Crédit photo : Mehdi Guemache
Aujourd’hui nous rencontrons non pas une mais deux QUEENSPIRATIONS. Anna et Manon évoluent dans la culture sneakers depuis quelques années déjà. Avec son agence de communication Son of Sneakers, Anna s’est faite une place de taille dans un univers dominé par les hommes. C’est parti pour un voyage dans l’univers Sneakers.
Crédit photo : Anbabwa (photo gauche) & Nanoshady (photo droite)
RTM | Pouvez-vous vous présenter ?
Anna| Je m’appelle Anna. On m’appelle Anna Events sans le milieu. J’ai 32 ans. Parisienne. Communicante. J’évolue dans le secteur de la communication depuis bientôt 10 ans. Je suis également la fondatrice de l’agence Son of Sneakers. Je suis une passionnée d’événementiel, de culture, de Food et de sneakers.
Manon | Manon, 22 ans. Parisienne également. Etudiante en journalisme. Je suis également blogueuse, youtubeuse et acheteuse compulsive de sneakers.
RTM | Comment êtes-vous tombés dans la culture sneakers ?
Manon | C’est ma mère qui m’a très tôt plongé dans l’univers des baskets. Petite, je ne portais jamais de ballerines ou de petites chaussures vernis, c’était plutôt paire de Air Force ou de Cortez. Je n’en suis simplement jamais sortie.
Anna | Ayant un grand-frère, j’ai grandi dans la culture sneakers à travers lui. Au début, je ne me rendais pas forcément compte de ce que représentait la culture sneakers dans son ensemble. Pour moi, c’était très léger. Le déclic, je l’ai eu à peu près en même temps que la création de Son of Sneakers.
RTM | Comment définiriez vous la « Culture sneakers » justement ?
Anna | La Culture Sneakers c’est un savant mélange qui permet de faire le lien entre la basket et différentes disciplines culturelles telles que le cinéma, l’art, la musique, et le sport
Manon | C’est tout ce qu’il y a au delà de la sneakers, au delà du fait d’acheter des sneakers. Ce sont les rappeurs, les sportifs, les designers qui gravitent autour.
RTM | Si vous ne deviez garder qu’une paire, ce serait laquelle ?
Manon | Air force, sans hésitation. Ce sera toujours la paire numéro 1 à mes yeux et c’est l’une des paires les moins chères vendues chez Nike. C’est la basique que j’arrive à porter avec toutes les tenues. Dernièrement, j’ai mis un smocking avec ma paire d’air force et j’ai été validé.
Anna – Ce serait une paire de Converse Chuck Taylor. C’est la paire pratique qui me suit dans tout ce que je fais. C’est une incontournable. On a tous ou tous eu une paire de Converse. J’en donnerais une deuxième quand même. Celle qui a lancé Son of Sneakers, la Air Force Command 180. C’est ma paire de cœur, celle qui me bouleverse.
RTM | Parlons de la création de Son of Sneakers…
Anna | C’était en 2012. Je venais d’être embauchée sur Lille pour une mission en communication. Je faisais souvent des allers retours entre Lille et Paris. Un week-end, je me retrouve chez des amis pour une « soirée appart » et on se met à regarder des films à l’ancienne dont le film « Les blancs ne savent pas sauter » qui date de 1992 avec Wesley Snipes et Woody Harrelson.
A un moment dans le film, je vois apparaître une paire de Air Force Command 180. Et naïvement je demande, « C’est quoi cette paire ? ». Sur les 20 personnes présentes, deux amis me répondent tout naturellement « Une paire de Air Force Command ». Et là je les regarde, et je me dis mais à quoi ils se dopent. On avait les même références, on avait grandit dans les même quartiers, je ne comprenais pas le fait qu’ils maîtrisent cela plus que moi. Et je ne sais pas pourquoi, mais mes questionnements ne m’ont pas lâché. Pendant plus de 10 jours, je cherchais sur Internet, je lisais des articles sur la paire. 1992, c’était pourtant l’époque des Jordan, je ne comprenais pas ce qui se cachait derrière cette paire.
Je me retrouve à pauser des questions à Max Limol, le fondateur de Sneakers Culture et l’auteur de Culture Sneakers : 100 paires mythiques (la bible de la sneakers) qui est également aujourd’hui le parrain de Son of Sneakers. Il m’invite à me rendre à des événements de sneakers pour en savoir plus.
Je fais également la rencontre de Rudnes, qui est pour moi l’un des meilleurs « customer » de sneakers, qui a accepté de me faire découvrir des événements sneakers tels que le Solemart qui n’existe plus aujourd’hui en France.
Et là, je prend une vraie claque, je découvre un monde parallèle. Je m’interroge en me disant, comment faire mon monde et ce monde des sneakers addicts se rencontrer.
C’est l’objectif de la création de Son of Sneakers, créer des ponts entre ces deux univers, partager et vulgariser la culture sneakers, pour le grand public.
RTM | Aujourd’hui, Son Of sneakers c’est …
Anna | Une agence de communication autour de la culture sneakers qui gravite autour de 4 pôles : l’événementiel, l’accompagnement d’artistes urbains, un site web média, et le partage culturel auprès du grand public.
RTM | Pourquoi avoir choisi comme nom « Son of Sneakers » ?
Anna | On a tous une paire qui nous a marqué étant petit. Une paire que l’on a désiré, envié, espéré. Par extension, nous sommes tous des enfants de la basket. Je trouvais que Kid of ne correspondait pas au message que l’on souhaitait faire passer. C’est donc devenu Son of Sneakers, qui interpelle beaucoup plus celui qui l’emploie.
RTM | Quelle est la place des femmes dans cet univers sneakers ?
Manon | C’est la pire question que tu puisses nous poser (sourire). Ce n’est pas un univers essentiellement masculin à la base, mais les hommes se le sont appropriés. Les hommes ont souvent tendances à considérer que l’on n’y connaît rien, que ce milieu ne nous appartient pas. Combien de fois je me suis retrouvée à des événements sneakers avec des vendeurs qui essayent de m’avoir sur le prix, jusqu’à ce que je les remette à leur place en leur expliquant que je m’y connais, et que leur prix n’est pas justifié. Je considère que la place des femmes est quasi inexistante dans l’univers des sneakers. Nous sommes généralement cantonnées à l’univers du blogging. Nous n’avons pas de référence féminine comme Max Limol ou Rudnes en France.
Anna | C’est un univers très macho où les femmes sont très vites cataloguées. A plusieurs reprises, je me suis retrouvée dans des conversations où les interlocuteurs parlaient de moi, de Son of Sneakers sans savoir que c’était moi. Je sais aujourd’hui que le fait d’avoir Max Limol en tant que parrain de l’agence, cela nous donne une certaine caution, une certaine légitimité auprès de la Sneaker Sphère. C’est un milieu très compliqué, surtout sur Paris. Après le plus important, réside pour moi dans le partage avec le grand public, le reste ne compte pas du tout.
RTM | Quel est votre regard sur la culture sneakers française ?
Manon | Je pense qu’il y a une énorme marge de manœuvre.
Anna | Il y a encore beaucoup de choses à faire. Je pense que le problème c’est que la culture sneakers telle qu’on la voit sur Paris, n’est pas légitime, elle est totalement biaisée. On a l’impression qu’à Paris tout se fait mais dans le même temps, rien ne se fait. En réalité, on fait tous les mêmes choses, aux mêmes endroits, aux mêmes moments, avec les mêmes codes. C’est un sujet sur lequel on peut encore creuser selon moi.
Manon | En tant que français, nous n’avons pas le même rapport à la consommation et au Basket Ball que les américains. Ca fait clairement la différence. Lorsqu’un Kanye West ou un Jay Z sort une paire, elle est sold out dès le lendemain. Les rappeurs et artistes jouent un grand rôle dans la culture sneakers.
Anna | En France, mis à part la collaboration de Booba avec Nike au début des années 2000, ces collaborations sont moins nombreuses en France. Il y a néanmoins des marques françaises qui se développe et sont emblématiques de la culture sneakers. Je pense notamment au Coq Sportif.
RTM | Est-ce que l’on peut parler de certaines sorties qui créent la frénésie auprès des adeptes de sneakers ?
Anna | Chacun à un rapport différent avec les sneakers. Certains sont plus adeptes que d’autres. En France, ça commence petit à petit à arriver mais ça n’a rien à voir avec certaines sorties qui se font aux US ou au Japon par exemple. Je repense à la collaboration Off White de Nike avec le designer Virgile Abloh. La sortie à Paris était la moins réussie.
Manon | Certaines personnes sont capables de camper tous les week-end pour des sorties. Le souvenir le plus mémorable que j’ai, remonte à l’époque où je travaillais à Nike sur les champs. Un jour, un chauffeur de bus en service se gare en double fil sur les champs, rentre en courant dans la boutique disant qu’il lui faut absolument telle paire de toute urgence car il y a des passagers qui l’attendent dans le bus.
RTM | Quels sont les challenges auxquels on fait face lorsque l’on crée une agence telle que Son of Sneakers ?
Anna | Il faut réussir à constituer la bonne équipe. Il faut aussi faire face aux critiques de la première heure. Je me rappelle, cet été, avoir participé à un événement Sneakers où au cours d’une conversation, un mec d’un certain âge me dit « Je ne vais pas te mentir, pour moi Son of Sneakers, au début, c’était de la merde. Je me suis même étonnée que vous existiez encore aujourd’hui». C’est au contraire ce type de remarques qui nous donnent des ailes.
Il y a aussi tous ceux qui considèrent que si tu n’as pas 150 paires de baskets, tu n’as aucune légitimité. Il y a une dimension un peu élitiste, alors que la basket avant tout c’est un leg de la street. J’ai lancé Son of Sneakers, pour toutes les personnes qui ne pensent pas comme cela justement.
RTM | Quelles sont les grandes étapes pour 2018 ?
Anna | Premier trimestre 2018, nous devrions avoir nos bureaux. Nous préparons également le lancement d’un magasine en ligne. J’espère que nous aurons également nos premiers salariés. Nous préparons également un gros événement sur lequel nous ne pouvons pas encore communiquer.
2018, ce sera aussi l’année de la montée en puissance de Manon, notre blogueuse phare. Et enfin on prépare l’exposition d’un de nos artistes, Karim le H.
2018, c’est l’aboutissement de ces 4 dernières années de travail.
RTM | Quels ont été vos modèles respectifs en grandissant ?
Manon | J’en ai eu trois. Ma mère, car c’est un lion. Non pas une lionne, mais un lion. C’est une battante. Il y a également Anna Wintour et Beyoncé. J’essaye de devenir une combinaison de ces trois femmes.
Anna | Je dirais Oprah Winfrey pour son parcours et ce qu’elle a vécu, car nous avons des histoires un peu similaires. Je suis également une grande fan d’Alicia Keys dont j’admire la simplicité. C’est une valeur que j’essaye de prôner dans ma vie et dans nos événements.
En dernier, ce serait mon meilleur ami. Il est moi dans mon opposé. Il m’inspire beaucoup dans tout ce que je fais, je l’appelle tous les jours pour avoir ses conseils. S’il n’était plus dans les parages, ce serait très compliqué. Si Son of Sneakers est ce qu’il est aujourd’hui, c’est en parti grâce à lui.
RTM | Qu’est ce qui fait de vous une Reine Des Temps Modernes ?
Manon | Je suis une Reine Des Temps Modernes car je m’assume et je me sens libérée. Il y a 50 ans, je ne suis pas sûr que j’aurais pu être la grande gueule que je suis aujourd’hui.
Anna | Le fait d’évoluer en tant que femme, en tant que femme noire, dans un milieu qui se veut masculin… Je suis une Reine Des Temps Modernes car j’essaye toujours de passer outre les préjugés et les critiques. Je garde en mémoire que mes ancêtres, nos aïeules nous ont permis d’avoir la vie que l’on a aujourd’hui. Je veux en être à la hauteur, exister en assumant ce que je suis et surtout en partageant au maximum.