Barbade où j’ai travaillé pour une boîte qui vient en aide aux jeunes entreprises. A l’époque j’étais déjà intéressée par l’entrepreneuriat donc c’était une bonne expérience pour découvrir un peu tout cet univers. Et au cours de cette même année, une idée a commencé à se développer dans nos têtes à toutes les trois, c’est la période où nous avons décidé de revenir au naturel.
Maël : Bonjour, je suis Maël Joyau, jeune guadeloupéenne de 29 ans. J’ai commencé par m’orienter vers des études de droit sauf que le jour où il a fallu se lancer, je me suis rendue compte que ça n’allait pas être possible. Je me suis donc orientée vers une carrière de maquilleuse professionnelle, métier que j’exerce depuis 10 ans maintenant. En parallèle, je réalise aussi des voix off pour la télévision, la radio ou la publicité. En ce qui concerne Naturally chic, tout a commencé lorsque nous avons pris la décision de revenir au naturel en même temps.
Emmanuelle : Bonjour, moi c’est Emmanuelle de Saint Paul, 26 ans bientôt. Au départ je suis une amoureuse de la langue anglaise, je me suis donc naturellement tournée vers des études en anglais. J’ai réalisé une partie de mes études dans le Tennessee aux Etats-Unis avec pour objectif de devenir professeur d’anglais. Puis j’ai réalisé un stage et je me suis rendue compte que ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. Je suis ensuite partie faire un an d’étude à Miami pour découvrir l’univers du business et du management. A cette même période, on discutait souvent avec les filles et on a eu cette envie de retourner toutes les trois au naturel. Si tu remarques bien nos parcours n’ont absolument rien à voir avec notre activité actuelle mais nos parcours nous servent aujourd’hui dans ce que nous faisons.
Maeva : Il est aussi important de savoir que Mael est ma cousine et qu’avec Emmanuelle, on se connait depuis la maternelle. Naturally chic, avant d’être une entreprise, c’est une histoire de famille, c’est le parcours, l’évolution de trois personnes, trois jeunes femmes.
WZ : Pourquoi cette volonté de vouloir revenir au naturel ? Qu’est-ce qui vous a motivées au départ ?
Emmanuel : On avait l’impression de devenir esclaves des waves, défrisages, couleurs… On voulait revoir nos cheveux comme ils étaient avant toutes ces transformations.
Maeva : On voulait se souvenir de nos cheveux comme ils étaient lorsque nous étions plus jeunes. Lorsque nous nous sommes lancées dans cette nouvelle aventure, nous nous sommes rendues compte que certains produits n’étaient pas disponibles en Guadeloupe. Or pour une île comme la Guadeloupe, où beaucoup de jeunes femmes portent leur cheveu naturel, il n’y avait pas beaucoup de choix. Sauf que si tu ne sais pas comment t’occuper de tes cheveux naturels, tu restes au défrisage, tu détestes tes cheveux et tu refuses d’en prendre soin.
Mael : De mon côté, il s’agissait aussi d’un manque d’inspiration. J’avais l’habitude d’aller chez le coiffeur toutes les semaines, de changer de coiffures, de passer du cheveu long au cheveu court en une année. Je pense qu’au départ on avait juste envie de tester autre chose, de voir ce que ça donne. Il n’y a pas eu de révélation. Maeva qui était encore en France à cette époque, nous faisait découvrir certains produits, on regardait de plus en plus de vidéos. On a voulu se donner les moyens pour ce nouveau changement.
WZ : Et pourquoi le nom Naturally Chic ?
Mael : On a toujours eu un style assez sophistiqué même à l’époque où nous avions les cheveux défrisés. Beaucoup de personnes qui portaient les cheveux naturels à l’époque étaient considérées comme « Roots » mais ce n’était pas notre style. On avait du mal à s’identifier. Et puis au fur et à mesure, en s’inspirant de coiffures que l’on voyait sur Youtube, on a petit à petit trouvé notre style. On voulait être naturellement chic. Et puis l’avantage de ce nom c’est qu’il se comprend aussi bien en français qu’en anglais.
WZ : Depuis combien de temps existe donc Naturally Chic ?
Emmanuelle : Depuis un an et demi. L’idée a muri en deux ans voire trois ans mais la création de l’entreprise s’est faite il y a un an et demi.
WZ : Comment de la simple envie de revenir au naturel en arrive-t-on à lancer son entreprise ?
Mael : Comme tu l’as dit au départ, c’était quelque chose d’assez personnel. On a commencé entre nous, puis on a fait des vidéos tutos où on partageait nos bons plans. On avait aussi la chance de partir régulièrement aux Etats-Unis et donc de trouver les bons produits. Et puis certaines femmes ont commencé à nous poser des questions concernant les produits que nous utilisions. C’est à ce moment là que nous avons pris la décision de nous structurer afin de faire rentrer des produits de manière légale et de les distribuer. Une fois que ces produits sont devenus disponibles en Guadeloupe, on a voulu se diversifier afin de ne pas se contenter de la vente de produits et de vidéos tutos. On a aussi commencé à se tourner vers de l’événementiel.
WZ : Et donc aujourd’hui, qu’est-ce que propose Naturally chic en termes de services et d’activités ?
Maeva : comme on te le disait on a commencé par de la vente de produits et des tutos, ensuite on s’est tourné vers l’organisation de réunions autour de la thématique des cheveux naturels. Aujourd’hui, on va plus loin, on est véritablement dans l’accompagnement, on apprend aux femmes à connaître leur cheveu car connaître son cheveu, ca va plus loin que de savoir se coiffer et de trouver le bon produit.
Mael : Oui, Naturally Chic a évolué en même temps que nous. Ce que l’on était lorsque nous avons créé Naturally chic au tout début, ce n’est plus exactement ce que nous sommes aujourd’hui donc forcément les choses ont évolué dans ce sens. Le retour au cheveu naturel nous a vraiment permis de nous découvrir, au-delà de la confiance en soi, on apprend qui nous sommes réellement, pourquoi nous sommes comme nous sommes et on apprend surtout à aimer ce que nous sommes. Aujourd’hui Naturally chic passe par les cheveux pour apprendre aux femmes à s’aimer plutôt qu’à être simplement belles avec leur cheveu ou à réaliser de jolies coiffures. On essaye d’offrir cette liberté que l’on peut ressentir lorsque l’on est en adéquation avec soi même, lorsque l’on ne s’occupe plus du regard des autres. Il y a une vraie quête de savoir, on veut que les gens soient au courant, qu’ils sachent.
Et puis ce qui est génial c’est que ce que l’on raconte, c’est ce que l’on vit. C’est du business sur le papier mais une aventure humaine avant tout.
Emmanuelle : Ce que l’on essaye d’expliquer et de transmettre, c’est que le cheveu est unique. Ton cheveu ne sera jamais identique à celui d’un ou d’une autre. Il a été fait pour toi et uniquement pour toi. Le cheveu est porteur de sens : économique, social, culturel, spirituel… Il permet d’identifier un caractère, une personnalité, des ambitions, des faiblesses…C’est l’une des seules anatomies qui reflètent ce que l’on est car il se nourrit de l’intérieur pour sortir. C’est notre couronne, et on apprend aux femmes à en prendre conscience.
WZ : Comment vous êtes vous formées ? D’où vous vient cette sensibilité ? Avez-vous effectué vos recherches pour avoir cette vision et sensibilité ?
Maeva : Dès le départ, nous avons pris la décision de faire un certain nombre de sacrifices pour avoir accès à ces connaissances. Nous sommes parties à plusieurs reprises aux Etats-Unis grâce à nos économies personnelles afin de participer à un certain nombre de conférences sur le sujet. Nous sommes parties notamment à la rencontre de la chimiste Erica Douglas qui s’est spécialisée dans l’étude des cheveux naturels. Ils sont beaucoup plus en avance que nous sur le sujet et on a énormément appris. C’était une source d’information incroyable.
Et puis il y a aussi l’expérience, le contact avec nos clientes. Nous nous sommes vite rendues compte que le cheveu pouvait être le reflet d’un problème de santé, d’un problème physique ou encore mental.
WZ : Je trouve qu’il y a une dimension vachement psychologique dans votre démarche et votre approche…
Mael : Ca s’est fait tout naturellement. Quand tu prends le temps de discuter avec tes clientes et que tu réalises que derrière leur cheveu il y a une vraie histoire. Nous nous sommes simplement rendues compte qu’au-delà de l’aspect scientifique, le cheveu a la possibilité de refléter ce qui se passe à l’intérieur de chacun. Nos recherches sur l’histoire du défrisage chez les noirs, nous a aussi permis de nous rendre compte de toute la dimension politique qui pouvait se cacher derrière le cheveu.
Emmanuel : On a envie que les gens aillent bien et on s’est rendue compte que le cheveu pouvait aider. Certaines clientes en sont même venues à nous dire que nos conseils avaient changé leur vie. On a tout gagné lorsqu’une cliente nous fait ce genre de confidences. C’est au cœur de ce que nous faisons.
WZ : Depuis que je travaille sur ce projet, de manière un peu aléatoire, j’interviewe beaucoup de femmes dans les secteurs de la beauté, du bien être, des cosmétiques alors que ce ne sont pas forcément des domaines auxquels je suis très sensible au départ. J’avais l’impression que femmes trop apprêtées était égales à femmes superficielles. Et plus ça va et plus ça va plus je me rends compte, qu’en fait, que tout est une question d’utilisation.
Mael : Je pense que tout ce qui est cosmétique, beauté, bien-être, retranscrit qui tu es. En tant que maquilleuse, je ne me maquillais pas comme je me maquille aujourd’hui il y a 10 ans. A l’époque, j’étais quelqu’un d’excentrique, beaucoup dans le m’as-tu vu. Mon maquillage de l’époque étaient toujours bleu, vert, rouge. Il exprimait ce que j’étais. Mais au fur et à mesure, j’ai évolué et les choses ont changé. Aujourd’hui ma coiffure, mon style vestimentaire vont représenter ce que je suis.
En tant que maquilleuse par exemple, je déteste le « contouring » parce que c’est de la modification. On affine les traits sous entendu qu’ils soient trop épais ou trop ronds. Alors qu’avoir un visage rond c’est simplement une morphologie différente du visage. Prôner le naturellement chic, c’est prôner le naturel dans toute sa diversité.
Emmanuel : Pour nous, la beauté c’est être en harmonie avec soi même. Il n’y a pas de critères en fait. Tu es belle parce que tu es épanouie et en accord avec ce que tu es intérieurement. Et il y a mille façons d’exprimer sa beauté : par le maquillage, la coiffure, le style, la façon de parler, les vêtements. Il n’y a pas d’obligations à s’exprimer à travers son maquillage ou sa coiffure.
WZ : Est-ce que ça a toujours été une volonté d’ouvrir votre entreprise en Guadeloupe ?
Emmanuel : C’est à la fois une volonté et une obligation. On vit ici, on a tout ici. Aller s’exporter à l’étranger ça demande des moyens financiers qui ne sont pas forcément évidents à trouver. Et puis on s’est rendues compte qu’il y a avait des choses à faire ici. Aux Etats-Unis, le marché est saturé. Ici il y a encore beaucoup de choses à faire. Ca ne veut pas dire qu’on restera uniquement en Guadeloupe.
Maeva : Nous voulons d’abord réussir à faire ce qu’il y a faire ici et puis ensuite petit à petit nous développer à l’étranger. On tente d’abord de répondre à la demande qu’il y a en Guadeloupe.
WZ : Comment on gère une entreprise à trois ? Comment on évolue en étant trois femmes entrepreneuses ?
Emmanuel : C’était difficile au début. Il y a eu des voyages plus compliqués que d’autres. Ce n’est pas toujours simple de faire du business entre amies/familles. Il fallait gérer les émotions de tout le monde, sauf qu’en business il faut savoir mettre ses émotions de côté. L’avantage que nous avons eu c’est que nos épanouissements personnels sont arrivés en même temps et ça a ensuite naturellement suivi au niveau de l’entreprise.
Maeva : On a aussi décidé de suivre un coaching de développement personnel d’entreprise à trois. C’est important lorsqu’on se lance dans une aventure entrepreneuriale avec des ami(e)s ou de la famille de mettre les choses à plat dès le départ, de ne pas garder de rancunes et de se dire les choses quand ça ne va pas.
Mael : Nos épanouissements personnels nous ont aussi permis de nous libérer de certains complexes, certaines gênes liées au titres ou au rôle de chacune dans la société. On a appris à se défaire des étiquettes. On a chacune notre rôle, chacune notre place.
WZ : Quels sont les conseils que vous donneriez à ceux et celles qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat avec des amis ou des membres de leur famille ?
Emmanuelle : Posez-vous les bonnes questions. Faites le point sur votre amitié, réglez les conflits qu’il y aurait pu avoir et qui n’ont jamais été réglés. Car une fois que l’argent rentre en jeu ça peut réveiller de vieilles rancunes. Il faut aussi savoir se remettre en question. Apprendre à reconnaitre ses torts.
Mael : Aimez-vous sincèrement. Quand on aime, on veut que les choses soient claires. Quand on aime, on est honnête, on est sincère, on est sérieux et on pardonne. Si vous vous aimez vraiment, il n’y a aucune raison que ça ne marche pas.
Maeva : Ne pas hésiter à faire appel à quelqu’un qui va briser les non dits. En finir avec toutes les choses qui ont pu nous blesser. Rester positif, aimer vraiment, ça attire les bonnes connexions, les bons contacts, ça met en place un bon environnement.
Wendie : Qu’est-ce que l’on peut souhaiter à Naturally Chic pour les prochaines années ?
Naturally chic : De la sagesse et que ca explose au-delà des frontières, que ca explose avec sagesse, sans barrières.