Cette semaine, nous rencontrons Pierrette Pyram, fondatrice de l’association Diivineslgbtqi+. Depuis près de deux ans, elles luttent pour visibiliser les lesbiennes noires en France. Elle nous parle de son parcours, la genèse de l’association, les luttes qu’elles défendent, son vécue en tant que femme noire lesbienne ayant grandit entre la Bretagne et Paris.

RTM | Bonjour Pierrette, nous sommes ravies de t’accueillir sur RTM. Peux-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Pierrette | Bonjour à toutes, je m’appelle Pierrette Pyram, j’ai 40 ans.  Je suis peintre en bâtiment de métier et également militante.  Je suis parisienne, née à Paris, originaire de Guadeloupe et Haïti.  J’ai cependant grandit en Bretagne avant de revenir sur Paris il y a maintenant 6 ans.

RTM | Tu es la fondatrice de l’association « DiivinesLGBTQI+ » qui se veut être une structure de soutien, d’accompagnement, d’échange pour les lesbiennes afro-caribéennes en France. Peux-tu nous raconter la genèse de l’association ?

Pierrette | Les Diivineslgbtqi+ est née il y a 2 ans et demi. Un vingt et un juin très exactement. L’histoire commence par le lancement de soirée afro-caribéenne LGBT. Il y a quelques années, en tant que femme noire lesbienne, je ne me retrouvais pas le milieu LGBT parisien. J’avais beau participer à des évènements et à des soirées LGBT, j’étais bien souvent la seule noire. En face, le manque de bienveillance était également très pesant.  C’est de ce constat que j’ai décidé de lancer les soirées Diivines qui valorisaient des femmes DJ afro-caribéennes, qui valorisaient nos musiques, nos cultures, nos luttes et nos combats également.

L’association Les Diivines LGBTQI+ a ainsi pour vocation de visibiliser les vécues des lesbiennes noires, de lutter contre l’homophobie et le racisme. Nous organisons des soirées, certes, mais nous descendons également dans les rues, nous nous mobilisons aux côtés de luttes connexes, nous partageons des tribunes, nous occupons l’espace médiatique.

RTM | En parlant de luttes connexes, en quoi l’alliance est-elle importante ? 

Pierrette | Nous rentrons dans la lutte intersectionnelle. En étant LGBT noire, nous ne pouvons pas séparer les luttes contre l’homophobie et le racisme par exemple. Nos revendications se doivent ainsi de prendre en compte toutes les luttes. L’un ne va pas sans l’autre. On retrouve également du racisme dans les milieux LGBT. Et c’est également une manière pour nous, lorsque nous participons à des manifestations contre les violences policières par exemple, de sensibiliser à nos causes.

RTM | Pourquoi avoir choisi le nom Les Diivines ?

Pierrette | Je voulais un nom qui nous célèbre, qui nous remobilise, qui nous valorise. Diivine vient de Divinité. Nous le sommes toutes.  Et j’ai appris récemment que Diivine était également le nom donné aux lesbiennes en Haïti. Ca tombait bien. Les Diivines, ce sont toutes les personnes de la communauté LGBTQI+. C’est un mot de célébration !

RTM | Etre une femme noire lesbienne qui a grandit en Bretagne puis à Paris, c’est …

Pierrette | Etre invisible. Faire face à la solitude, encore plus en Bretagne qu’à Paris. Il y a un véritable problème de représentation dans nos régions. C’est quelque chose que l’on retrouve également en outre-mer. C’est d’ailleurs ce qui pousse souvent des jeunes à partir pour se retrouver à Paris. D’où l’importance selon moi de créer des associations afro-caribéennes LGBT.

RTM | Quels sont, à ta connaissance, les associations qui accompagnent justement les jeunes LGBTQI+ noires en France ?

Pierrette | Je ne les ai pas tous en tête, mais je pense par exemple à Afrique Arc en Ciel. Il y a évidemment les Diivines.

Certaines associations décoloniales intègrent également les questions liées aux communautés LGBTQI+.

RTM | Il y a quelques mois vous avez co-signé une tribune sur la question de la PMA en France. Peux-tu re-contextualiser la situation en France aujourd’hui ?

Pierrette | La loi PMA qui a été voté récemment a complètement mis de côté les femmes afro-descendantes lesbiennes. Au niveau des CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), il y a un règlement qui stipule que la receveuse doit correspondre au don. En clair, un don d’une personne blanche sera donné à une demandeuse blanche.

C’est ce qu’on appelle le règlement d’appareillement, qui permet également la recherche de pathologie éventuelle de l’embryon.

Nous demandions que les CECOS ne fassent plus attention à la couleur de la demandeuse. En France, il n’y a pas assez de dons de spermes et d’ovocytes de personnes noires à l’heure actuelle. Aujourd’hui, avec cette loi, si une personne noire fait une demande de don pour la PMA, les CECOS sont en droit de refuser car le don sera blanc et la personne noire. C’est une injustice, nous devrions avoir le choix d’accepter ou non un don.

Nous avons porté deux amendements justement pour le droit au choix du don et la  création d’une campagne nationale pour un appel au don de personnes noires… Mais nous sommes en France, les campagnes ciblées sont interdites. Les deux amendements ont été rejetés. C’est pourtant important de se mobiliser autour du don d’ovocyte et de sperme. Cette loi votée est clairement raciste, elle est héritière de la période de l’esclavage.

RTM | Originaire de la Guadeloupe et d’Haïti, tu parles du double isolement vécu par les personnes LGBT aux Antilles…

Pierrette | L’homophobie est encore très présentes dans nos îles. La communauté LGBTQI+ est fortement discriminée, ce qui pousse même certains au suicide ou au déplacement vers l’hexagone. Il y a un véritable besoin d’ouvrir la discussion sur ce sujet,  de créer des conférences, des structures LGBT, des lieux safe. J’ai le sentiment que la nouvelle génération a envie d’en discuter, d’ouvrir le débat.

RTM | En parlant des Antilles, les Diivines soutiennent également les combats menés aux Antilles et dans l’hexagone contre le chlordécone …

Pierrette | La question du chlordécone est importante. Nous soutenons fortement l’association Zéro poison, zéro chlordécone. Etant originaire des Antilles mais vivant à Paris, nous ne pouvons passer à côté de cette cause. Il y a une véritable nécessité de sensibiliser, sensibiliser par le biais d’alliance.

RTM | Etre une lesbienne noire il y a 20 ans et aujourd’hui, vois-tu des évolutions ? 

Pierrette | Il y a 20 ans, les lesbiennes noires vivaient cachées. Aujourd’hui, nous vivons beaucoup moins cachées. Les femmes se sentent quand même plus libres, libres d’aimer qui elles veulent. Je le vois également au travers des soirées. Les personnes plus âgées qui viennent le disent elles mêmes. A l’époque il n’était pas envisageable d’employer les mots : lesbienne et politique, ensemble. Aujourd’hui, ça va de pair. 

RTM | Pourquoi est-ce justement essentiel pour toi d’associer lesbienne et politique ?

Pierrette | Parce que des femmes ont lutté avant nous, des femmes sont mortes parce qu’elles étaient lesbiennes et des femmes continuent de tomber. La femme lesbienne est une femme politisée qui se positionne contre la lesbophobie. J’irai même plus loin en parlant d’afrolesbienne car malheureusement quand on parle de lesbienne en France, généralement on voit apparaître à la télé ou la radio des femmes lesbiennes blanches. Alors qu’il y a les lesbiennes noires, musulmanes, arabes, asiatiques… Nous avons le devoir de nous faire entendre.

RTM | Si tu devais nous citer 3 femmes qui t’ont inspiré dans ton parcours ?

Pierrette | J’ai grandit avec très peu de modèles, très peu de femmes noires vers qui regarder. Vers mes 30 ans, j’ai découvert Audre Lorde, Angela Davis et un peu plus tard Maboula Soumahora. Je trouve ces trois femmes très inspirantes. Elles ont notamment un message pour les femmes noires. Angela Davis et Audre Lorde, ont également des messages pour les lesbiennes noires et la communauté LGBT. Ces trois femmes sont brillantes !

RTM | En parlant de message pour les femmes noires, tu te dis également afroféministe radicale. Qu’est-ce qui t’a séduit dans l’afroféminisme ?

Pierrette | La notion d’intersectionnalité, qui prend en compte les questions liées à la communauté LGBT au sein des revendications. Le fait également que l’afroféminisme regroupe les femmes de la Caraïbe et de l’Afrique dans une lutte commune.

RTM | Pour toi, le collectif c’est ?  

Pierrette | Une vision commune. Ca fait effet de démocratie. On précise l’initiative d’une personne mais renforcée par le soutien de sympathisant. Il y a différentes manières de penser le collectif. Mais le collectif est primordial.

RTM | Qu’est-ce qui fait de Pierrette une Reine Des Temps Modernes ?

Pierrette | C’est un bien joli titre. Je pense que je fais attention à la communauté, à ma communauté, à mes prochains. Des temps modernes, d’aujourd’hui, car je prête attention à l’actualité, sans oublier ce qui a été fait avant nous, sans oublier le travail des militants, de nos ancêtres.

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