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Juliette Fievet (Journaliste) – “Parfois on réussit, parfois on échoue mais dans tous les cas on apprend “

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Si je devais décrire Juliette Fievet, je dirai sûrement ceci : Juliette, c’est la grande sœur attentive que l’on rêve tous d’avoir, la tante super cool que l’on s’empresse d’appeler pour se confier ou encore la copine qui n’hésite jamais à nous remettre les idées en place. Une femme bien dans sa peau et dans sa tête, au discours franc, tranché et direct. Une jolie Reines Des Temps Modernes que je souhaite vous faire découvrir ou re-découvrir.

Le 10 avril dernier, Juliette a accepté ma demande d’interview. Pendant plus de 2h, je l’ai suivi, interrogé, observé et je vous assure que ce n’est pas de tout repos. Après quelques coups de fil et quelques coups de gueule, nous nous posons et elle me raconte.

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RTM | Bonjour Juliette ! Je te propose que l’on commence cette interview par tes premiers pas dans le monde du rap.  J’ai ouïe dire que tu avais commencé ta carrière très jeune. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?

Juliette Fievet | Bonjour Wendie. Alors oui, mon amour pour le rap et le hip hop ne date pas d’aujourd’hui. J’ai découvert le rap dans ma petite campagne lilloise alors que je n’avais que 10/11 ans. A mes 17 ans, je m’orientais vers un BTS force de vente sauf que je me suis vite rendue compte que ce n’était absolument pas fait pour moi. Je décide donc d’abandonner mes études et à mes 18 ans, j’ai la chance de me faire embaucher par une salle de concert lilloise qui s’appellait l’Aéronef.

A partir de là, tout va s’enchainer très rapidement. J’ai commencé par travailler sur le festival « Pas de quartier »pendant deux saisons. Il s’agissait du plus gros festival hip-hop d’Europe de l’époque. Sur scène, nous avons eu la chance de voir se produire des artistes tels que le Wu Tang, les Pharcydes, NTM ou encore IAM.

Pendant toute cette période, en parallèle, je faisais aussi de la promotion indépendante pour des rappeurs parisiens, notamment le _113 et _leur mythique album Ni Barreaux, Ni Barrières, Ni Frontières. Mais j’ai surtout eu la chance de faire des rencontres déterminantes qui me pousseront à quitter Lille et à venir m’installer à Paris. Je pense notamment à des personnes comme Doudou Masta ou encore Rud Lion (directeur du label Ghetto Youth Progress). C’est ainsi que je me retrouve à manager des groupes tels que Boogotop  ou encore Xpression Direck.

“J’étais convaincu que le Rap méritait sa place dans l’univers musical français.”

Je voulais faire partie de ces acteurs qui donneraient une autre image du Rap.

RTM | Comment les choses s’enchaînent-elles une fois arriver sur Paris ? 

Juliette Fievet |Peu de temps après mon arrivé sur Paris, je me fais embaucher, en tant que chef de projet, par une maison de disque indépendante : Next Music qui était à l’époque l’équivalent d’un label tel que Wagram, Naive ou Because. Une fois de plus, c’est une rencontre avec un grand monsieur de la musique, Patrick Colleony (Directeur artistique et label manager de Next Music), qui me permet de franchir un nouveau cap. Je découvre l’univers de la dancehall et du reggae.

C’est ainsi que je me retrouve à développer des artistes tels que Sizzla, Capleton, Sean Paul ou encore Bounty Killer. C’était l’âge d’or du New Roots. Cette expérience m’a permis de voyager dans le monde entier pour signer des artistes. Quelques années plus tard, je suis devenue directrice artistique et label manager de Next Music lorsque Patrick est parti dans une autre maison de disque. Ca a duré 3 ou 4 ans.

C’est aussi pendant cette période que je découvre la musique africaine via un label que nous avions qui s’appelait Sono disque. Nous avons collaboré avec de grands noms de la musique africaine tels que Koffi Olomide, Papa Wembaou encore Magic System. C’est d’ailleurs nous qui avons signé le tube 1erGaou des Magic System. Ca m’a permis de m’ouvrir à autre chose que le rap.

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RTM | Est-ce que ça a été compliqué d’évoluer en tant que femme dans le milieu du rap ? Le milieu du rap est-il si misogyne qu’on veut bien nous le faire croire ?

Juliette Fievet | Le monde de manière général est macho. Je ne pense pas que le rap soit plus macho qu’un autre milieu. C’était sûrement un peu le cas il y a 20 ans mais plus aujourd’hui. J’ai toujours travaillé avec des artistes dits « Hardcore » tel que la Mafia k’1 fry pour te donner un exemple. Les rappeurs « bisounours » ou « variets » ce n’était pas trop mon truc même si je n’ai absolument rien contre eux, bien au contraire,  je trouve qu’ils font évoluer l’univers du rap.

En ce qui me concerne, je n’ai jamais eu de problèmes parce que je considère que les actions parlent toujours plus forts que les mots, « Actions speak louders than words » comme disent les américains. Donc je travaillais, je travaillais dur, je me devais de faire plus que les autres, plus que les hommes. Je me suis faite respecter parce j’étais bosseuse et efficace.

Je pense que c’est aussi pour cela qu’un artiste comme Kery James m’a demandé de le manager il y a 3 ans avec Marie Audigier.

Tu sais, il y a 10 ans je considérais que le féminisme ne me concernait pas. Sauf que depuis quelques années je me rends compte que les inégalités ont la vie dure. Mais j’avais fait un choix, c’était le mien et je me devais de l’assumer et de faire bouger les choses à manière. Ca m’a pris du  temps d’en arriver là, c’était long, mais au final, c’est le parcours qui compte.

RTM | Tu as aussi eu une expérience en tant que chef d’entreprise. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Juliette Fievet | En effet, à mes 26 ans j’ai crée une entreprise qui s’appelait Influences Music. Je me suis lancée dans cette aventure avec trois amis : Boris, Nicolas et Doudou Masta.  Nous proposions des services de productions, d’édition et de management, et nous représentions les artistes internationaux pour la scène francophone. Je me suis occupée d’artistes tels que Lil John, Ying Yang Twinsou mêmes Pitbull. J’ai managé les Bricks and Lace et j’ai aussi travaillé avec Nelly Furtado.

Sauf que  je me suis vite rendue compte que je n’étais pas faite pour être chef d’entreprise. Je savais gérer des rappeurs mais gérer des employés, c’était une autre affaire.  C’était très compliqué pour moi donc j’ai décidé de fermer cette boite et de me lancer dans une autre aventure, l’univers de la radio.

Quelques temps après cette expérience, mon ami Claudy Siar me donne l’opportunité de faire mes premières classes en radio sur Tropiques FM. Ca m’a plu et j’ai continué.  Pendant à peu près 4 ans, j’ai eu une émission hebdomadaire en direct qui s’appelait Strickly The Best. C’est sur Tropiques FM que j’ai appris à faire de la radio. Puis j’ai très vite rejoins Claudy sur RFI dans Couleurs Tropicales, émission pour laquelle je suis encore chroniqueuse et journaliste aujourd’hui.  Ce sont ces expériences qui m’ont ouvert les portes du monde de la télévision. Mes premiers pas, je les ai fait sur France O.

RTM | Je trouve qu’il y a un côté « militant » dans ton parcours. Tes prises de position sont toujours fortes et assumées, tu n’hésites jamais à utiliser « l’outil média » pour faire passer des messages. Te considères-tu comme une militante ?

Juliette Fievet | Je ne m’estime pas militante. Je pense simplement avoir un certain nombre de convictions. Je déteste les injustices et je réagis généralement en réaction à ces injustices. Je te donne un exemple. Quand un rappeur comme Niro se voit annuler une date de concert par le maire PS de Frêne qui estime que ses propos sont misogynes, et que par la suite tu te rends compte que le maire n’en a en fait rien à faire du rap et qu’il l’utilise simplement pour « redorer sa pilule » auprès de la gente féminine, je trouve cela complètement injuste. Niro n’est en fait qu’un bouc émissaire dans l’histoire. Mon rôle à moi est de désamorcer ce genre de polémique.

Je ne milite pas, je considère juste que chacun à sa part de responsabilités dans ce monde. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un carnet d’adresse qui en ferait rougir plus d’un, mais si ce carnet d’adresse ne me sert qu’à moi ou ne sert à rien, à quoi bon. C’est la raison pour laquelle je n’hésite jamais à donner un coup de pouce lorsque je peux. Chacun, à son échelle, a les moyens de faire bouger les choses. J’essaye de semer des petites graines et de changer les esprits à ma manière.  Les militants ont une volonté de changer le macrocosme, j’ai juste une volonté de changer mon microcosme.

RTM | En moins de deux heures, en discutant avec toi, j’ai eu l’impression que tu avais mené 15 vies. Tu as été chef de projet, directrice artistique, manager, chroniqueuse. Comment te qualifierais-tu professionnellement parlant ?  

Juliette Fievet | C’est assez difficile comme tu l’as dit toi même, je fais énormément de choses différentes. Aujourd’hui, j’ai la chance de faire plein de choses qui sont loin d’être antinomiques. Je suis animatrice, présentatrice et stratège…

Ce que j’aime, c’est le fait de pouvoir véhiculer, transmettre des choses grâce à l’outil média.

En ce qui concerne la musique, depuis quelques années, je me suis orientée vers de la stratégie, ça peut être pour une sortie d’album, de la promotion ou de la gestion d’image. Si un artiste a un problème avec un média par exemple, on va m’appeler pour éteindre le feu ou tourner la situation à son avantage. C’est un travail que je fais aussi pour des leaders d’opinion. Récemment, j’ai travaillé avec Claude Chirac pour la fondation Chirac concernant une campagne de lutte contre les faux médicaments en Afrique.

Je présente aussi beaucoup de show en live. Récemment, j’ai présenté le concert de Black M à Conakry, la finale de TRACE Music Star et les Hip Hop Live. J’ai aussi été rédactrice en chef et co-présentatrice de la Star Academy Africaine : Island Africa Talent. Ça m’amuse beaucoup d’être en live avec les gens. J’anime aussi des conférences pour la SACEM par exemple.

Aujourd’hui, je commence à travailler sur mes propres programmes pour la France. J’adore mon métier de chroniqueuse mais je le suis depuis 7/8ans et je pense qu’il est temps que j’ai mon espace d’expression à moi.

RTM | D’où te vient cette force de caractère ?

Juliette Fievet | Je suis une passionnée. J’ai la chance d’être passionnée. Quand tu es passionnée, tu as un moteur. C’est une chance car ça donne la pêche pour avancer.

Je pense que c’est une histoire d’instinct de survit. Malgré le fait que je me pose toujours milles questions, quand faut y aller faut y aller. Il n’y a pas de secret, il faut travailler et être déterminé. J’ai fait un choix de métier différent de la normal, je me dois de l’assumer et de faire en sorte d’être la meilleure. C’est un combat contre moi-même, je suis à la fois mon unique adversaire et mon unique ennemi.

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RTM | Comment vis-tu aujourd’hui le fait de pouvoir être un modèle pour des jeunes filles qui te regardent ?

Juliette Fievet | Je trouve que c’est assez hallucinant parce que je n’estime pas avoir réussi, je ne me considère pas comme un exemple. Mais ça fait plaisir de savoir que l’on peut inspirer des vocations et donner ou redonner espoir à certaines personnes.

J’ai juste envie de leur dire que c’est un vrai combat et qu’il faut être prêt. Mais dans tous les cas, il faut tenter sa chance.

“Parfois on réussit, parfois on échoue mais dans tous les cas on apprend et c’est le plus important.”

Si je peux rallumer cette petite flamme qui donne envie de se dépasser et de se lancer à la conquête de ses rêves, je trouve ça génial. J’aurais planté ma petite graine.

RTM | Comment arrives-tu à trouver un équilibre entre ta vie professionnel et  ta vie privée ?

Juliette Fievet | De temps en temps, j’ai besoin de me mettre sur off pour me ressourcer, me recentrer sur moi, me reposer. Je le fais chez moi ou chez ma mère dans le nord, ou quand j’ai la chance de voyager. Ces moments là sont importants pour recharger les batteries.

En ce qui concerne ma vie sentimentale, c’est une autre histoire parce que malheureusement je n’ai ni enfants ni mari. Je ne vais pas te mentir ce n’est pas simple de trouver quelqu’un qui accepte mes choix de carrière et mon rythme de vie. Les hommes ont souvent une vision biaisée des femmes actives. Alors qu’en réalité, on aspire toute à être épanouie sentimentalement et à construire une famille.

“Comme dit Lino «  Un gars à la hauteur, c’est rare comme une pute à son compte.”

Je pense aussi qu’il faut être patiente et un jour, on tombe sur la bonne personne. J’ai la chance d’avoir une vie passionnante, de ne pas m’ennuyer. Je n’ai aucune envie de me mettre en couple et d’avoir des enfants simplement parce que la société souhaite me l’imposer et qu’il est l’heure.  J’ai une haute estime du mariage, de l’amour et de la famille. J’ai moi-même été adopté donc toutes ces choses résonnent vraiment différemment en moi.

Je pense qu’il est important d’avoir un homme à ses côtés, d’avoir un équilibre, d’avoir quelqu’un sur qui te reposer et sur qui compter. Comme on dit : tout vient à point à qui sait attendre.

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RTM | Ca tombe bien, il s’agit de ma citation préférée. Ca me permet d’ailleurs d’enchainer sur ma dernière question.  Aurais-tu une citation fétiche à nous partager ?

Juliette Fievet | Alors là comme ça, il y en a plusieurs qui me viennent à l’esprit. J’aime beaucoup l’humour. L’humour de Desproges notamment. Il disait : «  Tout me rend tellement triste, que j’ai appris à rire de tout ». Tout est tellement absurde qu’il faut apprendre à tout prendre au second degré, être dans l’autodérision, ne pas se prendre la tête et apprendre à rire de soi-même. Comme disait Confucius : “Bien heureux celui qui a appris à rire de lui même car il n’a pas fini de s’amuser”.

Il y a cette autre citation qui me plaît beaucoup : “Tout le monde savait que c’était impossible, puis vient un imbécile qui n’était pas au courant et il l’a fait”.

Au final, ce n’est pas le résultat qui compte, c’est le chemin que nous parcourons pour y parvenir.  Il ne faut pas avoir peur de se battre pour ses rêves. Le combat en vaut toujours la peine et on en ressort toujours plus fort, plus grand, plus sage ou plus intelligent.

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