Qui se cache derrière “The Womanist Podcast” ?

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Découvert récemment sur la toile, The Womanist Podcast est un podcast en français qui s’adresse aux femmes noires à l’identité multicultelle. Nous avons rencontré Louisa, Daphne et Laéthycia qui sont les voix qui se cachent derrière cet espace de dialogue et d’expression sur les questions liées aux expériences à la représentation des femmes noires. Rencontre non pas avec une mais trois QUEENSPIRATIONS.

                          Daphné                                                     Laéthycia                                                  Louisa

RTM | Bonjour les filles, avant de commencer pouvez-vous vous présenter à nos lectrices/lecteurs ? 

Louisa | Je suis Louisa. Je suis née en région parisienne et j’y ai vécu jusqu’à mon départ pour les US. Je vis maintenant à Brooklyn (NY) et je travaille pour une startup basée ici mais je suis avant tout une artiste et filmmaker en devenir.

Daphné | Je suis Daphne. Je suis Directrice Gestionnaire de Compte dans le domaine de l’aérien + Singer-Songwriter/Ukulele Player/Poet/Content Creator/Entrepreneuse et Podcasteuse!

Laéthycia | Je suis Laethycia, je vis à NYC. J’ai fait des études de communication en France. Après des stages en maison de disque et pour une chaîne de télévision, je suis venue à New York. À New York je travaille pour des gens aisés.

RTM | Comment êtes-vous tombées amoureuse de New-York et qu’est-ce qui vous a toutes les trois amené dans cette grande métropole ?

Louisa |  J’ai été attirée par les US très tôt, quand j’étais pré-ado. Le mode de vie, la culture, le rêve américain, ce qu’on nous montre à la tv quoi… Quand j’ai eu l’opportunité de partir pour les États-Unis en 2011, j’étais plutôt épanouie dans ma vie à Paris mais je crois au destin donc je me suis laissée tenter par l’aventure. Cela fait maintenant plusieurs années que je me suis installée ici et honnêtement, les débuts ont été assez difficiles et ce n’est que récemment que j’ai véritablement commencé à aimer NYC.

Daphné | Je venais d’avoir 15 ans la première fois que je suis venue à New York. Première fois aux Etats Unis depuis mon départ quand j’étais enfant (je suis née à Los Angeles). Tout de suite je me suis senti “à l’aise”. Je ne savais pas comment l’articuler à l’époque mais je me suis sentie “célébrée” – alors que ce n’était pas forcément le cas en France. Quand je faisais mon BTS je suis revenue seule pendant 3 mois pour un stage dans un hôtel, et j’ai vraiment adoré la ville.

Des années plus tard, après avoir passé trois ans sur Paris à bosser, j’en ai eu marre et j’ai décidé d’y revenir temporairement – un mois plus tard j’étais embauchée en tant qu’hôtesse de l’air pour une compagnie de charter américain – plus tard j’ai repris mes études. J’y réside depuis maintenant 14 ans.

Laéthycia | J’ai toujours voulu vivre aux USA, depuis que je suis au collège. Je voulais vivre le rêve américain. Quand j’ai eu la possibilité de venir, je suis venue.

“Quand je fais le parallèle avec la France, je suis peinée de voir que le débat sociale sur ce type d’injustices est encore très bridé.”

 

RTM | Pouvez-vous nous raconter la genèse de « The Womanist Podcast » ?

Louisa | Il y a quelques mois j’ai fait appel à Daphne et Laethycia pour leur proposer de se lancer avec moi dans cette aventure et elles ont toute de suite été réceptives. The Womanist Podcast est né d’un besoin de s’exprimer sur les sujets qui nous touchent, nous femmes noires, de créer un espace “safe” où l’on pourrait apprendre, échanger et donner nos avis.

Je me suis toujours passionnée pour les mouvements des droits civiques aux États-Unis, des luttes contre la décolonisation en Afrique et les autres luttes sociales beaucoup plus récentes. Vivre aux États-Unis m’a encore plus ouvert les yeux sur les injustices sociales et notamment raciales. Être sur place et témoin de ce qui s’y passe; la violence policière, les discriminations, le racisme, la violence sociale que subissent les personnes de couleur et particulièrement les Noirs, a été un véritable choc. Mais je me réjouis du fait qu’ici, on puisse en parler plus librement, sans réserve. Quand je fais le parallèle avec la France, je suis peinée de voir que le débat sociale sur ce type d’injustices est encore très bridé.

D’autre part, les femmes ont toujours eu une place toute particulière dans ma vie. Je connais et suis entourée de femmes talentueuses, formidables et au soutien inestimable. Il n’y a rien de plus fort et puissant qu’un groupe de femmes qui se portent les unes les autres et construisent ensemble. The Womanist Podcast, c’est donc aussi un hommage aux femmes noires dans toute leur diversité et leur complexité. We’re truly magical (Nous sommes réellement magiques).

Le format podcast est apparu comme une évidence. Dans une société où tout le monde est obnubilé par l’image et où la capacité d’attention a beaucoup diminué, le podcast est un peu à contre courant. Pour nous, il permet de garder un peu d’authenticité et de spontanéité (même si les enregistrements sont préparés et puis un minimum édités). C’est aussi une façon de dire – ce qu’on dit, c’est important. C’est sur nos voix qu’on veut garder le focus.

RTM | « Womanist » plus que « Feminist » ?

Louisa | Oui, complètement! On se reconnaît dans le womanisme qui lui prend en compte les dimensions culturelles et raciales dans l’expérience des femmes noires et plus largement des femmes de couleur dans la société.

“Faire entendre notre voix, c’est juste exister, et montrer que nous sommes là.”

 

RTM | Pourquoi est-ce important selon vous de prendre la parole sur les expériences et la représentation des femmes noires dans notre société ?

Daphné | Tout simplement car c’est quelque chose qui n’est toujours pas assez mis de l’avant – il y a un manque de visibilité certain – et quand les femmes de couleur sont justement visibles, elles sont très caricaturées. J’étais encore en France la semaine dernière dans le cadre du travail et je suis toujours choquée du manque de diversité dans les médias – ce n’est pas du tout représentatif de la réalité. Je suis la pour remettre “les pendules à l’heure”.

Laéthycia | La femme noire n’existe pas vraiment dans les médias. Du coup, c’est un groupe qui est souvent mis de côtés ou ignorer. Faire entendre notre voix, c’est juste exister, et montrer que nous sommes là. Pour les futures et anciennes générations c’est un plus, et surtout cela nous pousse à bien faire.

Louisa | Aussi parce qu’il nous faut nous réapproprier notre propre représentation, pas pour exister dans le regard des autres, mais pour nous-même. Moi, je suis vraiment pour toutes les initiatives “F.U.B.U.” – For Us By US.

RTM | Qu’est-ce que vous entendez par « femmes noires aux identités multiculturelles » ?

Louisa | On parle ou on dit souvent “la femme noire” en oubliant notre diversité, qu’il s’agisse de nos origines, de nos cultures, notre identité sexuelle, notre appartenance à une ou des sous-cultures, notre environnement etc. À travers le podcast, on s’adresse à la diaspora, aux femmes noires où qu’elles soient, dans toute leur diversité et leur complexité. Malgré le fait que nos expériences en tant que femmes noires aient des de nombreux éléments en commun, nous sommes toutes différentes.

Daphné | Être noire aux Etats-Unis est être issue de la diaspora. Alors qu’en France je suis considérée comme “métisse” – ici, je suis tout simplement noire – comme par exemple Bob Marley, Alicia Keys, Rachida Jones, Lenny Kravitz, Tracee Ellis Ross, Meghan Markle etc… ils ne sont pas dans une catégorie à part – they are all black.

Cela ne veut pas forcément dire qu’une personne noire renie une partie de son héritage, loin de là – mais I acknowledge that my experience is different than if I were solely white – as I am walking through the world being a woman of color.

Laéthycia | Pour moi être noire c’est juste une couleur, contrairement aux USA où c’est une culture. Du coup selon moi être noir ne peut pas définir ce que l’on est.

“Je dirais juste qu’aux Etats-Unis les Noirs sont représentés car il sont Américains donc même si, certains se sentent ou sont traités comme des Américains de seconde zone, ils restent Américains. En France, les gens ne comprennent pas pourquoi des immigrés ou des enfants d’immigrés veulent être représentés dans la société française…”

 

RTM | Etant basée à New York, quelles sont les différences que vous observez en termes de représentation comparativement à la France  ?

Daphné | Je commencerai par dire que la condition des noirs aux Etats-Unis est loin d’être parfaite. Les discriminations existent toujours; cependant, je dirais que de par son histoire dans le cadre de la justice sociale, nous sommes plus “organisés” — de ce fait, je pense que beaucoup plus de personnes comprennent mieux les ramifications du racisme institutionnel et essaient de les combattre grâce aux outils que nous avons à notre disposition que ce soit l’accès à l’éducation ou les médias. De plus, grâce à leur visibilité et moyens financiers important beaucoup de célébrités ont la possibilité de véhiculer des messages à grande échelle et faire changer les choses grâce à leur plateforme au point de vu national et même mondial.

Laéthycia | Il faudrait faire toute une interview sur ce sujet. lol. Je dirais juste qu’aux Etats-Unis les Noirs sont représentés car il sont Américains donc même si, certains se sentent ou sont traités comme des Américains de seconde zone, ils restent Américains. En France, les gens ne comprennent pas pourquoi des immigrés ou des enfants d’immigrés veulent être représentés dans la société française… Car même si nous sommes nés et avons grandi nous ne sommes pas vu comme Français. Les Noirs aux Etats-Unis sont Américains et vu comme tels.

Louisa | Je constate aussi qu’il y a une véritable “Black Renaissance” qui est en train de se passer en ce moment. On voit et on ressent une grande détermination et une fierté chez la communauté noire aux États-Unis. Je pense aussi que la médiatisation des célébrités et des megastars y joue pour beaucoup.

Il me semble que beaucoup de choses se mettent en place en France aussi et que le réveil des consciences se propagent encore plus.

RTM | Vous abordez également des sujets liés à la sexualité et la santé des femmes noires. Quel est selon vous le ou les sujets les plus tabous actuellement ?

Daphné | Pour moi rien n’est tabou. Je préfère dire que l’on peut aborder tous les sujets, l’important c’est la manière de les délivrer. Après j’ai l’impression que dans la diaspora ce qui touche à la santé mentale, au rôle des sexes et à l’orientation sexuelle sont des choses qui ne sont pas assez abordées.

Laethycia | Mes parents sont africains donc je dirais que le sexe en lui même était tabou. Je n’ai pas l’impression qu’il y a des tabous en ce qui concerne la sexualité. Par contre aux USA l’avortement est très tabou et très mal vu, c’est quelque chose qui me choque encore.

Louisa | À mon avis, la sexualité et la santé mentale sont les deux sujets les plus tabous dans les communautés noires, où qu’elles soient.

RTM | Quelle place donner vous à la sororité dans votre quotidien ? Et comment se manifeste-t- elle ?

Daphné | Je considère qu’il est essentiel afin de réussir. Un cercle féminin positif aidera à surmonter l’adversité. Je n’ai pas de tolérance pour la négativité et les personnes qui vibrent at a low frequency. Je crois à l’écoute des autres, l’entraide, les encouragements et la loyauté – Je n’ai pas toujours eu ca dans ma vie, mais once you see and understand something that powerful you can’t not acknowledge it and unsee it.

Laéthycia | Je suis une femme qui adorent les femmes. Je veux toujours être amie avec les femmes que je côtoie au quotidien, peu importe l’âge ou l’origine ethnique et sociale. J’aime apprendre et j’aime m’enrichir des expériences des autres. L’union fait la force et je pense qu’on devrait être encore plus soudées.

Quelles soient de sang ou de coeur celles que j’appelle mes soeurs ne savent pas elles-mêmes, à quel point elles sont importantes dans ma vie.

Louisa | La sororité, la solidarité féminine, occupent une place essentielle dans ma vie. Mon cercle d’amies me conseille, me soutient, me tire vers le haut et m’inspire au quotidien. J’essaie d’en faire autant pour elles. Je considère aussi les femmes noires en générale comme des soeurs, comme mes soeurs. Et même s’il est impossible de tisser des liens avec toutes parce qu’il y a naturellement un manque d’affinités avec certaines, je les aime toutes.

RTM | Quelles sont les femmes qui vous inspirent au quotidien ?

Daphné | My girls… I only want to surround myself with people who inspire me. Also, my friends in my head: Oprah, Maya Angelou, Michelle Obama, Ava Duvernay, Kamala Harris, Elizabeth Warren, Erykah Badu and many more!

Laéthycia | Oprah et Michelle Obama.

Louisa | My damn self! ahah. Je suis ma propre inspiration et je suis fière de qui je suis, d’où je viens et du chemin parcouru jusqu’ici, même si j’ai encore beaucoup de choses à accomplir et de rêves à réaliser. Je trouve que les gens ne s’accordent pas assez de crédit, et qu’on a tendance à être vraiment dure avec nous-même. Parfois, il faut s’arrêter et se donner une tape à l’épaule, reconnaître qu’on fait de notre mieux. Il faut s’autoriser à être notre fan numéro 1 et ça ne veut pas dire manquer d’humilité, juste de self-love. Sinon, mes grands-mères sont mes plus grandes inspirations. Des femmes très dignes, battantes et qui ont fait preuve de sacrifice pour les leurs.

RTM | Votre citation favorite ?

Daphné | “In the end, we will remember not the words of our enemies but the silence of our friends” MLK

Laéthycia | “God Forgives, I Don’t” Je ne sais pas qui est à l’origine de cette phrase, mais la première fois que je l’ai entendu c’est en tant que titre du 5ème album de Rick Ross.

Louisa | “Compromise, for what?” Eartha Kitt

“J’aime et je célèbre chaque millimètre de mon être.”

 

RTM | Qu’est ce qui fait de chacune d’entre vous une Reine Des Temps Modernes ?

Daphné | Je suis convaincue que je suis ici pour laisser ma trace. I hope I can inspire other women by living my life to its fullest, like it’s golden! I am a Phenomenal Woman who believes that women are magical and the sky is the limit! If only we can realize how special we all are in our own way we can do wonderful things and change the course of the history!

Laéthycia | Mon horloge biologique doit être cassée, mais tant que mon Ipad fonctionne tout va bien.

Louisa | Je suis une femme noire et j’en suis fière. J’aime et je célèbre chaque millimètre de mon être. Je reconnais et accepte la divinité en moi. J’essaie chaque jour de me rapprocher de la meilleure version de moi-même.

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