“Is that your hair ?” : From France to London

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Photo by William Stitt on Unsplash

Une fin de journée comme les autres dans la vie animée et stressante de la capitale Anglaise, la mine renfrognée et la fatigue dans chaque partie de mon corps. Je me sens déjà mieux, je suis presqu’arrivée à la maison. En bas de mon immeuble, un homme blanc, la quarantaine, me regarde. Son regard n’est ni agressif, ni menaçant; mais je ne suis pas d’humeur à socialiser là tout de suite. Au pire je ferai semblant de ne pas parler Anglais, comme j’ai pris l’habitude de faire pour ne pas me faire importuner… Au fur et à mesure que je me rapproche, son regard est de plus en plus insistant, oui, soudainement, je réalise ! Il ne me regarde pas moi, il regarde mes cheveux ! Depuis que j’ai coupé mes dernières mèches de cheveux chimiquement assouplis et que je porte fièrement mon afro bouclé, j’attire beaucoup plus les regards !

“Ce sont vos cheveux ? Félicitations, ils sont magnifiques, et on voit qu’ils sont bien soignés ! Çà fait du bien de voir une femme noire porter fièrement ses cheveux naturels comme çà. Je ne comprends pas pourquoi tant de femmes noires portent des tissages, extensions, et autres cheveux rouges ! Votre coiffure est magnifique, et elle vous donne une de ces allures ! Continuez comme çà ! Et pardon de vous avoir dérangée”.

Je n’ai pas eu le temps de dire grand chose d’autre que merci, tout en affichant un sourire franc et fier. Puis je range ce souvenir dans un coin de ma tête.

Le cheveu crépu : ce fardeau

Dans son documentaire “Good Hair“, Chris Rock explore la complexité de la relation qu’entretient la femme noire avec son cheveu naturel. Entre les femmes indiennes qui se tondent les cheveux en gage d’offrande divine avant que ceux-ci ne soient récupérés et vendus à des prix exorbitants, et les femmes noires qui admettent payer jusqu’à $5,000 pour un tissage, quitte à payer plusieurs fois par mensualités; ce documentaire offre des témoignages et révélations invraisemblables sur la réalité de ce monde du cheveu noir.

Certains acteurs, figures et artistes de la scène médiatique afro-américaines y témoignent, et tous exposent leur relation avec leur cheveu naturel.

Partout dans le monde, les femmes noires se défrisent ou assouplissent leur cheveux, dépensent des fortunes en tissages et autres perruques; parce qu’il est aujourd’hui ancré dans les mentalités que le cheveu crépu est moche, rebelle, et donne un aspect non soigné, négligé ou peu professionnel. Tout autant de raisons pour lesquelles les femmes noires modifient leurs cheveux partout dans le monde.

Le cheveu noir : un accessoire culturel

Observer la relation que les femmes noires ont avec leurs cheveux d’une situation géographique à une autre est un exercice assez intéressant. Ne serait-ce que dans la Caraïbe, la différence est flagrante entre les territoires français d’Outre-Mer d’une part, où les perruques et autres tissages se doivent d’être discrets; et les ex-colonies britanniques, où les cheveux achetés dans le commerce jouent une part très importante dans l’apparence et l’affirmation de la personnalité de la femme qui les porte.

Dans les anciennes colonies britanniques, l’approche est très particulière, et les femmes portent fièrement des cheveux aux couleurs chatoyantes, aux longueurs surprenantes et aux textures originales. Le problème de fond : le cheveu naturel n’est beau que s’il est frisé, bouclé, ou ondulé; les malchanceuses qui n’ont pas hérité ces gènes se voient donc presqu’obligées de dépenser des fortunes en extensions et autres cheveux vendus dans le commerce. Ces sociétés affirment haut et fort que le cheveu crépu n’est pas beau, et qu’il doit être caché, modifié ou arrangé.

En France et dans les territoires français d’Outre-Mer, l’approche est différente. Dans ces sociétés où la beauté naturelle, où du moins la beauté semblant naturelle est promue et érigée en exemple, il n’est pas rare que les femmes soit humiliées ou moquées lorsque leurs cheveux synthétiques sont découverts. D’ailleurs, nombreuses sont les femmes noires qui s’assouplissent ou se défrisent les cheveux, prétendant qu’il s’agit là de leur texture naturelle. Toutefois, ne nous y trompons pas : la problématique est la même, voire plus profonde encore. Le cheveu crépu n’est pas beau, mais les ajouts commerciaux ne sont pas plus acceptés : les cheveux ne sont beaux que s’ils sont frisés, bouclés ou ondulés; et ce, naturellement.

Dans tous les cas, dans ces sociétés, porter des cheveux crépus naturels est perçu comme un acte rebelle par une majorité, ou comme une affirmation d’une personnalité forte. En réalité, tout dépend de la relation de la femme en question à son identité, avec un lien éventuel avec son environnement, son éducation, ou ses valeurs et priorités.

Le cheveu noir : une question d’ordre public

Un point intéressant à soulever toutefois : quelle que soit la position géographique, force est de constater que la question des cheveux des femmes noires est une question d’ordre public; ou alors il semble que ce soit un sujet à discussion et à opinion pour tout le monde, y compris ceux qui ne sont absolument pas concernés par la question. De la même façon que l’utérus des femmes semble être un sujet à débat dans toutes les sociétés, la question des cheveux des femmes noires n’est jamais laissée seule entre les mains des femmes noires. Tout le monde a une opinion à donner, un conseil à prodiguer, des techniques à proposer et des coiffures à imposer.

Comment se fait-il que les femmes noires soient toujours jugées sur la texture de leurs cheveux ? Pourquoi est-ce si naturel d’interroger les femmes noires (y compris des inconnues croisées dans la rue) sur leurs cheveux, et de demander à les toucher ? Pourquoi les gens se permettent-ils de constamment commenter les cheveux des femmes noires en argumentant sur ce qu’ils trouvent approprié ou pas ? La question ne serait-elle pas plutôt de savoir si ces femmes sont bien dans leur peau et se sentent belles telles qu’elles sont, cheveux naturels, crépus, bouclés, défrisés, synthétiques, extravagants ou pas ? Dans un contexte professionnel, des cheveux coiffés et soignés, en tenant compte des différentes textures naturelles, devraient être la norme pour les femmes, rien de plus, rien de moins. Dans d’autres contextes, les commentateurs volontaires et autres mains baladeuses devraient peut être s’occuper de leurs propres cheveux et de leurs propres problèmes, ce qui éviterait bien des désagréments, bien des discussions, et bien des débats (y compris cet article).

Cela dit, je remercie ce monsieur, car bien que je l’aie trouvé un peu familier et un peu “pas à sa place”, il s’agissait d’un compliment bien formulé et flatteur; mais peut-être aurait-il pu s’abstenir sur les femmes qui n’ont pas fait les mêmes choix que moi… Juste une pensée…

 

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