Sandra Cerise (Blogueuse) – “Je considère que le défrisage est une texture”

0

Cela fait pratiquement une semaine que je suis rentrée en Guadeloupe. Bien que je sois en vacances, je souhaitais profiter de mon passage pour aller à la rencontre de jeunes femmes qui font bouger les choses dans leur domaine.

Aujourd’hui, la jeune femme que je vous propose de découvrir s’appelle Sandra aka Sandra Cerise. Youtubeuse depuis janvier 2016, Sandra a décidé de prendre le parti pris des « cheveux défrisés ». Un pari risqué lorsque l’on sait toute l’émulation qu’il y a actuellement autour du retour au naturel. Mais Sandra assume son choix et ne compte pas s’arrêter de sitôt…

WZ – Coucou Sandra, je te propose dans un premier temps que tu te présentes à nos lecteurs. 

Sandra – Je m’appelle Sandra, j’ai 40 ans. Je suis Guadeloupéenne. Je suis née à Paris dans le 10ème. A l’âge de 6 mois, je suis venue vivre en Guadeloupe à Pointe-à-pitre avec ma grand-mère. Mes parents, eux, sont restés en France. Ma mère faisait partie de la génération Bumidom et avait donc trouvé un travail sur Paris.

Arrivée en classe de CE1, les choses ne se passaient pas très bien à l’école donc je suis repartie vivre en France avec mes parents jusqu’en 2004. En 2004, je suis me suis installée en Martinique et en 2010, je suis rentrée définitivement en Guadeloupe.

WZ – Parlons maintenant de ton parcours avant Youtube. Quelle était ton activité avant la chaîne Sandra Cerise ? 

Sandra – J’ai fait études de secrétariat : BEP, CAP, BAC, BTS. Je me suis spécialisée en bureautique et secrétariat bilingue. Niveau métier, j’oscillais entre assistante de direction et assistante de gestion. J’ai travaillé en France, en Martinique et en Guadeloupe. En janvier 2016, j’ai plus ou moins été obligée d’arrêter de travailler car l’entreprise dans laquelle j’étais a fait faillite.

Il se trouve aussi qu’à cette période, j’étais enceinte et alitée. J’avais donc beaucoup plus de temps pour moi. J’ai décidé de me concentrer sur ma passion et j’ai commencé à regarder de plus en plus de vidéos sur youtube : conseils/tutos make-up et coiffure. Youtube était devenu ma nouvelle télé.

Et c’est en regardant toujours plus de vidéos que je me suis rendue compte qu’il y avait un trou énorme à combler. Il n’y avait plus de vidéos en français pour les filles qui ont les cheveux défrisés. Toutes les youtubeuses que je suivais à l’époque étaient devenues « Nappy » ou avaient supprimé leurs chaînes. Et là je me suis rendue compte que les « défrisées » étaient devenues une « espèce » à part.

WZ – Quel a été le déclic pour te lancer ? 

Sandra – Je me suis rendue compte dans un premier temps que les seules vidéos qui donnaient des conseils aux femmes qui avaient les cheveux défrisés, étaient réalisées par des Youtubeuses américaines donc anglophones. En France, il n’y en avait pas ou du moins plus. Et puis, je suis surtout tombée sur deux vidéos, notamment une vidéo de la youtubeuse de Princesse Pagaill où elle se faisait lyncher dans les commentaires : « Tu n’es pas fière d’être noire », « Tu es une vendue », « Tu renies ta race », « Tes cheveux vont forcement tomber ».

J’ai donc décidé de faire une vidéo un peu coup de gueule où j’expliquais qu’il était possible d’avoir les cheveux défrisés et en bonne santé à condition d’en prendre soin. Je pensais que j’envoyais une bouteille à la mer. Sauf que j’ai été très surprise du nombre de vues et de commentaires positifs qu’a provoqué cette vidéo. J’ai donc réalisé deux ou trois vidéos supplémentaires pour m’expliquer et au final je n’ai pas lâché. Tu te rends compte qu’une vidéo en amène une autre et puis tu ne t’arrêtes pas là.

Je pense aussi que tous les commentaires négatifs que j’ai pu avoir au début m’ont aussi motivée à ne pas arrêter et à continuer mes vidéos.

WZ – Ce que je trouve intéressant dans ta démarche, c’est qu’actuellement il y a une énorme mouvance « Nappy » et que toi au final tu prends le parti pris des « cheveux défrisés ». J’aimerais comprendre ton rapport au défrisage. Est-ce que tu comprends quand même cette image négative que l’on peut avoir face au défrisage ? 

Sandra – Je considère que le défrisage est une texture que j’ai choisie parce que je l’aime bien. Je compare le défrisage à la coloration. Ca ne veut pas dire que je n’aime pas ceux qui ont les cheveux naturels, ça ne veut pas dire que je n’aime pas mes cheveux naturels mais j’aime me voir comme ça. C’est un choix. Cependant, je sais très bien que le défrisage abime les cheveux donc derrière il faut assumer/assurer.

Je comprends le retour au naturel, et j’aime ça. Je sais que ça surprend lorsque je le dis mais oui j’aime ça parque je trouve que les femmes ont enfin compris qu’elles ont le choix et que le défrisage n’est pas une obligation. Ca a permis à plein de marques capillaires de voir le jour, des marques adaptées à nos cheveux.

En revanche ce que je n’aime pas ce sont les personnes qui veulent dicter une conduite ou obliger l’autre à agir de telle ou telle manière. Personne ne va aboyer sur les fumeurs lorsqu’ils sortent une cigarette dans la rue alors pourquoi moi je dois me faire insulter par rapport à une préférence capillaire ?

On me dit souvent que je ne m’assume pas, que je renie ma race. Sauf que quand les Youtubeuses make-up par exemple font des vidéos de contouring pour s’affiner le nez, est-ce que je leur dit qu’elles n’assument pas leur nez de négresse ? Non.

Ce qui me dérange ce sont les personnes qui veulent imposer une image de la femme noire. La femme noire est comme ça, il faut être comme ça. Je veux qu’on ait le choix. Je ne veux pas qu’on m’impose une image de moi même. Cela signifie t-il que si je modifie un aspect de mon physique, je ne suis plus noire ? Qu’est-ce que je deviens ?

Tant que j’aurais l’impression qu’on veut nous imposer une image de la femme noire, je continuerai de faire des vidéos. Mes vidéos ne disent pas « il faut que tu défrises les cheveux ». Ce n’est pas ça mon message. Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Je dis juste que peut importe ce que tu fais, fais le bien. Si tu veux être « Nappy », fais le bien. Si tu veux te défriser les cheveux, fais le bien.

3a6d671988d4bf798d4cc29e2cdc6204

WZ – Je pense que c’est important qu’il y ait cette pédagogie, car le cheveu chez les noirs reste politique. Donc je pense qu’il est important d’expliquer aux jeunes femmes l’histoire de leurs cheveux pour justement leur laisser ensuite le choix. Mais c’est important d’expliquer, de raconter … 

Sandra – Oui, j’aime le fait qu’on puisse avoir le choix. J’aime le fait qu’une femme puisse porter ses locks, les avoir au naturel ou les avoir défrisés. J’ai juste envie qu’on brise justement tous ces préjugés. Ce n’est parce que je me défrise les cheveux que je voudrais être blanche.

WZ – Où trouves-tu les produits que tu utilises pour l’entretien de tes cheveux ? 

Sandra – Je les trouve ici. Ma politique est d’éviter un maximum de commander. J’ai envie que l’on fasse un peu tourner notre argent en Guadeloupe. On va toujours voir ailleurs alors qu’il y a des choses ici. J’essaye de consommer un maximum « lokal » comme on dit.

WZ – Qu’est-ce qui t’attire dans ce métier ? 

Sandra – Quand j’ai commencé, je ne me voyais pas en faire mon métier. Depuis, je me suis vraiment rendue compte que cela pouvait devenir un business à part entière. J’aime l’indépendance que cela procure. Quoi de mieux que de pouvoir allier sa passion à son business ? Pour le moment, ce que Youtube me donne ne me permet pas de vivre. Et il faut savoir que cela prend énormément de temps. Donc il faut vraiment aimer ce que l’on fait. Celui qui commence Youtube en se disant, « je le fais parce que ça paye » autant arrêter tout de suite. Je m’adresse quand même à une niche.. J’aimerais bien que cela devienne mon métier à part entière mais on verra avec les années en fonction de comment les choses évoluent.

WZ – Est-ce qu’il y a des avantages ou des inconvénients à être Youtubeuse en Guadeloupe ? 

Sandra – L’avantage c’est que la majorité des personnes qui suivent mes vidéos ne vivent pas en Guadeloupe. Plus de 50 % vivent en métropole. J’ai cette liberté de pouvoir sortir non maquillée et de n’avoir aucune remarque un peu bizarre. L’inconvénient, c’est que beaucoup de personnes de mon âge ne comprennent pas ce que je fais, ne comprennent pas le fait que je puisse partager des informations gratuitement. On me regarde souvent comme un ovni. Ma voisine pense que je parle toute seule lorsque je fais mes vidéos. Les plus jeunes ont grandi avec l’outil internet donc ils comprennent un peu plus. Les copines de ma fille qui a 14 ans par exemple connaissent tout cet univers des blogueuses, youtubeuses. Les plus vieux, c’est un peu plus difficile. Et puis il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de Youtubeuses de 40 ans sur la toile.

WZ – Quelles sont les actualités de Sandra Cerise dans les semaines à venir ? 

Sandra – Le 29 Octobre, j’organise un événement en partenariat avec d’autres Youtubeuses sur la thématique des cheveux qui s’intitule « I am beautiful, à l’intérieur, comme à l’extérieur… ». C’est un événement où les femmes pourront être conseillées sur tous les types de cheveux : crépus, bouclés, défrisés, locksés. Elles pourront aussi retrouver des conseils maquillages, cosmétiques et développement personnel. L’événement se tiendra à Parad’est à Petit-bourg. Je voulais que l’on crée un événement qui parle à toutes les femmes et non pas uniquement aux femmes « nappys ».

14680626_540346332831353_6160198795575249968_n

WZ – Avant de terminer cette interview, j’ai une dernière petite question. Est-ce que tu peux nous donner ta défition d’une Reine Des Temps Modernes ? 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici